Contre La sansure

Le Procureur des Ténèbres : Porte-parole attitré de la Disparition

0

Il parle. Il menace. Il récite.
On dirait un haut-parleur posé sur un gouffre.
Ce procureur n’énonce pas la loi : il déclare la guerre à la parole.

Il faut le reconnaître : il a réussi là où personne n’avait osé aller. Après avoir normalisé l’arbitraire, légalisé l’absurde et anesthésié la justice, le voici qui criminalise la douleur humaine. Il signe presque joyeusement la fin du droit de se plaindre.

Dans son univers, les disparitions ne sont pas des crimes,ce sont des inconvénients administratifs. Ceux qui réclament leurs proches deviennent les suspects, et ceux qui les ont fait disparaître deviennent… intouchables par décret du silence.

Il a troqué son titre de procureur contre un rôle plus adapté : agent de circulation de la vérité interdite. Il ne lutte pas contre l’impunité : il la dirige. Il ne poursuit pas les criminels : il poursuit ceux qui ont le malheur d’être encore vivants.

Sa déclaration est un chef-d’œuvre d’inversion.

Un manuel complet pour effacer le réel : Ne parlez pas des morts. Ne cherchez pas les disparus. Ne questionnez pas l’État. Ne respirez pas trop fort : ça pourrait être interprété comme un outrage.

Il évoque la diffamation, mais oublie la défiguration totale de la justice dont il est le premier artisan.

Il cite la calomnie, mais ne dit rien sur la clameur des familles étouffées.

Il menace de poursuites, mais pas une seconde il n’évoque les pistes, les faits, les témoins, les ombres.

Son parquet est devenu une zone sismique où chaque mot tremble sous la censure.

Il faut dire les choses clairement :
Ce procureur n’est pas le gardien de la loi. Il en est l’extincteur.
Il ne protège pas la société : il protège les ténèbres qui l’engloutissent.

Et puis… cette phrase.
Ce moment où il déclare, sans trembler, que rapporter un fait criminel imputé à une autorité est désormais un délit.

Là, oui : on a cessé de rire.

Car il ne restait plus que l’effroi.

Le pur, le net, le froid effroi d’un régime qui cherche à effacer jusqu’aux cris.

Ce discours n’est pas une mise en garde. C’est un testament. Le testament d’une justice qui n’a plus de souffle, plus de colonne, plus de lumière. Un dernier râle administratif avant l’effondrement.

Et c’est là que se trouve la vérité :

Quand une justice en est réduite à punir ceux qui parlent, c’est qu’elle a perdu jusqu’au droit d’exister.

Alpha Issagha Diallo
L’écrivain qui poursuit la justice quand la justice ne poursuit plus personne

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

× Comment puis-je vous aider ?