Burkina-Faso : Il faut supprimer l’armée pour sauver le pays.
Ce n’est point une nouvelle suggestion puisque déjà dans Koudraogo Ouedraogo (2016) j’appelais à la suppression de l’armée dans sa forme actuelle. Plusieurs raisons militent en faveur de cette conclusion :
1/ l’armée est le tendon d’Achille du Burkina. Elle est cette institution à laquelle le pays doit tout ce qu’il est, en bien comme en mal, mais plus en mal qu’en bien. En 62 ans d’indépendance, l’armée a confisqué le pouvoir pendant 48 ans. Dans ce contexte, dire que le Burkina-Faso est un produit de son armée est donc une lapalissade. Dans tous les domaines, le Burkina est le moins bien loti parmi ses voisins : développement économique, social, etc. Nous connaissons le rang du Burkina dans le classement du PNUD chaque année. Et si vous doutiez encore, regardez simplement l’état actuel du pays. Ceux qui accusent le MPP, oublient que c’est sous le pouvoir de Blaise Compaoré que les terroristes ont infiltré le Burkina, converti des gens à leur cause, entraîné leurs militants avant de finalement procéder à la première attaque lorsque le pouvoir du MPP a refusé d’être complice dans cette affaire !
2/ au Burkina, l’armée est la pire des institutions. Multiples exemples à travers notre l’histoire illustrent cela si bien, en particulier le coup d’État du 24 janvier 2022. Après s’être fait correctement sermonnée par le président Roch, l’armée burkinabè n’a trouvé aucune autre réplique que de lui faire un coup d’État. L’armée du Burkina est si gonflée qu’elle se pense au-dessus des lois, au-dessus du peuple : elle fait des descentes musclées sur la police selon Faso7(2022), sur les civils (LeFaso.net, 2011), sur l’administration publique (LeFaso.net, 2011,(2)).
3/ pour les efforts que le contribuable burkinabè consent, force est de reconnaître que nous sommes payés en monnaie de singe. Le budget de l’armée s’élevait à 222 milliards de nos francs en 2020. Avons-nous été protégés par nos soldats dont la seule raison d’exister est justement de nous protéger, de maintenir l’intégrité de notre territoire ? Non ! Des milliers de burkinabè sont morts pendant qu’à quelques kilomètres plus loin, des soldats vautrés dans le confort de leur caserne dont le fonctionnement est aussi assuré par nos taxes, refusaient simplement de voler à leur secours. Pourquoi maintenir des employés qui refusent de faire leur travail ? Aucun employeur ne le ferait, et nous, peuple du Burkina devons, dès maintenant, refuser de le faire. Nous devons refuser cette arnaque organisée.
Je n’appelle pas à la suppression de l’armée pour laisser le Burkina sans défense. J’appelle plutôt à l’abolition de l’armée de métier pour les raisons suscitées pour la remplacer par une armée de volontaires. Plusieurs facteurs militent aussi en la création d’un nouveau type de défense nationale :
1/ dans le contexte actuel d’insurrection généralisée, il n’est pas possible de rétablir l’autorité de l’État sur le territoire national avec 16 000 hommes, ou même 33 000 comme au Mali. Avec si peu d’hommes, c’est à un jeu du chat et de la souris que l’armée et les GATs, se livrent.
2/ Il existe un potentiel immense d’hommes et de femmes que nous ne pourrons exploiter autrement. Pour preuve, cela fait des années que la loi sur les VDP a été votée, et pourtant, des villages entiers restent sans protection. En rendant obligatoire la conscription, si je me fie à la pyramide des âges du pays, nous avons entre 20 et 34 ans, 2 439 154 hommes et 2 389 276 femmes, soit un total de presque 5 millions de burkinabè, immédiatement mobilisable pour la défense de la nation ! Cela n’est possible qu’en passant d’une armée de métier comme nous en avons maintenant, à une armée de volontaires comme en Suisse, ou chaque citoyen est appelé à défendre la nation. Avec un si gros potentiel, une mobilisation ne serait-ce que de 5 % des 5 millions, nous donne une armée de 250 000 hommes et femmes pour sécuriser le pays.
3/ dans notre contexte, rien ne peut remplacer les bottes en nombre massif et en qualité sur le terrain. Ceux qui sont familiers avec la France, sont familiers avec la vue des soldats lourdement armés dans les villes qui font la ronde, prêts à intervenir. C’est ainsi que l’on se défend dans un contexte de guerre asymétrique. Ceci n’est bien sûr possible qu’avec une armée républicaine, une armée aux côtés du peuple, pour le servir et non se servir, et cette armée, nous ne l’avons pas encore au Faso, c’est pourquoi nous devons la crée. Dans une guerre asymétrique comme celle à laquelle nous faisons face, les gros moyens militaires ont une utilité très limitée. Ceux qui en réclament ne comprennent simplement rien de la nature du conflit. Si un jet comme un Mirage 2000 permet de se rendre très rapidement sur les lieux pour confirmer l’existence d’une menace, il lui est impossible le plus souvent d’attaquer par exemple pour diverses raisons objectives. Les moyens de transport militaires les plus rapides mettent les troupes toujours à au moins 1 heure, ce qui représente dans notre contexte une éternité.
Conclusion
Six ans après mon article initial sur la question, je pense toujours que le contribuable burkinabè est payé en monnaie de singe pour les sacrifices qu’il consent à l’égard de l’armée. Si la déconfiture de notre armée devant les GAT ne vous avait pas encore convaincu, certainement le putsch du 24 janvier vous aurait convaincu : l’indiscipline des armées Ouest africaines est telle qu’il n’y a aucun salut possible. L’armée en Afrique de l’Ouest ne sera jamais républicaine. Ce n’est pas que nous en sommes incapable, c’est tout simplement que nous sommes trop pauvres. Nous sommes si pauvres que souvent, le moyen le plus sûr de sortir de cette pauvreté, c’est simplement d’accaparer le pouvoir ; la chose même qui nous maintient dans cet état de pauvreté permanente. C’est un cercle vicieux qu’il convient de rompre ; alors, pour l’enrichissement de la vie démocratique, pour le développement de nos pauvres pays, je milite encore et toujours pour la suppression de l’armée de métier, et pour son remplacement par une armée de volontaires comme en Suisse et dans d’autres pays. C’est d’ailleurs la forme d’armée la mieux adaptée aux types de menaces que connaissent nos pays, en l’occurrence celle islamiste. En Europe, ils ont des armées régulières parce que des guerres comme celle d’Ukraine arrivent encore. Quelle était la dernière fois qu’un pays d’Afrique a envahi un autre ? (la situation RDC/Rwanda est très loin d’un envahissement).
Koudraogo Ouedraogo
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