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Burkina/ Violences faites aux femmes et aux filles : Quand le loup est dans la bergerie

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Après maintes négociations, trois victimes ont accepté de se confier sur ce lourd secret qu’elles portent. Hésitantes au départ, elles ont témoigné à condition que leurs véritables identités ne soient pas divulguées. Elles disent ne pas vouloir créer des tensions familiales. Elles ont ouvert leurs jardins secrets pour dire aux autres victimes qu’elles ne sont pas les seules et pour porter à la connaissance de l’opinion « l’enfer » quotidien que subissent certaines femmes et filles au Burkina Faso. Témoignages !

Pour la première fois de sa vie, elle délie sa langue. Jade (nom d’emprunt), a été orpheline de père très jeune. Sa mère n’ayant pas de moyens financiers a décidé de la confier à sa grande sœur, c’est-à-dire à la tante de Jade. Là, elle poursuivra ses études. L’époux de sa tante la traite comme si elle était l’une de ses filles. Dans cette famille, en plus des enfants du couple, l’oncle par alliance de Jade (l’époux de sa tante) s’occupe également de ses neveux. Naturellement, Jade les considère tous comme ses cousins.

Mais dans cette famille élargie qui est d’allure ordinaire, un lourd secret se cache. Pour la toute première fois de sa vie, elle accepte d’en parler. Alors qu’elle avait 14 ans, l’un de ces cousins se met à la « draguer de manière indirecte. Il montrait clairement qu’il était attiré par moi » lance-t-elle. Lui était plus âgé (18 ans). Jade est stupéfaite car elle voyait en lui un grand frère sympathique et ne pouvait pas s’imaginer qu’il ressentait de l’attirance pour elle. Un jour, alors qu’ils n’étaient que deux dans la cour famille, le pire s’y produisit.

Son cousin lui arracha sa virginité de force. « Je me rappelle juste que j’étais dans la maison. On dirait qu’il voulait quelque chose il est venu me trouver. Il m’a attrapé par la force m’a embrassé. Je l’ai repoussé. Il m’a poussé et je suis tombée. Il m’a rejoint par terre. Je me suis débattue. Malheureusement, il était plus fort que moi » s’est-elle remémorée. Après l’avoir violée, le cousin agresseur se rhabille et s’en va brusquement, dit-elle. « Je me suis sentie sale et j’avais l’impression que mon esprit avait quitté mon corps » explique-t-elle. Elle décide de ne révéler cet abus à personne. « J’avais peur d’en parler à ma mère parce qu’elle était sévère avec moi quand j’étais adolescente ».

Elle n’en parle pas non plus aux autres membres de la famille et à ses amis. Le temps passe, Jade et son bourreau se côtoient. Elle n’a pas « le choix », ils logent dans la même maison. Visiblement « gêné, il s’est excusé. Il a demandé pardon. Je ne lui ai rien dit puisque j’étais blessée au plus profond de moi. Mais, au fil du temps, j’ai tourné la page et je lui ai pardonné » a-t-elle murmuré.

Jade est la fille unique de sa mère

Cet épisode a laissé des séquelles dans la vie de Jade. Elle confie que pendant longtemps, elle « a ressenti du dégoût envers les hommes. Quand j’étais draguée par un homme, je me disais qu’il voulait juste profiter de moi » a-t-elle signifié. Aujourd’hui, malgré qu’elle soit hantée par ce douloureux passé, elle est une mère de famille. Maman de deux garçons, elle affirme qu’elle est épanouie dans sa vie de couple. Son époux ignore tout de la violence sexuelle qu’elle a subi plus jeune.

Durement éprouvée par cet abus sexuel, Jade appelle toutes les filles victimes de cette situation à briser le silence. « Elles doivent en parler. Même si ce n’est pas aux parents. Elles peuvent en parler à quelqu’un de très proche d’elles avec qui elles se sentent en sécurité afin de se libérer parce que le viol est difficile à surmonter » préconise t-elle aux victimes.

« Les gens ont failli gâcher ma vie. Mais Dieu était toujours avec moi. Je n’étais qu’une petite orpheline, innocente et naïve. Heureusement, Dieu m’a sauvé et je ne cesserai de le glorifier » a dit cette fervente croyante. Jusqu’à ce jour, Jade rencontre toujours son agresseur lors d’événements familiaux.

Un prédateur sexuel à l’apparence du beau-frère parfait

Élodie (nom d’emprunt) est une jeune femme dynamique. A l’apparence, rien ne laisse entrevoir un quelconque traumatisme sur son visage rayonnant. Et pourtant, elle a baigné dans un environnement familial difficile. Sa mère s’est mariée très jeune à son père avant de divorcer par la suite. Son paternel, un polygame confie l’éducation de sa fille à ses autres épouses. Élodie est surtout éduquée par la première épouse de son père. Malheureusement, son paternel décède alors qu’elle est encore un enfant. Après l’obtention de son Certificat d’études primaires (CEP), elle apprend une « bonne nouvelle » pense-t-elle. Elle va passer ses vacances chez sa grande sœur (l’une des filles de la première épouse). Elles ne se connaissent pas vraiment. Son aînée n’a pas beaucoup vécu en famille. C’est l’occasion pour les sœurs d’apprendre à mieux faire connaissance et à tisser des liens.

En plus de cet aspect, elle a été envoyée pour assister sa sœur dans les tâches ménagères car sa fille de ménage doit se rendre au village pour labourer les champs. Élodie est d’autant plus joyeuse qu’elle va découvrir la capitale, Ouagadougou. Elle qui a pratiquement vécu dans une ville frontalière à l’intérieur du pays. Elle ignore le calvaire qui l’y attend. La jeune fille, 13 ans au moment des faits, se rend chez sa sœur. A l’époque, celle-ci et son époux logeaient dans une petite maison. Élodie dormait dans une dépendance à l’extérieur de la maison du couple. Son beau frère et elle ont d’excellents rapports. Il l’appelle « ma petite femme pour plaisanter » se souvient-elle. Il la couvre de cadeaux et rigole beaucoup avec elle. A la rentrée scolaire, Élodie doit se rendre dans sa ville natale pour reprendre les cours.

Élodie est la cadette d’une grande famille

Pendant les vacances qui suivent, elle est encore impatiente de repartir à Ouagadougou. Cette fois-ci, la famille a déménagé dans une maison plus spacieuse. Elle dormait dans une chambre avec sa nièce de cinq ans et son neveu, un bébé de 6 mois. Contrairement aux vacances précédentes, Élodie va être sous le joug d’un prédateur sexuel. Son beau-frère se dévoile sous ses formes les plus sombres.
« Mon beau- frère était tellement sympathique avec moi. Il m’avait même acheté un vélo de qualité supérieure. Mais il a complètement changé durant mes deuxièmes vacances. La première fois, ma grande sœur était sortie. Je m’occupais de mes neveux. Son mari était également à la maison. Ma nièce est sortie pour jouer. Je me suis assoupie au salon. Entre temps, je ressentais certaines sensations. Pour moi, il s’agissait d’un rêve. Je me suis réveillée, car, j’ai sentis que quelqu’un venait de me retourner. En le voyant, je lui ai demandé s’il y avait un problème parce que j’étais étonnée de le voir si près de moi. Il a dit ceci : laisse-toi faire » s’est-elle souvenue. Sous le choc, Élodie affirme qu’elle a essayé de le raisonner en lui disant qu’elle l’aimait comme un grand frère et qu’il ne devrait pas oublier qu’il est l’époux de sa grande sœur.

L’homme joue alors la carte du chantage affectif sur l’adolescente alors qu’elle n’a que 14 ans. « Il a dit que je devais le comprendre. Il a dit que sa femme ne prenait pas soin de lui » a-t-elle renchéri. Malgré son refus, son beau-frère fait la sourde oreille et l’attrape de force. Elle se débat et parvient à lui échapper. Elle sort de la maison et se rend chez un voisin pour se protéger de son agresseur. Elle n’en parle à personne. Peu de temps après, sa sœur revient à la maison. Élodie se sent rassurée et rentre à domicile. N’ayant pas pu faire les tâches ménagères, sa sœur se met à la gronder sans connaître les véritables raisons.

Selon la description d’Élodie, son beau-frère est un époux et un père aimant à l’apparence. Il est très respecté au sein de la communauté. « Il est généreux et est très sympathique de l’extérieur. J’ai même dit à certaines personnes que ma sœur a eu la chance d’avoir un bon mari. Je ne pouvais pas m’imaginer qu’il pouvait harceler une gamine », a-t-elle dit.

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