Abdoulaye Sow de la FESABAG passera la nuit à la prison de Coronthie
Auditionné ce lundi dans les locaux de la Direction centrale de la police judiciaire, Abdoulaye Sow, patron de la Fédération syndicale autonome des banques assurances et microfinance de Guinée (FESABAG), a été déféré au Tribunal de première instance de Kaloum avant d’être placé en détention à la maison centrale de Conakry. Son procès s’ouvre demain mardi 19 juillet.
La semaine dernière, suite à la condamnation de Afriland First Bank et Ecobank, la FESABAG avait fustigé ce qu’elle qualifie de ‘’récidive de l’arnaque de nos banques à travers des décisions de justice peu orthodoxes à travers des clients indélicats pour mettre nos institutions en péril » en estimant que ‘’les condamnations de Ecobank et Afriland First Bank, par suite des crédits accordés à des clients en complicité avec des magistrats véreux, sont une parfaite illustration du dysfonctionnement et la volonté manifeste de nuire voire mettre en péril nos institutions« .
Des propos qui ont poussé l’avocat général Mohamed Lamine Diallo à instruire le procureur de la République près le tribunal de première instance de Kaloum afin de déclencher des poursuites judiciaires pour des faits ‘’d’atteintes au respect dû à la justice, de diffamation et d’injures à l’encontre de l’institution judiciaire et des magistrats’’.
« Pourquoi c’est le syndicat des travailleurs qui se lance dans cette guerre… »
Analysant l’affaire, Me Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier écrit : « la puissante Fédération Syndicale Autonome des Banques et Assurances de Guinée (FESABAG), est très remontée contre des décisions de justice qui ont été rendues récemment contre deux banques primaires de la place.
La toute première question qui se pose est de savoir pourquoi c’est le syndicat des travailleurs qui se lance dans cette guerre contre des » magistrats véreux » selon son communiqué et non l’Association Professionnelle des Banques (APB) qui constitue en quelque sorte le syndicat des patrons de banques.
Des condamnations judiciaires en cascade contre des établissements bancaires et toute autre entreprise d’ailleurs, constituent un risque pour eux. Outre le fait qu’ils perdent de l’argent, il y a lieu de craindre que des difficultés économiques ne les contraignent à mettre la clé sous le paillasson. On peut imaginer les conséquences d’une telle situation en terme de pertes d’emplois. De ce point de vue, on peut comprendre les préoccupations de la FESABAG. Mais lorsqu’elle est la seule à se faire entendre pendant que l’APB se mure dans un silence inexplicable, on doit se poser des questions. On a même l’impression parfois que les intérêts des salariés et des employeurs sont opposés dans cette affaire. En effet, pendant que la FESABAG déclare que ce service minimum ne sera pas assuré ce lundi dans les banques, l’APB affirme le contraire.
Par ailleurs, le Secrétaire général de la FESABAG a été imprudent dans sa communication en parlant de « magistrats véreux » sans indiquer l’identité de ces magistrats. Chaque magistrat et l’institution judiciaire de façon générale peuvent se sentir atteints dans leur honneur et leur dignité. Si des noms précis avaient été cités avec des preuves à l’appui, il y aurait eu moins de réprobation. Encore qu’il existe des voies de recours et la possible de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. La Guinée est l’un des rares pays où même l’insuffisance professionnelle du magistrat constitue une faute passible de sanction disciplinaire.
Mais il faut relever que les journalistes qui tombent à bras raccourcis sur Monsieur Abdoulaye Sow ne sont pas bien placés pour lui donner des leçons de respect et de tempérance lorsqu’ils parlent de la justice ou des magistrats. Quand on écoute certaines émissions de talk-show, on est pris d’inquiétude tellement les mots employés par certains chroniqueurs sont déplacés et à la limite de l’injure, de la diffamation ou de l’outrage. Ce n’est pas une manière de défendre M. Abdoulaye Sow. Mais chacun doit savoir raison garder et ne pas accabler autrui pour des faits dont il est arrivé qu’on se rende soi-même coupable par le passé.
« Il faut que la justice accepte elle aussi de faire son introspection et son autocritique »
En présentant des excuses publiques aux magistrats (…) il pourrait bénéficier d’une dispense de peine au cas où sa culpabilité serait reconnue.
Pour régler cette affaire, il serait sage que Monsieur Abdoulaye Sow et son ou ses conseil.s adoptent le profil bas en présentant des excuses publiques aux magistrats. Même si cette démarche n’éteint pas l’action publique, il pourrait bénéficier d’une dispense de peine au cas où sa culpabilité serait reconnue.
Cependant, il faut que la justice accepte elle aussi de faire son introspection et son autocritique.
Pour Me Salifou Béavogui, «c’est dommage. Les choses sont parties très vite. Je crois que tout se résume actuellement à un emprisonnement systématique dans cette affaire. Il vient librement à la police, on l’entend, on le transfère au tribunal et on l’envoie en prison. Le procès est prévu pour demain. On ne peut que se conformer. En tout cas, il a plaidé non coupable. Nous attendons demain, on fera entendre doit à la juridiction s’il plaît à Dieu ».
De l’avis d’un des nombreux commentateurs, « comme M. Abdoulaye Sow a indiqué qu’il n’a pas dit toute la Magistrature, mais de Magistrat (cela est toujours grave), il faudrait qu’il présente des excuses. On est mal pris avec nos magistrats… il faudrait qu’ils fassent leur boulot dans le respect des lois en vigueur. De nombreuses fois on les voit prendre des décisions venant de l’Exécutif. Pourquoi, par exemple, ils n’ont pas poursuivi ceux qui ont détruit la maison de Cellou Dalein Diallo qui était à Dixinn… Ils sont là pour faire la justice, selon les Lois de la République« .
Oumou BARRY