Coups d’État : quand le Kenya paie pour le Niger…
La question que posent les putschs est celle d’un environnement répulsif, sinon malsain, avec des conséquences sur des peuples qui n’y sont pour rien.
En fin de semaine dernière, Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, relatait, dans l’auditorium de Chatham House, à Londres, la circonspection du président William Ruto du Kenya, découvrant que les taux auxquels son pays empruntait sur les marchés avaient sensiblement augmenté, parce que, dans leur évaluation, les agences de notation avaient intégré… le coup d’État survenu au Niger ! Comment est-ce possible ?
Il arrive que, par excès de simplification ou par paresse intellectuelle, des agences de notations – et pas seulement elles – englobent dans une appréciation unique tout ce continent de cinquante-quatre États. William Ruto, a feint d’en rire, en indiquant que la dernière fois qu’il s’était penché sur la carte du Kenya, il n’y avait vu aucune trace du Niger.
Cette forme de facilité coûte cher, puisque, selon le président de la Bad, citant le Programme des Nations unies pour le développement, des notations de crédit plus équitables permettraient aux pays africains de faire une économie d’au moins 75 milliards de dollars par an sur le service de la dette. Akinwumi Adesina a relevé l’anomalie de l’impact supposé du coup d’État au Niger comme preuve du type d’appréciation inéquitable qui justifierait la création d’une agence de notation africaine, un peu comme l’on prend un autre avis médical.
Et voici que les peuples du continent, qui n’ont rien des avantages qu’auraient permis les États-Unis d’Afrique, en sont à payer pour les forfaits de putschistes d’autres États africains. Comme s’ils n’étaient qu’un même pays ! Allez donc savoir combien d’autres peuples subissent indirectement les conséquences de quelques putschistes lointains ! Et même si les agences de notation sont un regard de l’extérieur, l’on ne peut oublier que ce sont, ici, des Africains qui causent du tort à d’autres Africains.
Certains vous rétorqueront que l’on devrait plutôt demander aux agences d’avoir un regard un peu moins biaisé sur l’Afrique…
Il en est, certes, qui regardent l’Afrique comme un tout gangrené par les guerres, les rébellions, les épidémies, diverses calamités et tares, sans se soucier de savoir si, entre deux nations, même voisines, il peut y avoir des différences, des spécificités qui les rendent totalement dissemblables. Les Africains peuvent déplorer cet amalgame, ou s’en plaindre. Ils peuvent aussi questionner les mauvais comportements de certains Africains, avec de coûteuses répercussions sur d’autres Africains. Les choix sont simples : bien se tenir, dans l’intérêt de tous ou, sous couvert de souveraineté, faire ce que l’on veut chez soi, sans se soucier des conséquences pour les autres. Les panafricanistes d’antan auraient rappelé aux Africains du continent et de la diaspora qu’ils devraient, tous, être ambassadeurs, les uns des autres.
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