Voici donc la prose d’un griot déguisé en chroniqueur, une offrande d’adulation embarrassante, dégoulinante de flagornerie et d’incohérences. Que dire de cette ode désespérante à un despote de circonstance, Mamadi Doumbouya, sinon qu’elle marque le point culminant de la bassesse intellectuelle et de l’opportunisme le plus abject ?
Ce texte de Mandian Sidibé (*) est un chef-d’œuvre de retournement de veste, l’épitaphe d’un homme autrefois engagé contre l’injustice, mais désormais vautré dans l’allégeance obséquieuse. Une honte, une insulte à toute lutte digne de ce nom.
Quand le griot trahit le combattant
On croirait lire le chant d’un griot ressuscité des temps des Almamy, non pas pour célébrer un héros légitime, mais pour encenser un putschiste qui s’est autoproclamé sauveur de la nation. Le même Mandian Sidibé, qui fustigeait avec véhémence les abus d’Alpha Condé, se vautre aujourd’hui dans une prose laudative en l’honneur de celui qui répète les mêmes travers. Son texte, déguisé en compte-rendu d’infrastructures, est en réalité une longue révérence à un despote, faite avec un aplomb écœurant.
Ce général à la gâchette facile, devenu bâtisseur à ses heures perdues, n’a pourtant fait qu’habiller d’un vernis neuf les structures initiées sous le régime précédent. Où est la transformation miraculeuse que Mandian proclame avec un enthousiasme infantile ? Les mêmes ruines maquillées, la même répression dans les rues, et la même jeunesse désabusée.
Le vocabulaire d’une servilité indigeste
Comment ne pas s’étrangler devant ces titres pompeux alignés en cascade – Président de la République, Chef Suprême des Forces Armées, Général de corps d’armée, comme si le simple énoncé de ces mots suffisait à déguiser l’usurpation en légitimité ? On y trouve des formules ampoulées, des superlatifs débridés et des hyperboles à faire rougir un propagandiste nord-coréen. À chaque paragraphe, l’exaltation du “patriotisme légendaire” de Doumbouya s’impose comme un rituel dégradant, un exercice mécanique de soumission langagière. Le journaliste semble plus préoccupé par la taille des parkings que par l’étouffement progressif des libertés.
L’aveuglement volontaire
Ce texte est l’exemple parfait de l’amnésie politique volontaire. Mandian feint de ne pas voir que les infrastructures qu’il glorifie sont une vitrine trompeuse, une façade destinée à occulter la brutalité d’un pouvoir militaire. Pendant qu’il chante les mérites d’un parc urbain de 13 hectares et d’une centrale photovoltaïque, il garde un silence pesant sur les arrestations arbitraires, la presse muselée, et les jeunes manifestants fauchés par des balles. Le pont rebaptisé Paul Kagamé pourrait aussi bien être appelé Pont de l’Hypocrisie, tant il incarne la duplicité du régime et de ceux qui, comme Mandian, s’en font les laudateurs.
Le prix du silence acheté
Pourquoi une telle métamorphose ? La réponse est simple : le ventre a pris le pas sur la conscience. Offrir un poste ou un avantage à un exilé en mal de reconnaissance, et voici un homme qui troque ses principes contre une gamelle bien remplie. Hier, dénonciateur inflexible du régime Condé ; aujourd’hui, laudateur servile du même système, avec un autre visage et un uniforme en prime. Quelle déchéance !
Un naufrage moral
Mandian Sidibé aurait pu continuer de dénoncer l’oppression, ou au moins conserver une certaine dignité dans le silence. Au lieu de cela, il a choisi de danser avec les puissants, s’offrant à eux comme un griot de pacotille. En élevant le Général Mamadi Doumbouya au sommet du mont Simandou, il s’enterre lui-même dans le fossé profond de la compromission. Ce texte est une véritable auto-flagellation publique, la chronique d’un homme qui, à force de chercher à se nourrir à tous les râteliers, en a perdu toute boussole morale.
À vos ordres, mon Général ? Non, Mandian. Ce sont tes principes que tu as livrés, pieds et poings liés, sur l’autel de l’opportunisme.