Contre La sansure

Quand la loi devient un mur, la démocratie s’étouffe !

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La nouvelle proposition de loi portant régime des partis politiques et organisations à caractère politique en Guinée introduit des exigences inédites : désormais, toute formation qui souhaiterait voir le jour devrait réunir au moins 11 membres fondateurs dans chacune des 46 localités du pays, soit un minimum de 506 membres, dont 30 % de femmes.

À première vue, l’initiative pourrait sembler viser une meilleure structuration du paysage politique. En réalité, elle soulève une préoccupation majeure : celle de la restriction de l’espace démocratique.

Dans son essence, la démocratie repose sur la possibilité pour chaque citoyen ou groupe de citoyens de s’organiser librement pour défendre une vision, une idée, une alternative. En érigeant une barrière d’entrée aussi élevée, cette loi ne renforce pas la démocratie : elle la fragilise.

Elle introduit un filtre qui exclura presque automatiquement les mouvements citoyens, les organisations émergentes, les jeunes initiatives politiques et les voix nouvelles qui tentent, tant bien que mal, de s’inviter dans le débat public.

À l’heure où la Guinée a besoin de renouvellement, d’ouverture et de respiration politique, cette proposition risque d’installer un monopole de fait au profit de ceux qui disposent déjà de moyens, de réseaux et d’un ancrage institutionnel.

Certes, l’exigence de 30 % de femmes pourrait être saluée comme un levier d’inclusion. Mais insérée dans un dispositif qui verrouille l’accès au pluralisme, cette mesure risque d’apparaître comme un alibi de modernisation plutôt qu’un véritable progrès démocratique. Une démocratie véritable ne se construit pas en imposant des seuils prohibitifs, mais en facilitant l’expression des idées, en encourageant la participation citoyenne, en créant les conditions d’un débat ouvert et équitable.

La Guinée n’a pas besoin d’une loi qui empêche la naissance de nouveaux partis. Elle a besoin d’une loi qui encadre sans étouffer, qui stimule sans exclure, qui invite au renouvellement au lieu de consolider un statu quo déjà essoufflé. En l’état, cette proposition porte le risque d’un rétrécissement dangereux de notre espace politique, au moment même où notre pays a besoin de plus de participation, de diversité, et de responsabilité collective.

L’avenir démocratique de la Guinée ne peut se construire derrière des barrières administratives. Il se construit dans la confiance, l’ouverture et la reconnaissance que chaque citoyen mérite une place dans le débat national. Cette loi, si elle n’est pas repensée, pourrait bien transformer notre aspiration démocratique en un couloir étroit dont seuls quelques privilégiés détiennent la clé.

Boubacar Dieng

In. https://www.visionguinee.info/ 

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