Contre La sansure

A OUSMANE GAOUAL DIALLO, MINISTRE DE LA REDONDANCE, DE L’AUTOGLORIFICATION ET DES POURCENTAGES HALLUCINOGÈNES

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(Où comment transformer 15 % en religion nationale et la confusion en programme de gouvernement)

Monsieur le Ministre,

Depuis que Cellou Dalein Diallo a eu l’audace, le terrible sacrilege, de rappeler à Paris que l’État détenait 49 % de la CBG en 1963, Conakry vit dans un état de convulsion collective. On dirait que le simple fait d’évoquer un pourcentage a déclenché une épidémie de vertiges dans les rangs de la gouvernance actuelle.

Depuis, chaque contorsionniste du régime s’est levé, mains tremblantes, calculatrice en feu, prêt à exécuter son numéro de gymnastique mentale pour convaincre le peuple que 49 % = rien, mais que 15 % = paradis fiscal, économique, spirituel et émotionnel.

Mais, Monsieur le Ministre, vous…

Vous n’êtes pas un simple contorsionniste. Vous êtes le chef de troupe, l’homme-orchestre, la star du Cirque Politique Guinéen. Si les Jeux Olympiques comportaient une épreuve de “pirouette économique avec atterrissage en mensonge artistique”, vous auriez déjà ramené l’or.

Votre conférence de presse fut un spectacle : vous êtes entré comme un prophète, vous avez parlé comme un messie des mines, et vous êtes sorti comme un prestidigitateur du pourcentage, laissant derrière vous un nuage épais de chiffres dispersés, d’approximations lyriques, et de dogmes miniers débités avec la ferveur d’un moine sous stéroïdes.

Vous nous expliquez, tout en sérieux absolu, que Simandou nous offrira en moins de 10 ans ce que la CBG a donné en 63 ans. Un exploit. Un miracle. Une multiplication des pains… en version minerai de fer.

À vous écouter, on croirait que Simandou, c’est Moïse, Jésus et le FMI réunis dans une même montagne.

Mais permettez :

On aurait cru entendre un banquier en transe, un astrologue sous perfusion, un vendeur de rêves en pleine extase comptable. Vous n’êtes pas venu informer : vous êtes venu convertir. Vous avez littéralement transformé les 15 % en divinité nationale. On attend presque que vous décrétiez un jour férié : La Journée du Saint Pourcentage. Avec procession, encens et chants liturgiques au rythme des discours interminables que vous aimez tant.

Et puis cette phrase… cette phrase mémorable : “Quand vous avez 15 % d’un milliard, vous gagnez plus que 50 % de 100 millions.”

Monsieur le Ministre…

Cette phrase devrait figurer dans les manuels scolaires. Pas dans la section économie — non ! — dans la section comédie satirique avancée.

Parce que derrière cette évidence de niveau CE1, vous cachez un gouffre : Vous ne dites jamais COMBIEN reviendra vraiment à la Guinée. Combien sera rapatrié. Combien sera évaporé. Combien sera sacrifié. Combien sera renvoyé dans les paradis fiscaux où les multinationales excellent.

Mais ça, chut. On ne parle pas de ça. On parle de vos 15 %. Vos 15 % sacrés. Vos 15 % que vous portez comme un chapelet, que vous bénissez à chaque prise de parole, que vous brandissez comme une médaille olympique.

Ce qui est fascinant, Monsieur le Ministre, c’est votre capacité à parler longtemps, très longtemps, sans jamais donner une seule information utile.

Votre ministère, soyons sérieux, ce n’est pas le Ministère des Transports. C’est le Ministère de la Redondance Industrielle, avec un département dédié à la Duplicité Syllabique et un secrétariat général chargé de la Défense des Évidences Creuses.

Vous ressortez le dossier CBG comme si vous veniez de percer un secret du Vatican. Vous parlez de dettes, de rails, de ports, d’amortissements, de capitalisation…

Mais à mesure que vous parlez, quelque chose d’étrange se produit : Ce ne sont pas les mines qui s’éclairent, c’est l’auditeur… qui s’égare. Et c’est là votre plus grand talent : Vous transformez l’ambiguïté en brouillard, le brouillard en certitude, et la certitude en tromperie rassurante.

Vous êtes le seul ministre qui peut parler 45 minutes, entouré de journalistes, de caméras et d’éclairages LED, et réussir l’exploit de faire briller… absolument rien.

Et pourtant, le pays étouffe. La misère gagne. La dette publique explose. Les institutions s’enfoncent. La justice bouge comme un ventilateur en fin de vie. Mais vous, vous flottez dans les chiffres comme un poisson-chat dans l’eau trouble.

Monsieur le ministre,  »le pays étouffe. La misère gagne. La dette publique explose. Les institutions s’enfoncent. La justice bouge comme un ventilateur en fin de vie. »

 

Monsieur le Ministre, votre 15 % n’est pas une victoire. C’est un gadget rhétorique. Un os à ronger. Un jouet politique recyclé en argument massue. Vous n’avez convaincu personne. Vous avez simplement offert au peuple une nouvelle preuve que la parole publique est devenue un espace où le trucage remplace la pédagogie, où la mise en scène remplace la vérité, où la médiocrité se travestit en expertise.

À ce rythme, vous finirez par nous expliquer que 2 % peuvent renverser l’économie mondiale, que 8 % peuvent redresser la Guinée, que 0 % peuvent construire un État moderne. Mais rassurez-vous : Nous n’avons pas encore atteint 0 %. Il reste vos 85 %… de distraction.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mon ironie la plus acérée.

Alpha Issagha Diallo

Auteur des colères lucides,

Frappeur officiel de mensonges publics,

Et fournisseur agréé de vérités corrosives pour ministres à ego débordant.

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