Contre La sansure

De la dévolution monarchique des Wade à la dynastie Faye-Sall : Quand la famille prend le pouvoir

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La présidence de la République n’est plus un contrat entre un homme et son peuple. Depuis quelques décennies, l’exercice du pouvoir étatique implique la famille au sens large. Depuis l’arrivée des libéraux (Abdoulaye Wade et Macky Sall) à la magistrature suprême, la ligne de démarcation entre la famille et le pouvoir -que leurs prédécesseurs socialistes (Senghor et Diouf) hésitaient à franchir-, a complètement disparu. Ainsi, conjointes, enfants, cousins, oncles, frères, beaux-frères…tous gravitent au cœur et à la périphérie de l’Etat.

La promesse n’a pas tenu une seule année. Interrogé par Marwane Ben Yahmed (Directeur de publication du magazine Jeune Afrique), en marge du forum international pour la paix et la sécurité de Dakar en décembre 2016, sur l’implication des familles présidentielles africaines dans la gestion du pouvoir, le Président de la République Macky Sall déclare : « Je ne mêle jamais ma famille à la gestion du pays ». « Si mon frère a été amené à être cité dans des affaires de sociétés privées, c’est parce que je lui avais justement indiqué très clairement, dès ma prise de fonctions, qu’il ne bénéficierait jamais de ma part d’un décret de nomination, notamment en raison de l’histoire récente du Sénégal [Wade père et fils] et parce que je ne voulais pas être accusé de népotisme », confiait-il.

Le chef de l’Etat d’ajouter dans la même foulée : « Je lui (Aliou Sall) avais même conseillé, à l’époque, d’essayer de voir dans le privé. Alors, lorsque plus tard, il est venu me dire qu’il avait signé un contrat avec une compagnie qui fait de l’exploration pétrolière [Timis Corp], honnêtement, je ne voyais pas quel problème cela pouvait poser. Les médias ont pensé le contraire et la polémique a enflé. Je l’ai donc appelé pour lui dire que, compte tenu de la confusion entretenue, il fallait qu’il quitte cette société ou du moins, qu’il ne travaille pas sur les activités de cette société au Sénégal. C’est injuste pour lui, mais c’est ainsi. Son frère est président et il doit en tenir compte. (…) (A Guédiawaye où il était élu maire en 2014) il est allé à la bataille tout seul, sans mon aide. Et il a gagné ».

Ainsi jurait Macky Sall de ne point associer sa famille dans la gestion des affaires publiques. Une promesse qui a fondu comme beurre au soleil, dix mois plus tard, le 11 septembre 2017 très exactement. « Monsieur Aliou Sall, Conseiller en Planification, titulaire d’un Master en Administration publique, est nommé Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, en remplacement de Monsieur Thierno Seydou Niane », annonce le communiqué du Conseil des ministres. Le Rubicon venait ainsi d’être franchi par celui qui a été, lui-même, victime des effets néfastes du népotisme. Il a, en effet, été éjecté du perchoir de l’assemblée nationale pour avoir osé demander (en novembre 2008) des comptes à Wade-fils (Karim Wade à l’époque tout puissant ministre), sur sa gestion des fonds de l’agence nationale de la conférence islamique (OCI).

Aliou Sall-Mansour Faye, les figures de la dynastie Faye-Sall

Un revirement spectaculaire qui a suscité un tollé général chez les Sénégalais qui pensaient avoir rompu avec cette pratique avec la chute du Pape du Sopi dont le fils, Karim venait de prendre 5 ans de prison (enrichissement illicite) pour avoir été mêlé par son père dans la gestion du pays. Une leçon manifestement mal comprise par son successeur. La pilule était, en effet, trop amère pour passer, mais le président Sall fonce tête baissée soulignant que si son frère a finalement bénéficié d’un décret de nomination de sa part, c’est parce que Aliou Sall avait subi du fait de leur parenté, beaucoup d’injustices, alors que sa base politique voulait le voir assumer de hautes fonctions.

Il sera, par la suite, balayé par la clameur qui a accompagné l’enquête de la BBC le plaçant au cœur d’une gigantesque accusation de corruption. Le média britannique soutenait que Aliou Sall aurait touché des pots-de-vin liés à l’attribution de deux champs pétroliers et gaziers à l’homme d’affaires Frank Timis en 2012. Le frère a certes quitté les affaires publiques, mais le beau-frère Mansour Faye, l’autre figure marquante de la gestion clanique du pouvoir, y est toujours avec des portefeuilles aussi stratégique que juteux, n’en déplaise aux chantres de la lutte contre le népotisme.

Il a été ministre de l’hydraulique et de l’assainissement (6 juillet 2014-5 avril 2019), ministre du développement communautaire et de l’équité territoriale (7 avril 2019-1er novembre 2020) et ministre des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement depuis le 1er novembre 2020.

Wade-fils, « ministre du ciel et de la terre »

Cette patrimonialisation du pouvoir publique avec l’implication manifeste de la famille présidentielle, n’est pas nouveau sous nos cieux. Sous le règne des socialistes également la ligne rouge a été franchie à deux reprises mais avec subtilité. En effet, Léopold Sedar Senghor comme Abdou Diouf avaient nommé Adrien Senghor et Maguette Diouf. Le neveu du président poète (Adrien) a tour à tour géré le ministère du Développement rural et celui de l’équipement. Maguette Diouf (frère du président Diouf), quant à lui, avait hérité du département de l’Énergie, des Mines et de l’industrie. Tous deux s’étaient gardés d’être sous le feu des projecteurs contrairement à Wade-fils, ancien banquier-financier devenu tout puissant ministre « du ciel et de la terre », comme la presse l’avait surnommé.

Impliqué dans les affaires étatiques en 2002, Karim a d’abord était nommé conseiller du Président de la République chargé de la mise en œuvre des grands projets : futur Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass, la restructuration des Industries chimiques du Sénégal (ICS), la mise en place d’une zone économique spéciale intégrée dans la capitale. Homme de confiance et expert financier de son père de président, il s’est vu confier l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique et fait de pharaoniques réalisations (corniche ouest de Dakar, entre autres). « Je dirai à ta mère que tu as bien travaillé », lui lance son père bluffé par le ‘’génie’’ de son fils à qui il a voulu taillé un costume sur mesure de président à travers le fameux ticket-présidentiel du 23 juin (l’État a abdiqué sous la pression de la rue).

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