Contre La sansure

 »Alpha Condé n’était pas le problème: le système, oui »

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On l’a vilipendé, caricaturé, traîné dans la boue. On a crié « dégage ! » comme si le simple départ d’un homme suffisait à guérir un pays malade de ses institutions. Quatre ans plus tard, la Guinée, prise au piège d’une transition interminable, découvre que le vrai enfer commence après le diable. Ironie du sort : Alpha Condé, jadis honni, apparaît soudain comme un mal supportable face à un désastre sans fin.

J’ai longtemps critiqué Alpha Condé sans détour ni complaisance. Son règne a connu l’arrogance du pouvoir, la répression politique, l’impunité et la corruption systémique. Les marchés de gré à gré étaient devenus la norme, les opposants traités en ennemis, et les institutions, de simples accessoires du régime.

Mais il faut aussi reconnaître les faits : sous ses mandats, la Guinée se redressait. L’économie se stabilisait, l’inflation restait contenue, les infrastructures prenaient forme, et le pays commençait à se repositionner sur l’échiquier international. Alpha Condé avait des défauts énormes, parfois insupportables, mais il avait une direction. Il voulait inscrire la Guinée dans le mouvement du monde.

Le 5 septembre 2021, il est tombé. Et le peuple, lassé de ses dérives, acclama ses tombeurs en uniforme. Le CNRD promettait une « refondation de l’État », un « retour à l’ordre constitutionnel » et un « assainissement de la gouvernance ». Les Guinéens, fatigués mais crédules, y virent l’aube d’un renouveau.

Quatre ans plus tard, les masques sont tombés.

La junte s’est installée comme un pouvoir ordinaire, sans vision, sans horizon. Chaque échéance électorale devient une promesse repoussée. L’économie s’effondre, l’inflation étrangle, le panier de la ménagère se vide pendant que les discours officiels s’enrichissent. Les marchés publics s’octroient dans l’opacité la plus totale, les infrastructures sont inaugurées à grand renfort de propagande, et les conférences de presse se transforment en récitals d’autosatisfaction.

Et pour envelopper ce vide, on nous sert la même soupe : « Nous travaillons pour le peuple », « La refondation suit son cours », « La Guinée avance ». Des formules qu’on récite comme des prières d’État, pendant que la misère gagne du terrain.

La vérité est crue : la Guinée va mal, très mal. Le pouvoir actuel ressemble à une caricature de ce qu’il prétendait combattre. On a remplacé le monopole du parti par celui du clan, l’autoritarisme civil par l’autoritarisme militaire, et la corruption d’hier par celle d’aujourd’hui, plus silencieuse, mais tout aussi vorace.

Alpha Condé, jadis honni, apparaît soudain comme un mal supportable face à un désastre sans fin.

Alors oui, je l’admets : j’ai été dur avec Alpha Condé. Trop dur peut-être. Non pas parce qu’il mérite l’absolution, mais parce que ses successeurs ont réussi l’exploit de faire pire.

Le temps est venu de le dire sans hypocrisie : Alpha Condé n’était pas le problème. Le vrai cancer, c’est ce système guinéen, éternellement recyclé, où les mêmes visages changent de costume pour perpétuer la même logique du pouvoir, celle qui broie le peuple et étouffe tout espoir.

La Guinée doit rompre avec cette illusion du sauveur, qu’il porte un costume ou un treillis. Il faut en finir avec cette transition sans fin et rétablir, sans délai, l’ordre constitutionnel.

Sinon, à force de reculer, le pays finira par regretter non seulement Alpha Condé… mais même Sekou Touré. Et là, il sera trop tard.

A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.

Elhadj Aziz Bah

Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.

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