Contre La sansure

Conakry sous le théâtre d’une candidature annoncée

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Une vidéo de 24 secondes devenue virale sur les réseaux sociaux, est suffisante pour résumer la tragédie politique qui se dessine en Guinée depuis plusieurs semaines.

Dans cet extrait publié par plusieurs médias et internautes, le putschiste Mamadi Doumbouya, drapé dans une mise en scène quasi messianique, se présente en marche vers la Cour suprême pour « répondre à l’appel du peuple ». Mais quel peuple ? Celui qu’on convoque à coups de menaces administratives, de billets de banque et de chants forcés ? Ou ce peuple réel, épuisé par la misère, muselé par la peur et trahi par ceux qui prétendent le représenter ?

La scène, pourtant courte, respire la propagande d’État à l’état pur. On y lit une chorégraphie politique savamment calculée : cortège officiel, sécurité surdimensionnée, caméras aux aguets, drapeaux brandis, cris orchestrés. Le pouvoir cherche à fabriquer du consentement par l’image, à donner à une démarche individuelle l’apparence d’une ferveur nationale. Ce n’est plus une simple déclaration de candidature, c’est une opération de communication militaire.

Derrière le slogan “à la demande du peuple” se cache une inversion totale de la réalité. Le peuple qu’on invoque n’est pas celui des marchés, des champs et des quartiers, mais celui des courtisans, des ministres, des directeurs, des préfets et des opportunistes. Une foule fabriquée pour donner corps à une fiction, celle d’un homme acclamé, porté par une nation reconnaissante.

Or, ce peuple réel, celui des prisons, des disparus, des journalistes réduits au silence et des jeunes sans avenir, n’a jamais été consulté. Il subit.

Sur le plan symbolique, la vidéo illustre la confusion entre l’État et un individu. Le général avance comme un souverain escorté par son armée, et non comme un candidat parmi d’autres dans une compétition démocratique. La Cour suprême, censée incarner la neutralité de la justice, devient le décor d’un serment politique. Tout est spectacle, tout est contrôle : la caméra, la foule, le message. Rien n’est spontané, tout est commandé.

Pourtant, ce que cette vidéo ne montre pas est plus parlant que ce qu’elle exhibe.
Elle ne montre pas les visages apeurés des fonctionnaires sommés de venir “accueillir le héros”.
Elle ne montre pas les familles endeuillées par la répression.
Elle ne montre pas la colère silencieuse d’une population trahie.

Ce court extrait est l’image parfaite d’un pouvoir enfermé dans sa bulle : un général qui croit encore gouverner un peuple par la mise en scène et la peur.

La répétition de la malheureuse histoire semble désormais inévitable. Ceux qui ont voulu d’une sortie heureuse pour le général-légionnaire viennent d’obtenir l’assurance de sa triste fin. C’est le destin malheureux d’un homme qui avait toutes les opportunités de rentrer dans l’histoire des grands hommes, mais qui a préféré s’y perdre dans le vacarme de ses propres illusions et des appétits insatiables.

Anonymous 1er,                                                                                                                          l’autre citoyen indigné qui vient de se réveiller dans la presqu’île de Kaloum.

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