Tanzanie: comment éteindre le feu d’élection sans l’opposition?
En Afrique, la démarche la plus sûre pour gagner les élections, notamment la présidentielle, a été trouvée par les dirigeants. Il suffit d’écarter les opposants de la course. Les moyens pour y parvenir sont tout autant faciles. Certains sont embastillés, et d’autres contraints à l’exil. Les plus chanceux, peuvent rester auprès des leurs, mais sont déchus de leur droit d’éligibilité et d’électeurs, par justice interposée.
La recette, sans être miraculeuse connaît un succès franc, quel que soit le pays où cette option est expérimentée. Il suffit de mettre en place un laboratoire d’apprentis sorciers rompus à la chose électorale. Il suffit également d’avoir un peuple maintenu dans l’obscurantisme et la misère, incapable de décrypter un programme électoral, mais disposé et disponible à vendre sa voix pour un sac de riz, une miche de pain, et une boîte de sardines, le tout emballé dans quelques billets de banque, de préférence neufs craquants. Le reste du puzzle est complété par des intellectuels et politiciens véreux, capables, comme le dirait l’autre, de brûler une forêt pour chauffer leur café.
En Tanzanie où, après avoir incarné l’espoir des populations, lorsqu’elle a assuré un bout du mandat présidentiel à la suite de la mort de John Magufuli, en 2021, Samia Suluhu, en quête d’un deuxième mandat plein, a mis le pays sous coupe réglée. Elle était surtout certaine de sortir vainqueur de la présidentielle tanzanienne de ce mercredi 29 octobre, entrant dans le cadre des élections générales qui se sont déroulées sous haute tension, dans des manifestations houleuses, avec coupures d’internet et sous couvre-feu. Mais, le boulevard que la première présidente de la Tanzanie pensait ouvert pour elle, en l’absence de l’opposition dont le chef, Tundu Lissu, croupit dans les geôles du pouvoir, accusé de trahison, s’est vite transformé en une étroite piste, prise d’assaut par des manifestants réclamant des «réformes» avant les «élections». Un vote dans le chaos des balles réelles, des gaz lacrymogènes, des incendies de toutes sortes, et surtout sans les opposants qui ont été mis hors-course avant le début même de la compétition.
Au Bénin, avant le scrutin présidentiel du 12 avril 2026, l’aile dure de l’opposition, notamment le parti Les Démocrates, est déjà située sur son sort. Pas d’élection pour la formation politique de l’ancien président Boni Yayi. Le candidat principal, Me Renaud Agbodjo et son colistier ont été définitivement évincés pour défaut de parrainage. Ainsi en a décidé, ce 27 octobre, la Cour constitutionnelle, après qu’un élu du parti, a décidé du retrait de son parrainage à ses camarades dont il serait contre la désignation.
Négligence de la part de l’opposition? Trahison bien orchestrée de l’élu qui s’est rétracté? Complot ourdi par le pouvoir, alors que le président actuel, Patrice Talon, en bon démocrate, a fait le choix judicieux et responsable de quitter les affaires après son second mandat constitutionnel? En tout cas, la Cour constitutionnelle n’a fait que son travail qui a pénalisé Les Démocrates, eux qui ont, longtemps, mais visiblement en vain, cru en une solution politique. L’occasion est trop belle pour Patrice Talon de faciliter l’élection de son successeur qu’il a pris le soin de choisir, en la personne de son ministre d’Etat en charge de l’Economie et des finances, le jeune et brillant Romuald Wadagni. Une fois de plus, c’est l’opposition qui est hors-jeu!

Avant Tundu Lissu en Tanzanie, Me Renaud Agbodjo au Bénin, Maurice Kamto au Cameroun, et d’autres opposants ailleurs comme Cellou Dalein Diallo en Guinée, ce sont Tidjane Thiam du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et l’ancien président ivoirien et leader du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), Laurent Gbagbo, qui ont été éliminés de la course à la présidentielle ivoirienne du 25 octobre 2025, ouvrant, ainsi, une autoroute au président Alassane Ouattara qui, en bon éléphant, a tout écrasé sur son passage, gardant le fauteuil présidentiel, selon les résultats provisoires.
Quel avenir pour l’opposition dans une Afrique qui, à la place de la démocratie et des élections régulières, au coût exorbitant, aurait dû perpétuer la mémoire des souverains du Dahomey, aujourd’hui République du Bénin, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, etc., en optant pour une monarchie qui a fait les beaux jours de bien des royaumes du continent? Les milliards de francs injectés dans le gouffre des élections pourraient ainsi être réinvestis dans le développement, et la stabilité socio-politique serait, peut-être garantie!
En attendant, la Tanzanie cherche à éteindre son brasier post-électoral!
Par Wakat Séra

In. https://www.wakatsera.com/tanzanie-comment-eteindre-le-feu-delection-sans-lopposition/
Le choix de l’image d’illustration et de sa légende sont de guinafnews.org
