CES COUPS D’ÉTATS AU MALI, EN GUINÉE ET AU BURKINA FASO
Au Mali, le 18 août 2020, puis le 24 mai 2021, en Guinée, le 5 septembre 2021 et au Burkina Faso, le 24 janvier 2022, les régimes en place ont été renversé par l’Armée. L’analyste estime que les causes lointaines et immédiates du coup d’Etat au Burkina Faso que les sanctions de la CEDEAO contre le Mali peuvent être perçues comme facteur déclencheur et aborde le cas guinéen. Lisez…
Il n’y a qu’une démocratie croissante et achevée jusqu’à la bonne gouvernance, qui puisse se poser en antidote contre les coups d’Etat. Sous l’ère de la démocratie pluraliste en Afrique de l’Ouest (à partir des années 90), les renversements de régime deviennent des défis aux enjeux multiples, survenant dans des contextes particuliers, mais qui ont en commun – hormis des causes subjectives- des dénominateurs liés à la mal gouvernance : crises sécuritaire, crise postélectorale, corruption, enrichissement illicite, détournement de deniers publics, impunité.
Le Colonel Assimi Goïta et ses camarades veulent confisquer le pouvoir au Mali
Ces fléaux rampants ayant la vie dure d’un régime à un autre alimentent les causes lointaines de l’intervention des militaires et des leaders religieux dans la politique. Lesdites causes résident dans l’incapacité des vrais acteurs que sont les politiques à réunir les conditions d’un système démocratique, dont l’un des premiers éléments vitaux est la tenue d’élections propres.
Si les coups d’Etat au Mali du 18 août 2020 et au Burkina Faso du 24 Janvier 2022 s’inscrivent dans le prolongement d’une crise sécuritaire galopante dans le sahel et au Mali depuis 2012, celui en Guinée le 5 septembre 2021, est consécutif à l’audace du président Alpha Condé de briguer un troisième mandat après avoir pris soin de modifier la constitution comme l’a fait le président Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire.
Dès l’entame de son troisième mandat (onze ans passé au pouvoir), le président guinéen, qui était vertement critiqué depuis sa réélection contestée à un troisième mandat, a été cueilli sans effusion de sang, et sans être défendu par la rue après son renversement par les militaires. Un peu plus surprenant que le renversement du régime de feu Ibrahim Boubacar Kéita (paix à son âme) dont le pouvoir traversait une période de turbulence liée à des contestations postélectorales (pas que ça), que la cour constitutionnelle a été incapable de contenir, qui ont débordé dans les rues de Bamako.
Outre les résultats électoraux contestés, l’opposition malienne mettait sur la table, la mauvaise gestion de la Loi d’orientation et de programmation militaire (LOPM), prévoyant un investissement de plus 1 230 milliards de FCFA en 5 ans ; les achats d’équipements et de matériels militaires, l’impunité dans des crimes de sang et économiques dont ceux révélés par le bureau du vérificateur général (BVG), l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI), la Cellule nationale de Traitement des informations financières (CENTIF) qui dépiste les blanchiment de capitaux.
Contrairement à la Guinée, la situation socio-politique et économique du Mali greffait crises sécuritaire, politique et économique, favorisant l’effritement de l’autorité de l’Etat et le développement d’une économie parallèle criminelle et transfrontalière. Cette situation chaotique sanctionnant sept ans de règne du président malien élu, dont la chute comme d’ailleurs, celle du président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, n’a donné lieu à aucune protestation de rue, au-delà des condamnations de principe.
Au contraire, le Colonel Assimi Goïta et ses frères d’armes, comme le Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba (nouvel homme fort du Burkina Faso) et les siens ont été bien accueillis par les manifestants du M5 RFP, consacrant le parachèvement d’une lutte populaire. Tout comme le Conseil de réconciliation nationale (CRN) conduite par le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (paix à son âme) a été chaudement accueilli sous des ovations par les associations et organisations démocratiques réunies à la Bourse du travail, le 26 mars 1991, qui ont vu dans l’action du CRN le parachèvement des manifestations de rue qu’elles ont organisées contre le régime du Général Moussa Traoré (paix à son âme). Au Mali comme au Burkina Faso, le nouveau venu n’est pas vu en militaire, mais en celui qui a pu débarrasser d’un pouvoir encombrant dont on a ras-le-bol.
En Guinée, le président Alpha Condé était accusé d’avoir mené un « hold-up électoral ». Moins d’un an après sa réélection controversée à un troisième mandat, son pouvoir sera renversé le 5 septembre dernier. Pourtant il avait été averti par des signaux visibles, il s’entêta : en Octobre 2020, le président Alpha Condé, candidat à un troisième mandat, s’indigne dans un entretien à France 24: « C’est extraordinaire que moi, qui me suis battu durant quarante-cinq ans, je sois considéré comme un dictateur antidémocrate ! » C’est parce qu’il a fait modifier la Constitution qui fixe un maximum de deux mandats présidentiels pour pouvoir se présenter à nouveau.