De l’Afrique aux États-Unis d’Amérique en passant par l’Europe, Mamadi Doumbouya vs Cellou Dalein Diallo : un duel par procuration ? (*)
S’ouvrira, ce 19 septembre, à New-York, la 78ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU), au cours de laquelle se réuniront, durant plusieurs jours, les dirigeants de 193 États membres de l’organisation. Ce raout annuel offre un espace de discussion multilatéral unique, où se succèderont, sous forme d’une messe diplomatique, des chefs d’État du monde entier ou leurs représentants, pour débattre autour de divers thèmes couverts par la Charte de l’ONU.
Ainsi et pour la première fois, on annonce la présence, dès le 15 septembre, du Colonel Mamadi Doumbouya, président du CNRD, junte militaire qui dirige la Guinée d’une main de fer depuis le 5 septembre 2021. Il compte mettre à profit son séjour pour participer à des rencontres de travail avec l’administration démocrate du président Joe Biden. Tout au moins, c’est ce que laisse penser les démarches entreprises par la Mission permanente Guinéenne auprès des Nations Unies que dirige, « l’éminence » Paul Goa Zoumanigui.
De surcroît, et d’après des sources Guinéennes, la junte userait également du lobbying, en faisant recours aux services de la diplomate américaine, Patricia Moller, ancienne Ambassadrice des États-Unis en Guinée (2010-2012) (par ailleurs, toujours jugée hostile à l’ancien Ministre Mahmoudou Thiam, Cellou Dalein Diallo et à Sidya Touré), mais aussi des services du Guinéen Naby Sylla (vivant au Canada) et de l’universitaire américaine, John Peter Pham, spécialiste des affaires africaines et internationales. Bien que Monsieur Pham, qui n’a pas répondu à notre questionnaire, soit jugé très proche des cercles d’influence du Parti Républicain (adversaire historique du Parti Démocrate), il aurait, selon des sources privilégiées, obtenu en faveur du colonel Doumbouya des rendez-vous importants auprès de l’administration du Démocrate, Joe Biden.
Faut-il rappeler que monsieur Pham, au tout début de la transition, s’était rendu en Jet privé à Conakry en compagnie des investisseurs miniers, dont Robert Friedland. Des sources évoquent « des prétentions sur les mines de Zogota autrefois droits miniers du magnat israélien Beny Steinmetz et le maintien de la validité des droits miniers de Robert Friedland à travers la Société des Mines de Fer de Guinée (SMFG) sur les Monts-Nimba ». À l’époque, le colonel Mamadi Doumbouya aurait refusé catégoriquement les demandes de cession de monsieur Pham et de ses compagnons. L’ironie du sort : il aurait été recontacté par les proches du colonel pour solliciter son intermédiation pour décrocher des rendez-vous auprès de certains membres de l’administration Biden.
En contrepartie de cette entremise, aurait (re)demandé aux émissaires du colonel l’accès à sa demande antérieure, celle de céder à Robert Friedland, à travers la SMFG, les droits miniers sur les mines de Zogota et de Monts-Nimba. Il faut dire aussi que le Simandou reste toujours très convoité et est une poule aux œufs d’or : la junte veut absolument se constituer un bas de laine très solide ; à défaut de garder le pouvoir en 2024, pour s’assurer de son retour après le premier mandat du futur Président civil. Les mines de la Guinée seraient ainsi devenues un outil au cœur de la stratégie de la confiscation et du maintien au pouvoir au détriment de la démocratie.
Par ailleurs, selon des sources américaines, John Peter Pham serait un des bons conseillers de Friedland, ce magna Américano-canadien proche de l’ancien Président guinéen, Alpha Condé (vaincu de Mamadi Doumbouya), dont les intérêts avaient été menacés de retraits par la Junte au pouvoir à Conakry. Selon les mêmes sources, Doumbouya avait, comme évoqué plus haut, refusé à Friedland (bien qu’accompagné par monsieur Pham) « une audience au cours de laquelle il devait s’expliquer sur le malentendu entre Mamadi Youlah, Directeur (CEO) de la SMFG au moment des faits et le Ministre des Mines et de la Géologie, Moussa Magassouba ».
Finalement, la SMFG décida de se séparer à l’amiable de son CEO, Mamadi Youlah, qui, par ailleurs, fut le second Premier Ministre du régime d’Alpha Condé. Et dans le sillage de ce limogeage de Mamadi Youlah, en début novembre 2022, le Ministre des Mines et de la Géologie, Moussa Magassouba, a, à son tour, frôlé un renvoi du Gouvernement. Il n’aurait trouvé son salut que grâce à l’intervention, selon des sources, d’une mère de famille de Kankan, qui avait eu raison de la détermination du prince-colonel Doumbouya, par ailleurs fils de Kankan.
Pourquoi un tel courroux du colonel Doumbouya ? Pour certains, la colère du colonel serait venue d’une lettre de mise en demeure, datée du 14 octobre 2022, qui a été notifiée par le Ministre des Mines et de la Géologie à la SMFG, filiale de HPX. Pourtant, selon des sources à la Présidence de la République, la Guinée et l’assureur de la SMFG -en l’occurrence la Multilateral Investment Guarantee Agency(MIGA) du Groupe de la Banque Mondiale- étaient au bord d’un conflit ouvert.
Cette mise en demeure du Ministre aurait fait planer des risques sur la mise en œuvre d’un portefeuille d’environ 1,6 milliards de Dollars au titre du finex (financement extérieur). Car l’annulation de la licence de la SMFG (SMFG filiale de HPX) aurait entraîné un procès en arbitrage entre le groupe de la Banque Mondiale et la Guinée. Et comme tel, la Banque Mondiale aurait dû préalablement geler ses engagements envers le pays de Mamadi Doumbouya.
Depuis lors, des sources croient savoir que, le colonel Doumbouya a su créer une relation de proximité entre lui et le cercle de John Peter Pham et, selon nos informations, ce qui a amené le Ministre Moussa Magassouba à se rétracter le 10 novembre 2022 par une autre note d’explication portant retrait de la note de mise en demeure. Le Ministre Magassouba lui-même est aujourd’hui jugé si proche de J. Peter Pham que des sources indiquent d’ailleurs, qu’il aurait même utilisé un Jet privé de Friedland pour se rendre en Arabie Saoudite.
Dans ce duel fratricide qui se joue à distance et qui ne dit pas son nom, la classe politique guinéenne -harcelée, malmenée par la junte militaire actuelle (poursuite judiciaire, spoliation de biens immobiliers, interdictions de sortie du territoire, interdiction de manifestations…)- joue sa partition pour, d’une part, faire face à une junte militaire qui a renié ses engagements du 5 septembre 2021 en se focalisant uniquement sur un hypothétique développement économique du pays avec son cortège de bilan humain macabre et, de l’autre, pour essayer d’inverser une tendance dangereuse qui s’installe sournoisement dans l’espace CEDEAO, celle des coups d’État.
Tête de pont d’une classe politique guinéenne fragilisée, Cellou Dalein Diallo de l’UFDG et Sidya Touré de l’UFR, les vrais poids lourds incarnent aujourd’hui le combat d’une classe politique combattive sur tous les fronts diplomatiques pour parer les velléités de la junte militaire Guinéenne. Ainsi, en aout 2023, au cours de son séjour de travail en France, Cellou Dalein, en tant qu’invité de marque du Mouvement des Entreprises françaises (MEDEF), a, selon des sources, rencontré Elisabeth Borne, la Première Ministre de France. Celle-ci était, dit-on, accompagnée du Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ainsi que du Secrétaire d’État en charge de la Francophonie, Chrysoula Zacharopoulou.
En outre, avant de quitter Paris pour Dakar, Cellou nourrissait le rêve d’une entrevue avec le Ministre Français de l’Intérieur, Gerard Darmanin ainsi qu’avec l’ancien Président Français Nicolas Sarkozy. Aussi, il a une autre perspective : selon une source diplomatique, avec l’aide de l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, il doit prochainement effectuer un déplacement à Abuja au Nigeria pour échanger avec le Président Bola Tinubu par ailleurs Président de l’autorité des Chefs-d ’État de la CEDAO.
Enfin, avec la facilitation des soutiens politiques Belges que des sources localisent à la Primature dirigée par Alexander De Croo et à la Chambre des Représentant de Belgique longuement pratiquée par Herman De Croo, Cellou Dalein compterait « se rendre aux États-Unis, au Département d’État, pour une éventuelle rencontre de travail avec l’assistante chargée des affaires africaines, Mary Catherine Phee (Molly) et l’ancienne assistante du Président en charge du sommet des du Leadership Africain, Dana Banks, qui, depuis juin 2023, est en détachement de la Maison Blanche auprès la Chambre de Commerce en charge du portefeuille du Business africain.
Dans ce duel diplomatico-fratricide, qui se déroule à la fois en Guinée et à l’étranger, l’avenir nous dira qui remportera la mise pour le bien de tous les Guinéens : d’un côté, la junte et ses soutiens qui se battent pour la perpétuation d’un régime anticonstitutionnel à cause de leurs intérêts économiques et, de l’autre côté, une certaine classe politique représentative de la majorité de Guinéens, qui se bat pour un retour à l’ordre constitutionnel et à l’avènement de la démocratie.
(*) https://www.lepetitdepute.com/details-article/de-lafrique-aux-etats-unis-damerique-en-passant-par-leurope-mamadi-doumbouya-vs-cellou-dalein-diallo-un-duel-par-procuration