Continuité ou renouveau ? Le défi électoral du Cameroun
La population du Cameroun est allée aux urnes le 12 octobre. Le président sortant a clamé sa victoire, mais nous ne connaîtrons les résultats officiels que dans quelques jours. Il est fort probable que Paul Biya, président sortant au pouvoir depuis 43 ans, obtienne un huitième mandat.
La campagne électorale présidentielle camerounaise, qui a culminé le dimanche 12 octobre 2025, s’est déroulée dans un climat particulier. En effet, entre les espoirs de changement et la solidité de l’appareil d’État forgé par plusieurs décennies de stabilité institutionnelle, les Camerounais devaient faire un choix déterminant pour l’avenir du pays. En toile de fond, une question : le Cameroun s’oriente-t-il vers une évolution politique et sociale ou vers la consolidation de sa stabilité institutionnelle ?
L’opposition face à la machine RDPC
Le Cameroun évolue dans un contexte d’hégémonie institutionnelle : le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti de Paul Biya, président sortant au pouvoir depuis 43 ans et en quête d’un huitième mandat, contrôle la quasi-totalité des postes décisionnels nationaux. L’opposition fait donc face à un défi majeur : renverser l’équilibre politique en mobilisant le vivier électoral latent, notamment les jeunes, dont les aspirations au changement s’expriment avec une intensité croissante.

À la veille de ce scrutin, certains signes laissaient croire à un engouement populaire croissant, notamment une hausse marquée du nombre de nouveaux électeurs sur les listes électorales grâce à des campagnes de mobilisation citoyenne. Alors qu’ils étaient autour de 6,6 millions d’inscrits1 en 2018, on en comptait près de 8 millions cette année.
Cette élection se distingue également par la rupture du pacte entre le RDPC et ses alliés traditionnels. Deux des principales candidatures s’opposant à Biya – Bello Bouba Maigari (UNDP) et Issa Tchiroma Bakary (FSNC) – évoluaient jusqu’à tout récemment dans son gouvernement.
Anciennement ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Bakary a justifié2 sa démission en évoquant un « impératif moral », soit de combler les attentes de la population « en matière de justice sociale, d’intégration nationale et d’équité territoriale ».
Combinés au rejet de la candidature de Maurice Kamto, arrivé deuxième lors du scrutin de 2018, ces épisodes inattendus ont reconfiguré le jeu politique en modifiant les options offertes à la population camerounaise.
Si la commission électorale et le Conseil constitutionnel ont assuré l’organisation du scrutin, la confiance citoyenne envers ces institutions reste fragile. Pour prévenir toute contestation, le ministère de l’Administration territoriale a mis en garde contre les revendications hors cadre légal et réglementaire.
Ainsi, malgré un processus électoral globalement apaisé, les taux d’abstention habituellement élevés – encore inconnus pour l’actuel scrutin – traduisent le décalage entre les appels au changement et la participation effective des citoyens au jeu politique. L’échec de l’opposition à s’unir autour d’un candidat unique accentue le risque d’émiettement des voix, au profit du parti au pouvoir.
Perspectives postélectorales
Si Issa Tchiroma Bakary revendique pour l’heure la victoire, les résultats officiels ne seront connus que dans deux semaines. Or, le contrôle des instances décisionnelles par le RDPC confère au président Biya un avantage certain.
La réalité politique camerounaise repose sur une architecture normative et institutionnelle fortement centralisée, consolidée par la longévité des élites au pouvoir. Le RDPC, véritable parti-État, s’est solidement enraciné sur l’ensemble du territoire. Son emprise sur les structures politiques et les ressources publiques a renforcé l’autorité de celui qui se targue d’être le garant d’une stabilité sociale qui, paradoxalement, freine le renouvellement politique.
L’élection de 2025 ne bouleversera probablement pas en profondeur la configuration institutionnelle du pays, mais elle illustre une mutation sociale et politique désormais irréversible.
La pression citoyenne sur le gouvernement s’intensifie : la société camerounaise interroge davantage les performances de l’État et réclame plus de justice sociale, de transparence et d’équité.
Les réseaux sociaux, par exemple, amplifient la mobilisation politique, particulièrement parmi les jeunes électeurs, porteurs d’exigences de transparence, d’inclusion et de responsabilité, ce qui traduit la quête d’un État plus participatif et attentif aux réalités sociales. Ainsi, si le contrôle effectif du pouvoir reste difficilement accessible à l’opposition, le rapport entre citoyens et institutions évolue, annonçant les prémices d’un renouveau démocratique.

Les perspectives postélectorales se déclinent en au moins trois scénarios. D’abord, celui de la continuité, qui prolongerait la stabilité actuelle et entretiendrait le statu quo. Ensuite, celui de l’ouverture, qui verrait l’exécutif élu entreprendre des réformes ciblées dans la gouvernance politique et économique. Enfin, celui plus incertain d’une déception populaire pouvant engendrer un désengagement citoyen ou une protestation des résultats.
Si cette élection présidentielle ne permet pas de renverser l’ordre institutionnel, les législatives et municipales de 2026 offriront une bataille plus acharnée pouvant modifier fondamentalement la carte politique du pays et dégraisser l’écrasante majorité actuellement au pouvoir dans les instances électives.
Ainsi, si le Cameroun ne manque pas de stabilité, il souffre d’une absence d’horizon politique clair. Le véritable enjeu de l’après-2025 réside dans la modernisation des institutions étatiques et la mise sur pied d’une gouvernance plus participative, capable de concilier la légitimité électorale à celle sociale et de répondre aux attentes concrètes des citoyens.
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