Retour à l’ordre constitutionnel : La classe politique condamnée à ronger son frein encore longtemps ?
Ils étaient sans doute nombreux à attendre du Message à la nation du Colonel Assimi Goïta des indications claires sur le nouveau timing de la transition après l’épuisement d’une première échéance qui avait été fixée au 26 mars 2024. Tout comme certains avaient espéré pouvoir enfin connaître le bilan officiel des attentats du 17 septembre 2024 contre l’Ecole de la gendarmerie et la «Base 101» de Sénou. Certes ces attaques ont été évoquées et situées dans leur contexte. Mais, le chef de l’Etat a pris soin de ne même pas effleurer la politique politicienne dans son adresse à la nation le 21 septembre 2024. Est-ce à dire que le retour à l’ordre constitutionnel est renvoyé aux calendes grecques ?
A l’occasion du 64e anniversaire de l’accession du Mali à la souveraineté, le président de la Transition a tenu un discours symbolique tourné vers l’avenir. Dans un pays «confronté à des défis sécuritaires majeurs», comme l’a rappelé un analyste politique, «le message de souveraineté et d’unité nationale a résonné avec force». Reflet des aspirations «d’un Mali résilient et déterminé à reprendre son destin en main», l’adresse à la nation du Colonel Assimi Goïta à l’occasion du 22 septembre 2024 a été une exhortation a une «une analyse profonde» des implications politiques, économiques et sociales de la refondation en cours depuis la rectification de la Transition le 24 mai 2021.
Mais, ce discours n’a pas comblé les attentes de ceux qui espéraient en apprendre assez sur les deux attaques terroristes (contre l’École de la gendarmerie à Faladié et la Base 101 de Sénou) qui ont ébranlé notre capitale le 17 septembre 2024 ainsi que sur les dispositions dans lesquelles nos autorités se trouvent par rapport au nouveau chronogramme tant attendu de la Transition politique.
Poursuite du renforcement opérationnel des FAMa, réformes de la justice et de l’administration, recrutement aux Fonctions publiques (Etat et Collectivités territoriales), efforts pour améliorer la vie de ses concitoyens, collecte des recettes fiscales, exonérations… éducation, construction des centres d’intelligence artificielle et de robotique, recensement général agricole, amélioration de l’accessibilité des services de santé, inondations qui ont touché plusieurs localités du pays, actions de solidarité et de lutte contre l’exclusion, Stratégie nationale de l’entrepreneuriat… Sans oublier la crise énergétique qui persiste au risque de ruiner totalement le pays sur le plan économique. Un sujet pourtant à peine effleuré dans cette adresse à la nation.
Le président de la Transition a presque touché à tout dans son adresse à la nation à la veille du 22 septembre 2024. A tout sauf à l’agenda politique de la Transition. Le chronogramme du retour à l’ordre constitutionnel ? Superbement zappé ! «Visiblement, le retour à l’ordre constitutionnel est renvoyé aux calendes grecques. Ce n’est plus en tout cas une priorité du président de la Transition et de son gouvernement débarrassés de la pression de la Cédéao et relativement de celle des Nations unies», déplore un acteur politique.
En campagne pour se faire adouber des Maliens en vue de briguer officiellement la magistrature suprême ?
«Depuis sa visite à Kayes, en juillet 2023, les discours du président de la Transition ressemblent de plus en plus au projet de société d’un candidat à la présidentielle ou au plan de développement d’un Chef d’Etat élu. Ils vont au-delà des missions essentielles foire des prérogatives d’un régime de Transition. La classe politique doit prendre son mal en patience parce que soit les élections ne sont pas encore d’actualité ou, si elles doivent être organisées dans relatif bref délai, il faut compter avec la candidature du président du Conseil national pour le salut du peuple (CNSP). On comprend chacun ce à quoi cette candidature va aboutir», analyse un autre leader politique.
Pour certains observateurs, le refus de la justice d’accorder la liberté provisoire aux 11 leaders politiques emprisonnés était un signe indiquant que les autorités actuelles ne sont pas encore disposées à aborder la question du retour à l’ordre constitutionnel sous un angle consensuel. Selon les vœux du président de la Transition, la célébration du 22 septembre 2024 doit marquer le point de départ d’un «Mali définitivement affranchi et maître de son avenir».
Un avenir qui est en train de s’écrire sans que l’on se préoccupe du retour à l’ordre constitutionnel. Comme l’a récemment rappelé un activiste, «nous ne sommes plus dans la Transition, mais dans la refondation». Lors de sa rencontre avec les Maliens établis en Chine, en marge du 9e Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC, 4-6 septembre 2024 à Beijing, en Chine), le Chef de l’Etat a averti que les réformes liées à la refondation constituent une œuvre de longue haleine.
Intervenant à la tribune des Nations unies samedi dernier (28 septembre 2024), le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a aussi rappelé que (concernant le processus de Transition politique au Mali) que, à l’issue des Assises nationales de la refondation, «le Peuple malien a fait le choix de mener des réformes politiques avant d’organiser les élections en vue d’ancrer profondément une gouvernance vertueuse». Autrement, ces réformes vont donc prendre le temps qu’il faut. Cinq ans ! Dix ans ! Peu importe. Pourvu que les Maliens continuent à faire preuve de… résilience !