Nouveaux ministères et futures nominations : « Il y a des anciens opposants parmi les personnes approchées », selon Dr. Faya
CONAKRY – Le 30 juin dernier, un décret du général Mamadi Doumbouya a réorganisé la structure gouvernementale, donnant naissance à plusieurs ministères issus de la scission de certains départements. Cette réorganisation suscite de nombreux commentaires, d’autant plus qu’elle intervient à moins de trois mois du référendum constitutionnel. Pour analyser ces faits politiques majeurs, le président du Bloc Libéral, Dr Faya Lansana Millimouno, répond à nos questions.
AFRICAGUINEE.COM : La structure gouvernementale a été réorganisée par le président Mamadi Doumbouya. De 27, la Guinée passe désormais à un gouvernement de 32 départements ministériels. Qu’est-ce que cette modification vous inspire ?
DR FAYA LANSANA MILLIMOUNO : C’est une catastrophe. En réalité, nous n’avons jamais compris ce qu’est réellement l’État. On a simplement occupé la place laissée vacante par le colon, et on s’est mis à percevoir l’État comme une opportunité de redistribution de petits avantages. Regardez : cela fait bientôt 67 ans que la Guinée est indépendante. Depuis tout ce temps, nous avons un ministère de la Culture, mais sur les 245 857 km² de notre territoire, il n’existe pas un seul palais de la culture digne de ce nom.
La seule salle de spectacle dans ce pays, c’est celle du 28 septembre, héritée d’Ahmed Sékou Touré. Pourtant, des ministres se sont succédé, bénéficiant de véhicules de fonction, de secrétaires généraux, de chefs de cabinet, de carburant, de directions nationales, etc. Mais aucun n’a laissé un palais de la culture en héritage au peuple. À quoi sert alors ce ministère ? À rien. Et pourtant, l’industrie culturelle pourrait rapporter autant que les mines, voire davantage.
Prenez le cas de la jeunesse : on a toujours instrumentalisé les jeunes. On crée un ministère de la Jeunesse, un autre des Sports. Mais pendant ce temps, nos enfants jouent dans les rues, faute d’infrastructures. Et pourtant, le ministère des Sports bénéficie chaque année de budgets qui se chiffrent en dizaines, voire en centaines de milliards.
C’est pourquoi, souvent, quand le Bloc Libéral prend la parole, beaucoup ne comprennent pas notre message. J’ai toujours dit que nous ne formerons jamais un grand gouvernement. Nous voulons un gouvernement restreint mais efficace. Ce que tente aujourd’hui Mamadi Doumbouya avec cette multiplication de départements ministériels, c’est une tentative de confiscation du pouvoir. Il a besoin de fidèles pour l’aider, alors il érige certaines directions nationales en ministères.
Or, une direction nationale ne dispose pas toujours de moyens conséquents. Mais dès qu’on la transforme en département ministériel, il faut attribuer une voiture – au moins deux ! – à son nouveau ministre, du carburant, un secrétaire général, un chef de cabinet, des attachés…C’est une multiplication de bouches à nourrir, pendant que le Guinéen lambda tire le diable par la queue.
Je le dis souvent, même si ce n’est pas compris : Jean-Jacques Rousseau disait que l’homme public ne produit pas, il consomme. Mais il consomme quoi ? Le superflu du peuple, qui devient le nécessaire du fonctionnaire. Malheureusement, les Guinéens qui disposent du nécessaire ne se comptent pas par centaines de milliers. La majorité vit dans la précarité. Alors, chaque franc qu’on prend à un citoyen, c’est comme si on lui arrachait une dent. Et malgré cela, on multiplie les ministères… pour avoir des gens à qui confier la mission de garder le pouvoir. Honnêtement, c’est décevant. Mais cela touche à beaucoup d’intérêts. Certains marabouts, même, vont jusqu’à promettre la création de ministères pour obtenir des nominations. Donc, quand on dénonce cette logique, même les marabouts ne sont pas contents.
Selon vous, quelles sont les personnalités que vous vous attendez à voir occuper les départements ministériels récemment créés ?
Il y a des anciens opposants parmi les personnes aujourd’hui approchées… En fait, regardez bien la stratégie de Mamadi Doumbouya. Il a nommé un premier gouvernement. Il y avait de bons éléments, mais aussi des mauvais. Certains ont été écartés, mais il les a gardés. Il y en a qui étaient ministres, qui sont devenus directeurs d’entreprises publiques ou d’établissements publics à caractère administratif (EPA). Certains ont quitté leur poste ministériel pour devenir directeurs ailleurs. Il ne lâche personne. Il sait que s’il écarte définitivement une personne, il perd son appui. Alors mieux vaut la garder, en lui trouvant un point de chute. Actuellement, il a débauché beaucoup de cadres de l’opposition.
