« Le Tournoi de la Refondation », une initiative irresponsable aux conséquences désastreuses
L’organisation du « Tournoi de la Refondation » à N’zérékoré était supposée relever de la simple sphère d’un événement sportif censé célébrer la « refondation » que cherchent à imposer les autorités de transition aux Guinéens. Finalement, ce regroupement inconséquent, cette bombe humaine fabriquée à grand renfort de deniers publics, s’est transformé en une tragédie nationale ce 1ᵉʳ décembre 2024.
Les spots publicitaires de l’événement, diffusés dans les médias locaux, laissent penser que ce tournoi a été organisé avec le soutien des autorités de la transition pour servir d’instrument de propagande dans le but de consolider le pouvoir de la junte militaire du CNRD. L’effroyable bilan humain de 135 morts et 50 disparus, selon le collectif des ONG de défenses des droits humains de la région de N’Zérékoré, doit être considéré comme les premières victimes de la refondation.
Derrière l’apparence d’un simple événement sportif qui aurait viré au drame, récit que cherche à installer dans l’opinion publique les autorités de transition, ce tournoi dissimulait en réalité une campagne politique visant à légitimer et à prolonger un régime arrivé au pouvoir par un coup d’État sanglant ayant déjà coûté la vie à de nombreux Guinéens. En donnant le nom du trophée au président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, ses organisateurs souhaitaient démontrer leur force de frappe, montrer à la face de la Guinée le caractère mobilisateur de la simple évocation du nom du général, transformant ainsi un événement sportif en une tribune de démonstration de la force politique et en un outil de glorification personnelle.
À rebours de tout objectif de « renforcer l’unité nationale », cette manifestation sportive de soutien a mis en évidence l’incompétence et l’irresponsabilité du régime putschiste et de ses supplétifs qui président aux destinées de notre pays aujourd’hui. L’organisation bâclée de l’événement, de surcroit dans un stade en chantier depuis des années, avec une seule et unique issue, stade mal équipé et sans mesures de sécurité appropriées, témoigne d’un mépris flagrant pour la vie de nos concitoyens. Comment expliquer que le CNRD ayant interdit en décembre 2022 les « manifestations de toute nature sur la voie publique (marches de soutien, galas, tournois sportifs ou toute activité distractive de quelque nature que ce soit) » puisse s’associer à un tel rassemblement dans des conditions aussi risquées ?
Ce fiasco révèle une gestion improvisée et une priorité donnée à la propagande plutôt qu’à la sécurité des citoyens. Le « tournoi de la Refondation » devait être un outil de « soft power » pour le CNRD, mais il s’est transformé en un échec cuisant, un drame extrêmement regrettable. Cette tentative de manipulation a exposé la fragilité d’un régime prêt à sacrifier la vie de ses citoyens pour soigner sa propre image dans le pays et à l’international, pour servir son agenda pas tant caché de confiscation du pouvoir.
Au-delà du bilan humain, cette tragédie soulève de nombreuses questions sur la légitimité du CNRD et sur sa capacité à gouverner le pays depuis maintenant 3 ans de transition. Le général Amara Camara, en affirmant que la Guinée n’était plus en transition, mais en « Refondation », avait déjà mis en évidence l’obsession du régime pour son maintien au pouvoir en dehors de tout processus démocratique.
Cette inconséquence ne peut rester impunie. Il est urgent que les familles des victimes obtiennent justice et que les responsables de cette tragédie soient poursuivis et traduits en justice. Une enquête indépendante, de préférence une enquête internationale, doit être menée pour faire la lumière sur les circonstances exactes de cette tragédie.
Ce drame est un rappel brutal que les ambitions politiques, lorsqu’elles sont déconnectées des réalités du terrain et du respect des droits fondamentaux, mènent à des catastrophes irréparables. La Guinée a besoin d’un leadership responsable et légitime, issu du choix démocratique de son peuple pour garantir la sécurité et le bien-être de tous.