Comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? (1ère partie)
« Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables « Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne ! » » (Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, 1755).1
Comment la Guinée a-t-elle été peuplée ? Qui en sont les premiers occupants et qui en sont les derniers ? Ceux qui habitent la Guinée en 2022, d’où viennent-ils ? Par où sont-ils passés ? Quel groupe ethnique a fait quoi, avec quel groupe, contre quel autre groupe et dans quelles circonstances ? Ces interrogations sont les préoccupations de cet article.
Ces interrogations plongent leurs racines dans l’histoire du mouvement migratoire et de la mise en place des populations guinéennes ou tout simplement dans l’histoire de la Guinée. Puisqu’il s’agit de l’histoire, il est possible que certains disent que nous ne sommes pas la bonne personne pour traiter de ce sujet. En effet, n’étant pas historien2de formation, certains pourraient s’offusquer que nous parlions à la place des spécialistes.
Nous savons qu’il existe en Guinée des historiens de très haut niveau ; ils sont à la fois de l’ancienne et de la nouvelle génération. Ces historiens, nous le croyons fermement, ont la qualification requise et le savoir suffisant pour faire cet article à notre place.
Cependant, tout sociologue est un peu un historien. En tous cas, tout sociologue est obligé de faire de l’histoire, car les faits sociaux au centre de la recherche du sociologue ont un passé. Et cette réalité qu’étudie le sociologue est historique, c’est-à-dire qu’elle est datée et circonscrite dans un espace géographique et temporel. C’est autant dire que la sociologie et l’histoire se complètent sans se confondre. Cette complémentarité indéniable est suffisamment expliquée par G. SMETS (1929 : 89)3 qui disait que : « la sociologie n’atteint au réel qu’à travers l’histoire, mais l’histoire n’explique le réel que grâce à la sociologie ».
Partant, on pourrait dire que le sociologue apporte à l’historien le cadre théorique sans lequel son étude n’est que narration, technique que le journaliste maîtrise mieux que lui. D’ailleurs, l’un des plus grands historiens américains, G. E. HOWARD4, affirmait, pour étayer cette complémentarité, que « l’histoire est la sociologie du passé et la sociologie l’histoire du présent ».
En fait, nous écrivons pour faire écrire. Nous écrivons dans l’espoir que notre ignorance, nos errements et nos égarements, que nous revendiquons et acceptons, vont amener les historiens à sortir de leur silence assourdissant et « historique » pour faire face aux dérives de la politique politicienne qui falsifie l’histoire de la Guinée et des Guinéens de nos jours. Peut-être qu’en écrivant et en nous trompant, les historiens qui sont les mieux placés pour nous entendre et comprendre notre cri de cœur, vont rompre leur silence, leur mutisme et leur indifférence face à leur devoir, leur mission et leurs responsabilités.
Dans cet article, il y aura des trous et des inexactitudes. Les uns et les autres découvriront notre ignorance et la faiblesse de notre documentation sur certains groupes ethniques et sur certains aspects. Et comme disait Amadou Ham Pâté BAH, dont nous sommes un disciple livresque :
« Je ne cherche pas à avoir raison, plutôt je cherche à ce que nos raisons et nos diverses vérités édifient la vérité vraie ».
Nous souhaitons que nos lecteurs ne gardent qu’une seule chose de ce texte : notre volonté de privilégier ce qui unit les Guinéens dans leur passé et aussi dans le présent, car comme le disait Professeur Djibril Tamsir NIANE (1963 : 21) :« Il faut prendre garde, parce que l’histoire reste très vivante encore et vous n’êtes pas sans savoir que des querelles qui remontent parfois au 13ème et au 12ème siècles peuvent resurgir avec une recrudescence inattendue ».
Cet article est donc une façon de faire taire les « scientifiques » de certaines radios privées de Conakry, les « insulteurs publics » et les « révisionnistes historiques » qui brisent, chaque fois qu’ils ouvrent la bouche, ce qui reste de la Guinée : notre pays.
Je cherche à déconstruire le discours qui falsifie pour humilier, le discours qui divise pour rabaisser, le discours qui incite à la haine et à la violence. Il y a longtemps que j’ai appris, pour avoir duré sur les bancs de l’école, que l’histoire d’une nation, celle enseignée et diffusée, est une « reconstruction » intelligente pour apaiser les passions et flatter le « vouloir vivre ensemble ».
Professeur Alpha Amadou Bano BARRY
1 Jean Jacques ROUSSEAU (1775), « Discours sur l’inégalité et les fondements de l’inégalité parmi les hommes », Bordas, 1985, Collection Univers des lettres Bordas, Paris.
2 Je suis sociologue et de formation et d’activités.
3G. SMETS (1929) ; « Centre international de synthèse », Fondation pour la Science, n°1, 1929 : 89.
4 G. E. Howard (1904); « A History of matrimonial institutions », Chicago, Londres, University of Chicago Press, volume 3, P : 7.
Professuer