Le pouvoir sème la mort jusque dans les stades (Par Tierno Monénembo)
Personne ne nous fera croire que le drame survenu ce 1er décembre au stade de Nzérékoré est un accident. Tout a été fait pour qu’il en soit ainsi, qu’un match de football censé divertir des jeunes se termine par 56 morts (135 selon le Collectif des organisations des droits de l’homme) et des centaines de blessés et de disparus.
N’en déplaise aux thuriféraires du pouvoir, cette rencontre n’a rien de sportif, c’est une manifestation politique, purement et simplement. Elle a été organisée à l’initiative de l’Etat et non d’une quelconque organisation sportive. D’ailleurs, elle a un nom, Le Tournoi de la Refondation doté du Trophée Mamadi Doumbouya et deux ministres au moins l’ont honorée de leur présence. Elle n’a donc rien de spontané, rien de gratuit. C’est une ruse politique, une arnaque électorale.
Les morts de Nzérékoré n’ont pas été victimes d’une bousculade mais d’une manipulation politique. Ce match tragique s’inscrit dans une campagne électorale qui ne dit pas son nom comme du reste toute la fébrile agitation que l’on observe en ce moment dans le pays. Mamadi Doumbouya envisage, de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle en violation flagrante de la charte de la Transition, voilà tout Il ne l’a pas dit pour l’instant, il se contente d’émettre les signes éloquents qui le prouvent.
Il se concocte en ce moment une constitution cousue main qu’il compte bientôt faire avaler au peuple par le biais d’un référendum bidon et qui lui permettra de se faire élire au premier tour avec le score que l’on sait. Des mouvements de soutien à la spontanéité plus que douteuse, prolifèrent d’un bout à l’autre du pays. On mobilise à coups de milliards les églises, les mosquées et bien sûr, le monde attractif de la musique. Et comme de tous les plaisirs de la vie, il ne reste aux jeunes Guinéens que le football et le RAP, il fallait ajouter à ce cirque, la folie des stades.
A Nzérékoré, on jouait justement la finale du Tournoi de la Refondation doté du Trophée Mamadi Doumbouya quand le malheur est arrivé (c’est marrant, on ne dit plus transition mais refondation). Tout commence par une banale erreur d’arbitrage. Des supporters mécontents envahissent la pelouse. Les forces de l’ordre arrivent aussitôt pour jeter des grenades lacrymogènes. Dans la panique, la foule se précipite vers l’unique porte de sortie, bloquée comme par hasard par les véhicules de ces mêmes forces de l’ordre. D’où les bousculades, les chutes, les asphyxies, d’où ce pauvre stade couvert de morts ! Que faut-il de plus pour engager la responsabilité de l’Etat ? Quiconque organise une manifestation en assure la sécurité mais aussi la responsabilité pénale et morale en cas de débordement. C’est le b.a.-ba de la règle !
Le premier ministre dit haut et fort qu’il va constituer une cellule de crise, qu’il va ouvrir une enquête. Mais les Guinéens ne sont plus dupes. Ils ont suffisamment vu Mamadi Doumbouya et ses hommes à l’œuvre. Ils ne croient plus à leurs bobards, ils ne croient plus à leurs larmes de crocodile. On leur avait promis aussi d’ouvrir une enquête quand Foninké Menguè et Billo Bah avaient disparu. On sait ce que cela a donné.
En trois ans de pouvoir, ce Mamadi Doumbouya est en passe d’égaler le bilan macabre de ses prédécesseurs, lui qui leur avait juré que la justice serrait sa boussole. Pas un jour qui passe sans son mort ou son disparu ! Tenez, devinez qui a disparu ce mardi 3 Décembre, deux petits jours après le drame de Nzérékoré ! Le journaliste Habib Marouane Camara, le directeur du Révélateur, le canard le plus virulent contre Mamadi Doumbouya et son système.
Simple coïncidence ? Voire !