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Guinée : Violation de l’article 77 et détournement de la transition par le CNRD

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Le coup d’État du 5 septembre 2021 en Guinée, mené par le CNRD, a suscité un espoir de changement et de refonte institutionnelle. Cependant, cet enthousiasme a progressivement laissé place à des doutes et critiques, notamment en ce qui concerne le respect de la Charte de la transition, adoptée pour régir cette période.

L’un des articles les plus controversés est l’article 77, qui stipule que « la durée de la transition sera fixée de commun accord entre les Forces vives de la nation et le CNRD ». Dans les faits, plusieurs actions du CNRD semblent aller à l’encontre de cette disposition, démontrant ainsi une violation flagrante de cet article et, plus largement, de la Charte elle-même.

L’article 77 repose sur une idée clé : la concertation entre les Forces vives de la nation et le CNRD pour fixer la durée de la transition. Toutefois, la réalité montre que le CNRD a cherché à contourner cette exigence. Les Forces vives de la nation, qui incluent les principales organisations politiques et de la société civile telles que l’ANAD, le RPG Arc-en-ciel et le FNDC, représentant plus de 80 % de l’électorat, ont été écartées du processus. Ces forces politiques, opposées à une prolongation indéfinie de la transition, ont été marginalisées au profit d’organisations moins représentatives, créées ou soutenues par le régime, dans le but de légitimer les décisions du CNRD.

Cela est évident avec la mise en place d’un cadre de concertation dit “inclusif”, qui n’a cependant inclus que les acteurs alignés sur la position du CNRD. En excluant les principales coalitions politiques, toute initiative visant à déterminer la durée de la transition est biaisée et manque de légitimité. La violation de l’article 77 réside donc dans l’absence de dialogue véritable et de consensus avec les véritables Forces vives, remettant en cause le caractère participatif de la transition.

Le Conseil national de la transition (CNT), mis en place pour élaborer la nouvelle constitution et servir de parlement provisoire, a été également instrumentalisé pour contourner l’article 77. L’article 57 de la Charte de la transition ne confère pas au CNT la compétence de fixer la durée de la transition. Pourtant, le CNRD a tenté de faire croire que cette responsabilité revenait au CNT, sachant que la majorité de ses membres avait été désignée par le président de la transition, Colonel Mamadi Doumbouya. Cette manœuvre visait à garantir que les décisions prises par le CNT seraient favorables aux autorités militaires, au détriment de la volonté populaire.

Face à l’échec de cette tentative, le CNRD a cherché d’autres stratégies pour imposer sa vision, notamment en contournant la légitimité des Forces vives et en cherchant à rallonger la durée de la transition sans leur approbation. Cela constitue non seulement une violation de l’article 77, mais aussi une trahison du principe même de la Charte qui prône le dialogue inclusif.

Le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation (MATD), sous la supervision du CNRD, a joué un rôle central dans cette gestion controversée de la transition. En réponse aux demandes de la CEDEAO de proposer une durée pour la transition, le MATD a défini dix activités sans consultation des principales forces politiques. Cette démarche unilatérale a été perçue comme une tentative de légitimer la durée de transition selon les termes du CNRD, sans prendre en compte les propositions des coalitions politiques majeures, telles que l’ANAD et le FNDC, qui prônaient une transition de 15 mois.

Cette méthode de gestion, qui consiste à ignorer les revendications des principaux acteurs politiques et à imposer des décisions unilatérales, constitue une autre violation flagrante de l’article 77. En effet, la Charte exige une concertation réelle, non un simulacre de dialogue orchestré par des acteurs alignés sur la junte. La réunion du 29 avril 2022, organisée par le MATD pour présenter une synthèse des propositions sur la durée de la transition, en est un exemple flagrant. Les suggestions des opposants n’ont pas été retenues, confirmant le manque de crédibilité et de légalité du processus.

Sous la pression de la CEDEAO, les autorités guinéennes ont fini par accepter une transition de 24 mois au lieu des 36 mois initialement prévus par le CNRD. Bien que cet accord semble être un compromis, il met en lumière les contradictions du régime. Le communiqué publié après l’accord ne précise pas clairement la date de début de cette période de transition, ce qui laisse planer un doute sur la sincérité du CNRD quant à son engagement à respecter ce nouveau délai. De plus, cette décision a été prise sans une réelle concertation avec les principales forces politiques du pays, une nouvelle violation de l’article 77.

En fin de compte, le CNRD, en cherchant à prolonger indéfiniment la transition et en écartant les forces politiques majeures du pays, a clairement violé l’article 77 de la Charte de la transition. L’instrumentalisation du CNT, la gestion unilatérale du MATD et la tentative de contourner le dialogue avec les Forces vives montrent que le processus de transition a été dévoyé. La légitimité de cette transition repose sur le respect de la Charte, et tant que les principales forces politiques du pays ne seront pas impliquées de manière significative dans la détermination de la durée de la transition, cette dernière continuera d’être perçue comme illégale et inconstitutionnelle. Le respect de l’article 77 n’est pas seulement une question de légalité, mais également une condition essentielle pour une transition réussie et apaisée en Guinée.

Abdoul Karim Diallo, Citoyen Guinéen

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