Contre La sansure

Dansa Kourouma : le notaire souriant de la déchéance

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On célèbre ses discours léchés, ses conférences solennelles et ses communiqués pontifiants. On le voit poser, imperturbable, pour la photo officielle où il remet au Général Doumbouya « la Constitution du peuple ».
Mais il faut être aveugle ou complice pour ne pas voir la vérité.
Dansa Kourouma n’a pas écrit une Constitution pour bâtir la République. Il a rédigé l’acte notarié de la fin du pouvoir par la force.
Et c’est là tout le cynisme : il oblige le putschiste à signer lui-même la fin de sa légitimité militaire.
Parce que cette Constitution dit quoi ?
Qu’aucun pouvoir ne peut être pris ni exercé par la force.
Que tout régime issu d’un coup d’État est illégal et imprescriptible.
Qu’aucune révision ne pourra légitimer ce genre de rupture.
Qu’un mandat présidentiel, c’est 7 ans, renouvelable une seule fois — et pas plus.
Que la souveraineté populaire ne s’exprime que par des élections libres et transparentes.
En clair ?
Mamadi Doumbouya, qui gouverne aujourd’hui par la seule force des armes, doit endosser et défendre un texte qui criminalise son propre mode d’accession au pouvoir.
Un piège subtil, presque élégant.
Et pendant ce temps ?
Pendant que le Général s’acharne à museler la classe politique traditionnelle, Dansa applaudit.
Il laisse Mamadi harceler Cellou Dalein Diallo, le forcer à l’exil, salir son nom.
Il laisse Mamadi isoler Sydia Touré, le marginaliser, le réduire au silence.
Il laisse la junte réduire l’espace politique, briser les partis, asphyxier le débat.
Et lui ?
Il se garde bien de protester.
Il enchaîne les cérémonies, les conférences de presse, les courbettes républicaines.
Il félicite « le leadership rassembleur » de la Transition.
Il signe tous les hommages.
Pendant que Mamadi fait le sale boulot, Dansa nettoie le terrain pour sa propre arrivée.
Parce qu’une fois la Constitution votée ?
Mamadi sera prisonnier de son propre texte.
Les rivaux historiques auront été neutralisés ou déconsidérés.
La « société civile » reliftée (CNOSCG), à Kindia, aura été préparée comme bras armé de la contestation. Un comité de soutien déguisé.
Et Dansa ?
Il surgira comme l’homme neuf, l’homme de la loi, l’homme du consensus.
Le seul qui n’aura pas trempé ses mains dans la répression.
Le seul qui pourra dire : « Moi, j’ai défendu la légalité, j’ai écrit la Constitution. »
Le seul, surtout, dont le discours républicain sera encore crédible face à un Mamadi désormais illégitime.
Il ne bâtit pas la République. Il prépare la défenestration douce du pouvoir militaire.
Il ne fait pas œuvre de réconciliation. Il écrit la sentence du renoncement.
Il ne promeut pas la démocratie pour tous. Il se taille une Constitution sur mesure.
Il faut le dire sans trembler :
Cette Constitution n’est pas neutre.
Elle n’est pas seulement un contrat social.
C’est un acte d’exorcisme contre la prise du pouvoir par la force — et un chantage légal pour pousser Mamadi dehors.
Dansa le sait. Il l’assume. Mais il ne le dira jamais franchement.
Au contraire, il posera en sage, en républicain intransigeant, en grand ordonnateur du retour à l’ordre civil.
Pendant que Mamadi se croit stratège, Dansa lui signe la capitulation en lettres d’or.
Pendant que Mamadi veut l’éternité, Dansa lui écrit l’expiration.
Pendant que Mamadi rêve de gloire, Dansa prépare son éviction.
Pendant que Mamadi pourchasse Cellou Dalein et Sydia Touré, Dansa patiemment se couronne héritier.
Voilà la vérité.
La Constitution ne sert pas seulement à organiser la République.
Elle sert à désarmer le Général.
Elle transforme le putschiste triomphant en président captif, obligé de quitter la scène ou de s’y ridiculiser en parjure.
Ne nous laissons pas berner.
Cette grande messe républicaine cache une opération politique millimétrée.
Cette œuvre prétendument collective n’est qu’un sacrifice d’un homme au profit des ambitions d’un autre.
On ne refonde pas l’État : on prépare une alternance sans rival sérieux.
Parce qu’à la fin, ce n’est pas la Guinée qui gagne. C’est Dansa.

Alpha Issagha Diallo

Citoyen lucide, témoin réfractaire, plume indocile, analyste sans concessions ni révérence, scrutateur intransigeant des masques et des manœuvres.
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