Contre La sansure

Coups d’Etat en Afrique: Quand l’exception devient la règle à cause de la banalisation et de la complaisance.

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Le Bénin, vient d’annoncer à son tour avoir déjoué un coup d’Etat impliquant deux personnalités proches du chef de l’Etat, accusées d’avoir voulu s’emparer du pouvoir avec l’aide du commandant de la garde Républicaine, recruté pour les besoins de la cause.

Le procureur, au cours d’une conférence de presse tenue dans la journée de ce mercredi 24 septembre 2024, a donné les menus détails de l’opération: “Dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024, un peu après une heure du matin, l’ancien ministre des sports, Oswald Homeky a été interpellé au moment où il transmettait six sacs remplis de billets de banque au commandant de la Garde Républicaine.

Des premières investigations, il apparaît que le commandant de la Garde Républicaine, ayant en charge la sécurité du chef de l’Etat a été entrepris par le ministre Oswald Homeky pour son compte et celui de Mr Olivier Boko, à l’effet d’opérer par la force un coup d’Etat dans la journée du 27 septembre 2024.”

Dans la suite de sa narration des faits, le procureur pour étayer ses accusations, apporte d’autres preuves comme l’ouverture d’un compte bancaire par les accusés au profit de l’ange gardien du Président Patrice Talon avec un premier dépôt de 105 millions cfa. Poursuivant sur sa lancée, l’empereur des poursuites, fait état d’un montant, en espèces, de 1 milliard cinq cent millions ( 1.500. 000) cfa mobilisé par le sieur Olivier Boko en faveur du commandant de la garde Républicaine, saisi, au moment où l’ancien ministre des sports et lui ont été arrêtés au domicile du premier cité. Une enquête serait en cours pour tirer au clair cette rocambolesque affaire.

En attendant, comme l’avait mentionné en son temps, le Président français, Emmanuel Macron, l’Afrique renoue avec les coups d’Etat, en particulier, l’Afrique de l’ouest où chaque pays semble désormais menacé après les premiers coups d’essai réussis au Mali, en Guinée, au Burkina et au Niger. Il y a eu des tentatives en Guinée Bissau qui ont avorté. Le Bénin vient d’y échapper de justesse. A qui le tour ? Aussi bien les pays dirigés par des juntes que dans les rares îlots de démocratie encore, le spectre des putschs plane, les chefs d’Etat courent tous le risque d’être renversés, à tout moment.

A qui la faute? En premier lieu, a la CEDEAO, l’organisation sous-regionale ouest africaine qui a plié devant les putschistes, dont les chefs d’Etat se résignent tous au fait accompli des coups d’Etat. Ni condamnations des putschistes ni distances avec les régimes d’exception, est le mot d’ordre commun. Au contraire, tout le monde se plie en quatre devant les putschistes et s’accommode de leurs régimes criminels. Il arrive même qu’il y’ait collusion d’intérêts. Tant pis pour les peuples, pris en otage.

Aujourd’hui, à part le treillis porté parfois fièrement par les chefs d’Etat arrivés au pouvoir par effraction, rien, ne les distingue des présidents issus des urnes. Tous se retrouvent au tour de la même table, ont droit aux mêmes honneurs et égards. Bref, les auteurs de coups d’Etat sont adoubés et légitimés au même titre et sur un pied d’égalité que les hommes et femmes élus au suffrage universel. Quelle aberration morale et déviance démocratique !

La prolifération des coups d’Etat considérés pourtant et partout comme des crimes imprescriptibles tient aussi à l’indifférence coupable et au silence complice du reste du monde. Au Gabon, une autre région de l’Afrique, il y’a eu un coup d’Etat sans que personne ne lève le doigt, parce qu’à l’intérieur comme à l’extérieur, on n’a pas trouvé à redire le jugeant fondé, bienvenu et salutaire. D’un coup d’Etat à un autre, on trouve chaque fois des arguments tout faits et souvent tirés par les cheveux pour expliquer, justifier et accepter de bon cœur la forfaiture.

Les putschistes qui, aux yeux de la loi, sont des criminels, devant certaines opinions passent pour des héros rédempteurs, auprès de la communauté internationale sont vus comme de potentiels partenaires et interlocuteurs fréquentables. On leur déroule le tapis rouge, éhontément. Pourquoi alors, ce qui n’est pas interdit ne devrait pas se faire ou continuer ? Pourquoi, d’autres n’essayeraient pas maintenant que l’interdiction est levée, le tabou est brisé?

Au demeurant, l’Afrique replonge dans l’insécurité démocratique et les aléas sécuritaires, parce que le coup d’Etat est sur le point de devenir la règle prescrite et la norme admise tandis que la Démocratie, elle, ressemble à l’exception et constituerait la plaie. Tout ça, parce qu’on a laissé faire par pusillanimité et hypocrisie. Quiconque a l’argent plein les poches et dispose d’armes conséquentes, peut s’autoriser, en toute impunité, de s’emparer des rênes de l’Etat, parce que, désormais comme dans la jungle, c’est la loi du plus fort au détriment de la primauté des urnes. Il est temps de revenir sur l’inversion des valeurs, la démission collective devant les coups d’Etat et la mainmise des militaires sur les États, au risque d’une spoliation de l’Etat et de voir régner en maîtres absolus tous les fossoyeurs de la démocratie.

En attendant, pendant que les putschistes plastronnent, jouissent d’un pouvoir mal acquis qu’ils ont tous l’intention de conserver par des simulacres d’élections dont ils seront les candidats naturels, si non les seuls candidats, les présidents élus, oubliés et abandonnés de tous, croupissent en prison ou errent dans la nature.

Dans quel monde sommes-nous? Faudra-t-il prendre des armes pour compter ou recourir à la force pour s’imposer ?
A méditer.

Samir Moussa

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