Contre La sansure

« François Soudan, l’albinos noir de Jeune Afrique, giflé par la réalité sanglante des exactions en Haute Guinée sous le CNRD »

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Dans son dernier éditorial, François Soudan a troqué sa plume d’analyste pour le griotisme alimentaire des bas-fonds de la propagande. Il a tenté d’offrir un costume politique à un putschiste que même sa propre communauté regarde avec honte et mépris. À coup de phrases parfumées au sirop parisien, il a cherché à peindre un « leader mandingue » là où ne subsiste qu’un fils maudit, exilé moralement de son propre lignage.

Ce que l’éditorialiste-dévot de Jeune Afrique semble ignorer, c’est que dans l’univers mandingue, la trahison n’est pas une faute politique : c’est une malédiction héréditaire. Le Mandingue ne pardonne ni le déshonneur, ni l’humiliation de sa terre, ni le sang de ses fils versé par l’un des siens pour se maintenir au pouvoir. Et pourtant, François Soudan, dans sa quête d’un nouveau tyran à servir, a osé ériger en « chef de région » celui que les anciens du terroir considèrent désormais comme le poison qui a fracturé la fraternité de la Haute Guinée.

Depuis l’avènement du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) le 5 septembre 2021, cette région, historiquement considérée comme fief identitaire et bastion socio-spirituel, a été transformée en laboratoire de la terreur militaire. Sous couvert de « rétablissement de l’ordre », la Haute Guinée a été soumise à une gouvernance de la matraque, de l’arbitraire et du sang.

Des faits concrets, visibles comme des cicatrices ouvertes, viennent donner à cette gifle éditoriale la force d’un coup de tonnerre. En 2022, Kankan a grondé : de simples critiques contre le CNRD ont suffi pour déclencher une répression féroce. Des jeunes, accusés de “défi envers l’autorité”, furent enlevés de nuit, battus, exhibés comme des trophées de soumission. En 2023, Siguiri s’est transformée en zone grise de non-droit, où des camps improvisés ont servi de lieux de tortures, avec des corps brisés et des cris étouffés dans les couloirs de l’impunité. Mandiana et Kouroussa, elles, ont pleuré leurs morts : des manifestants abattus par balles pour avoir osé protester contre la vie chère, étalant au grand jour une armée devenue comptable du sang civil.

Entre 2022 et 2024, les imams et leaders communautaires furent placés sous surveillance, menacés, sommés de sanctifier le silence ou de payer le prix de la parole. Sous prétexte de “protection des ressources nationales”, des concessions minières furent pillées, expropriées, redistribuées à des officiers voraces et à des étrangers introduits comme colons modernes, pendant que les orpailleurs locaux étaient chassés à la matraque et appauvris par décret. Les terres familiales, les sites artisanaux, les maisons mêmes furent saisis comme butin de guerre, accompagnés d’assassinats ciblés, à l’image du colonel Sadiba malinké exécuté symboliquement pour rappeler que personne n’est intouchable ou d’anonymes dont les noms n’ont survécu que dans les larmes des mères.

À cela s’ajoute l’arrestation de centaines de jeunes de Kankan, jusqu’ici séquestrés dans des lieux tenus secrets, comme s’ils avaient été rayés de la carte citoyenne. Tous ces éléments ne sont pas des incidents : ils dessinent la cartographie d’un mal systémique qui s’est abattu sur la Haute Guinée comme une peste armée. Et face à ce chaos orchestré par un fils devenu fléau, le Mandingue se redresse non pour célébrer un enfant prodigue, mais pour mettre fin au règne de celui qui a osé humilier son patriarche, Alpha Condé, et piétiner les valeurs sacrées de l’honneur et de la loyauté.

Voilà la Haute Guinée réelle. Celle que François Soudan n’a pas vue ou qu’il a choisi de ne pas voir. Voilà le territoire blessé sur lequel il tente de déposer la couronne d’un « champion régional » sur la tête d’un homme que même les griots hésitent à chanter, de peur d’invoquer la colère des ancêtres.

Ce n’est pas un éditorial que Soudan a signé. C’est une tentative maladroite de blanchir un bourreau aux mains encore rouges un bourreau que même le Mandingue efface déjà de ses invocations collectives.

Le Mandingue sait se taire, mais il ne pardonne pas. Il observe, il encaisse, il souffre en silence non par faiblesse, mais parce qu’il laisse le temps à la honte de mûrir sur les épaules du traître. Et lorsque vient l’heure du jugement, ce n’est pas un chroniqueur parisien, fût-il encensé dans les couloirs climatisés de Jeune Afrique, qui peut réécrire le destin à la place des ancêtres. Car dans la cosmogonie mandingue, le fils qui vend l’honneur de son peuple pour un trône précaire ne devient pas un roi : il devient un pèlerin de l’infamie, condamné à errer dans la mémoire collective comme le symbole d’une lignée pervertie.

Le règne du CNRD a ouvert cette plaie. Il y a installé le sang, la peur et l’humiliation. Mais il a aussi réveillé quelque chose de plus puissant : la colère sereine d’un peuple qui refuse qu’on le réduise à un strapontin dans un scénario de putsch recyclé en « légende régionale ». Le Mandingue s’est vu trahi par l’un des siens — celui-là même qui a osé abaisser le patriarche Alpha Condé devant les caméras, dans une mise en scène publique que les anciens considèrent déjà comme un crime contre la dignité du clan. Depuis, dans les concessions familiales, les tambours ne résonnent plus pour ce fils ; dans les bénédictions rituelles, son nom est effacé, et dans les veillées nocturnes, on murmure qu’un pouvoir né de la trahison périra sous le poids de la malédiction.

Et c’est à ce moment précis que François Soudan, en petit colporteur des illusions militairo-médiatiques, a cru pouvoir recoudre une légitimité spirituellement déchirée avec les fils usés d’un storytelling parisien. Il a tenté de repeindre un tyran en “champion régional”, comme si la Haute Guinée avait oublié ses morts, comme si le Mandingue allait s’agenouiller devant celui qui a blessé son âme. Il a voulu offrir une auréole à un homme que le peuple enterre déjà symboliquement.

Mais on ne blanchit pas le sang avec l’encre servile d’un éditorial. On ne fabrique pas de prophètes dans les bureaux de Jeune Afrique.

Et on ne ressuscite pas l’honneur d’un fils maudit en le maquillant sous la plume d’un griot exilé dans le confort européen.

Car lorsque le Mandingue tranchera , et il tranchera ce ne sont pas seulement les bourreaux qui tomberont. Les faussaires de l’Histoire, ceux qui ont recouvert les cadavres d’éloges et de mensonges, seront eux aussi cités à la barre de la mémoire collective.

Et ce jour-là, François Soudan ne sera pas le chroniqueur : il sera accusé parmi les témoins de compromission.

L’Histoire n’est pas un plateau télé. Elle se souvient. Et elle ne pardonne pas les chroniqueurs complices du sang.

Par Siba Béavogui

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