Contre La sansure

Restriction des réseaux sociaux: Un spécialiste  en digitalisation  dément le ministre Gaoual

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Deux mois depuis la restriction d’accès aux médias et aux réseaux sociaux en Guinée, le porte-parole du gouvernement de transition a tenté d’apporter des explications sur les raisons de cette restriction.

S’exprimant sur les ondes de la télévision nationale, Ousmane Gaoual Diallo a indiqué que « La question des réseaux sociaux et de l’Internet, on peut la traiter sur trois segments : Le premier est une question de sécurité. Pour les maîtriser, aucun État ne laisse l’ensemble de son système d’information sans maîtrise, sans pouvoir le contrôler. C’est quelque chose qui est vital pour contrôler nos frontières ou nos eaux territoriales ainsi que tout le pays. Non pas pour les restreindre, mais pour en avoir la maîtrise et, le cas échéant, pouvoir réagir. C’est important ».

Plus loin, le Ministre des Télécommunications évoque des raisons économiques :

« Sur le plan économique, l’État guinéen a déboursé des sommes importantes, 235 millions de dollars pour construire l’autoroute d’information qu’on appelle le Backbone. Sur ce réseau, 80 % de la capacité est absorbée par les applications des réseaux sociaux WhatsApp, Facebook, Twitter, Instagram, etc. ; avec un chiffre d’affaires généré sur ces réseaux de plus d’un milliard 200 millions de dollars par an. L’État guinéen touche moins de 100 millions de dollars, soit moins de 10 %, alors que ses infrastructures permettent de générer plus d’un milliard deux cents millions. C’est très peu pour l’État guinéen. Il faut donc avoir une bonne maîtrise de l’utilisation de la capacité de consommation de données pour que l’État puisse accroître ses revenus », a renseigné le porte-parole du Gouvernement.

Invité à s’exprimer sur cette restriction, chez nos confrères d’Espace TV, un spécialiste en Digitalisation Télécoms apporte un démenti catégorique aux arguments du ministre.

Mamady Kaba, Consultant en Digitalisation Télécoms s’inscrit en faux les déclarations d’Ousmane Gaoual Diallo.

Si M. Kaba reconnait qu’ «En ce qui concerne le plan sécuritaire, il est important pour tous les Etats de pouvoir avoir un minimum de contrôle sur les flux des données, les contenus qui passent sur son territoire. », il rappelle tout de même que cela ne doit en aucun cas,  piétiner les droits primaires, le droit à l’information.

Pour les pays sérieux, poursuit, ce spécialiste en digitalisation, « Ils ont des centres de supervision qui permettent de protéger les enfants à avoir accès à un certain nombre de contenus impropre à ces personnes, mais aussi contrôler les activités qui peut être parfois illégal à la fois internet et les réseaux sociaux qui en découlent. Et pour ça, il faut un travail de fonds, il faut des infrastructures qui ne peuvent pas piétiner les droits primaires ».

Toutefois, ajoute-t-il, «  Sur le plan économique, je m’inscris en faux quand le ministre dit que les données utilisées par le peuple guinéen.  Il faut comprendre la Société qui exploite le Backbone national  a une infrastructure de transport. C’est-à-dire ce n’est pas le Backbone qui offre les données offertes à la Guinée. C’est un moyen de transport, il  loue ses infrastructures aux opérateurs qui vendent les données aux utilisateurs, aux consommateurs. Donc, le Backbone n’a de rôle que de transporter le trafic  des opérateurs. C’est pourquoi un consommateur tiers ne peut pas aller souscrire au forfait de la Société SOGEM (Société Nationale d’Exploitation du Bacbone). Cela n’a rien à avoir  avec ce qui arrive aujourd’hui. Quand il parle de coût, parce que l’Etat bénéficie du moins des revenus engrangé par le secteur, mais c’est tout à fait normal. Dans tous les pays, tu ne peux pas avoir plus de 10, 15 ou 20% du revenu du secteur. Ce sont les gens qui investissent. En tant qu’Etat, tout ce que tu peux faire, c’est d’imposer des redevances, c’est-à-dire c’est faire de l’imposition fiscale. Tu ne peux pas avoir le même montant que celui qui mobilise son argent avec tous les risques et qui vient investir dans ton pays. », explique ce Consultant.

Les arguments du ministre justifient-ils la restriction  d’accès aux réseaux sociaux ?

« Non ! », répond  M. Kaba qui estime que : « Ces éléments sont des contre-vérités scientifiques »

«  Très sincèrement, quand il (ministre) essaye d’explique qu’en Guinée, on essaye de consommer assez de données, et que la consommation de ces données doit être maitrisée, ce sont des contre-vérités scientifiques. Les données sont libres, le flux des contenus est libre. Ça ne justifie pas de faire restreindre l’internet et les réseaux sociaux qui en découlent. Ça n’a pas d’explication scientifique. Quand tu achètes une donnée, tu as le droit de l’utiliser. », tranche ce spécialiste en digitalisation.

Avant d’ajouter qu’il s’agit d’une décision purement politique: « Quand tu demandes à quelqu’un qui est censé être à la fois politique et technique d’exécuter certaines décisions, il y a ce qu’on appelle l’intelligence de l’exécutant. C’est-à-dire quand il y a des instructions politiques à exécuter, toi tu es technique, tu es censé avoir l’intelligence de l’exécutant. C’est vrai parfois, on a des contenus qui exposent le peuple à des risques des conflits politiques et sociaux, mais il y a une manière très simple pour pouvoir délimiter ces risques là c’est quand vous savez qu’un blogueur est censé utilisé des contenus  qui ne sont pas adaptés et qui n’apportent pas la paix dans le pays, c’est d’interdit la diffusion de ce contenu chez toi. Et pour ça, il y a plein de pays qui ont signé des protocoles d’accord avec facebook, au cas par exemple qu’une personne tierce comment à diffusion un certains nombre de contenu et que ce contenu est déclaré impropre à la consommation dans son pays, on ne bloque pas tous les consommateurs, mais on bloque ce contenu dans votre pays. Ça permet de maintenir la quiétude, ça permet aux autres qui sont dans la légalité de créer de la ressource financière sur les réseaux sociaux de continuer leurs activités et de protéger les enfants, la société de ces risques-là.

Je pense qu’au niveau du ministère des Télécommunications, ils n’ont pas eu l’intelligence de l’exécutant face aux inquiétudes des politiques vis-à-vis des risques des conflits  liés à un certain nombre de contenus diffusés. »

Danger lié à l’utilisation du VPN

« Il y a énormément de danger dans l’utilisation du VPN. Celui qui a créé le VPN, quand il est dans un pays par exemple les Etats-Unis et que toi tu souscris à ses services, tous tes flux, il les contrôle, c’est pourquoi la plupart des VPN sont gratuits. Quand tu es sur Google, il sait que tu es sur Google, quand tu es sur facebook, il sait que tu es sur Facebook. Il y a même des possibilités qu’il puisse accéder à tes contenus. Cette situation de restriction expose plus le pays et même l’administration publique à des risques de cyber –attaque, à des risques de détournements des données.

De l’avis de nombreux observateurs, la sortie tardive du ministre Gaoual après 2 mois de restriction des médias et réseaux sociaux visait uniquement à apporter des explications aux diplomates occidentaux en poste à Conakry, qui avaient exprimé leur désagrément la veille et l’impossibilité pour les différentes chancelleries d’assurer leur mission convenablement.

On se souvient, le diplomate Allemand avait déploré que la situation actuelle du pays soit pire qu’au temps d’Alpha Condé.

Dossier à suivre….

Abdoul Wahab Barry

 

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