102 ans pour devenir la Turquie ? Morissanda met la Guinée sous anesthésie mentale
Lorsqu’un ministre des Affaires étrangères d’un pays en ruine annonce, sans ciller, qu’il faudra « 102 ans » pour que la Guinée atteigne le niveau de développement de la Turquie, il ne prononce pas un simple souhait. Il signe un constat d’échec national.
Dr Morissanda Kouyaté ou le griot crieur de la junte, célébrant l’anniversaire de la République de Turquie, a cru bon d’établir un parallèle entre Mustafa Kemal Atatürk et Mamadi Doumbouya. Rien que cette comparaison devrait suffire à inquiéter tout esprit lucide.
Atatürk fut le fondateur d’un État républicain moderne, issu d’une guerre d’indépendance, bâtissant institutions, laïcité et éducation nationale. Doumbouya, lui, est le produit d’un putsch acquis dans un bain de sang qui a dissous la Constitution, les institutions élues et mis la presse, la classe politique et la société civile sous surveillance d’une machine de répression aussi sauvage que humiliante.
Comparer ces deux trajectoires, c’est comme vouloir assimiler la lumière d’une étoile à celle d’une allumette, parce que les deux brillent un instant dans la nuit.
Un siècle de retard comme horizon
Mais le plus troublant reste cette phrase : « Dans 102 ans, la Guinée aimerait être au même niveau que la Turquie. »
Quelle abdication intellectuelle !
Quelle résignation politique !
Quelle pauvreté de vision !
Quelle tragédie nationale !
Quelle diplomatie médiocre !
Quelle humiliation !
Un ministre censé incarner la diplomatie d’un État souverain, ose annoncer à son peuple et devant la communauté internationale que le progrès est reporté à un siècle plus tard. Autrement dit, aucun Guinéen vivant aujourd’hui ne verra le fruit de ce « rêve ».
Ce n’est plus de la prudence, c’est de la paralysie mentale, un aveu de soumission à la fatalité, une manière de sanctifier l’immobilisme sous couvert de « vision à long terme ».
Dès à présent, les Guinéens doivent comprendre que le développement promis par le programme « Simandou 2040 » n’est que de l’illusion et un mensonge public.
La Turquie n’a pas eu besoin d’un siècle de rêverie pour se construire. Elle s’est relevée en deux décennies d’efforts, de réformes et de cohésion nationale. Ce qu’il a fallu, c’est une volonté politique, pas une dévotion aveugle à un chef charismatique.
La diplomatie du mimétisme
La diplomatie guinéenne, depuis le 5 septembre 2021, ne pense plus, elle récite.
Elle multiplie les postures de gratitude et les discours d’allégeance d’un homme en manque de repères, dépassé par les privilèges du pouvoir. Après tout, ce n’est pas un hasard si Morissanda Kouyaté a rappelé que « la Turquie fut le premier pays à ouvrir ses portes au putschiste Mamadi Doumbouya ». En d’autres termes, ce n’est pas une coopération d’égal à égal, c’est une reconnaissance de dette politique.
Ce type de rhétorique ne construit pas une nation, il perpétue la dépendance dans l’humiliation.
Pendant que la Turquie produit des drones, des aciéries et des satellites, la Guinée célèbre la formation de quelques dizaines d’étudiants sous le label « Simandou Académie » comme s’il s’agissait d’une révolution industrielle.
De l’hommage à la prosternation
Rendre hommage à Atatürk est une chose. Le transformer en miroir flatteur pour légitimer un régime de transition militaire complètement dévoyé, en est une autre.
Morissanda Kouyaté ne parle pas à la Turquie, il parle à son chef. Il ne fait pas de diplomatie, il fait de la dévotion dans le griotisme. Et quand un ministre confond la République avec le règne d’un homme, c’est que l’État a cessé d’exister.
Un siècle de cécité programmée
Si la Guinée doit réellement attendre 102 ans pour atteindre la Turquie, alors la question n’est plus économique, mais spirituelle : Sommes-nous maudits ? Ou simplement dirigés par des hommes sans vision qui n’ont jamais cru en la capacité du peuple de Guinée à inventer son propre destin ?
La vérité, c’est que ce régime d’amateurs cultive la lenteur comme une stratégie. En fixant l’horizon à un siècle, il justifie son immobilisme au présent. Et il habille son échec d’une promesse d’éternité.
Le fardeau des hommes sans vision
Les nations ne se bâtissent pas sur des flatteries diplomatiques ni sur des prophéties centenaires. Elles se construisent sur la lucidité, le courage et la confiance en la force créatrice de leur peuple.
Or, en Guinée, ceux qui gouvernent ont troqué la vision, le mérite et la morale pour le culte du chef, le népotisme, l’indignité et la diplomatie pour la servilité. À ce rythme, dans 102 ans, la Turquie sera sur Mars, et la Guinée sera encore à Simandou 2040.
