Augustin Gnimassou, Sociologue : “Sans les acteurs politiques, le pacte d’entente pour la paix est incomplet”
Le gouvernement guinéen et les autorités coutumières ont récemment signé un pacte d’entente nationale visant à prévenir les conflits, à renforcer la cohésion sociale et à promouvoir une paix durable sur l’ensemble du territoire. Quelle lecture peut-on faire de cette initiative ? Le sociologue Augustin Gnimassou, enseignant-chercheur à l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC) de Kountia, livre son analyse.
Guinée360 : Le gouvernement et les autorités coutumières ont signé un pacte pour la paix, l’unité et la cohésion sociale. Quel regard portez-vous sur cette démarche ?
Augustin Gnimassou : Même en tant que simple citoyen, je ne peux que saluer une telle initiative, surtout au regard des violences récurrentes dans notre pays et de leurs conséquences sur les vies humaines, les biens matériels et la cohésion sociale. C’est une démarche louable. Mais il ne faut pas se leurrer : c’est aussi un défi de taille à relever.
Pourquoi parlez-vous de défi ?
Parce qu’on ne peut jamais totalement maîtriser ce qui se passe dans l’esprit des gens. Certains réagissent très vite, parfois de manière impulsive. Le véritable enjeu, c’est d’assurer un suivi rigoureux des événements et de mettre en place un système d’alerte précoce, appuyé par un mécanisme de dialogue rapide. Sans cela, ce pacte risque de rester une déclaration d’intention.
Vous soulignez l’absence de la classe politique. Pourquoi est-ce problématique ?
C’est un point fondamental. Les acteurs politiques sont souvent au cœur des tensions. Or, ils n’ont pas été associés à la signature du pacte. Cela peut poser problème : certains pourraient considérer qu’ils ne sont pas concernés, voire qu’ils ne s’y sentent pas engagés. Il est indispensable que tous les protagonistes des conflits en Guinée, en particulier les leaders politiques, s’impliquent dans un dialogue sincère. La confiance doit être le socle d’une réconciliation durable.
En quoi cette signature vous semble-t-elle forte sur le plan symbolique ?
Elle l’est d’autant plus que tout le processus ayant mené à ce pacte s’est déroulé dans une grande discrétion. Beaucoup, y compris parmi les autorités, ont été surpris d’apprendre que des discussions étaient en cours depuis deux ou trois ans. Ce travail en coulisses a permis d’éviter les interférences, les manipulations et les récupérations politiques. C’est déjà, en soi, un succès.
Quel est le rôle des autorités traditionnelles dans cette démarche ?
Il est majeur. Les autorités coutumières disposent d’une véritable autorité morale dans leurs communautés, souvent plus forte que celle des responsables politiques. Leur parole est respectée. Ils peuvent jouer un rôle de médiateurs efficaces. Pour une grande partie de la population, un appel au calme de leur part peut avoir bien plus d’impact qu’un discours officiel.
Peut-on y voir une forme de reconnaissance de leur rôle dans la gouvernance ?
Cette reconnaissance n’est pas nouvelle. Déjà sous le régime du général Lansana Conté, les autorités traditionnelles intervenaient dans la gestion des conflits. Certes, elles n’avaient pas de statut juridique formel, mais leur rôle était crucial sur le terrain.
Ce pacte peut-il concrètement renforcer la cohésion sociale?
Il faudra l’éprouver dans les faits. Le véritable test sera sa capacité à désamorcer un premier conflit. Les signataires s’impliqueront-ils concrètement pour calmer les tensions ? Pour le moment, ce n’est qu’un vœu. Mais un vœu légitime.
