Air Guinée, une affaire politique aux vérités intellectuelles. (Olladi Ibrahim,journaliste)
Depuis plusieurs années, le dossier de la vente d’un avion de la compagnie Air Guinée revient régulièrement dans le débat politique guinéen, souvent pour mettre en cause Cellou Dalein Diallo, ancien ministre des Transports et actuel leader politique. Et cela à chaque approche des élections surtout les présidentielles.
Pour ses adversaires politiques, cette affaire symbolise un manque de patriotisme et une mauvaise gestion des biens publics. Pourtant, une analyse attentive de l’histoire d’Air Guinée révèle une réalité plus complexe que celle souvent présentée dans l’arène politique.
En effet, si la vente d’un des appareils de la compagnie est attribuée à la période où Cellou Dalein Diallo était ministre des Transports, Il faut rappeler que deux autres Boeings appartenant à Air Guinée ont été vendus au Nigeria à une autre époque, avant qu’il n’occupe ce poste. Ces transactions, tout aussi importantes, sont rarement mentionnées par ceux qui brandissent l’affaire comme un symbole de trahison nationale.
Cette sélectivité dans la mémoire collective nous interroge :
-Pourquoi certains acteurs politiques ne mettent en avant qu’un seul épisode du dossier Air Guinée ?
-Pourquoi ce silence autour des autres ventes, pourtant réalisées dans des conditions similaires ?
Ces omissions nourrissent le sentiment que le débat dépasse le cadre économique et patriotique pour s’inscrire dans une logique de rivalités politique.
Il est pourtant utile de rappeler que la situation d’Air Guinée avant sa liquidation était critique. L’entreprise, créée peu après l’indépendance, aurait accumulé des déficits et souffrait d’un manque d’investissement, d’une gestion approximative et d’un contexte économique défavorable au pays. Dès les années 1990, les autorités envisageaient déjà une restructuration, voire une privatisation, afin de limiter les pertes pour l’État.
Dans ce contexte, réduire la question d’Air Guinée à la seule responsabilité d’un individu revient à simplifier à outrance un dossier complexe. La disparition de la compagnie nationale serait le résultat d’un long processus, impliquant plusieurs gouvernements et décisions successives.
Si le patriotisme est légitime, il ne doit pas se transformer en instrument politique sélectif. Les Guinéens ont besoin d’un débat honnête sur la gestion des entreprises publiques, la transparence dans les décisions économiques et la mémoire institutionnelle du pays.
Il serait temps d’ouvrir une réflexion plus large sur la gouvernance économique et la protection du patrimoine national, au-delà des clivages partisans.
Si les accusations sur le dossier Air Guinée avaient une lumière, le Pr. Alpha Condé n’allait-il pas s’en servir ?
Olladi Ibrahim

Journaliste.
