Contre La sansure

Des guinéens ont souffert et continuent de l’être dans leur chair et leur âme (*)

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Les Assises Nationales se poursuivent. Des témoignages aussi poignants les uns que les autres, à couper le souffle par moment sont livrés. Tenez, je vous en donne trois parmi les plus emblématiques que j’ai reçus ces derniers jours.

 

B K dit être devenu l’ombre de lui-même. La raison ? Il est aujourd’hui un chef de famille sans famille. Il raconte : « pendant que j’espérais passer une retraite tranquille après de longues années de services loyaux rendus à mon pays, ma maison a été démolie. Ma famille s’en est trouvée disloquée, ma femme décédée du stress de l’opération de déguerpissement, mes deux enfants sous tutelle étrangère l’un à Dakar, l’autre à Abidjan. Je suis devenu un chef de famille sans famille. Cependant j’accepte témoigner au nom de la paix et du vivre ensemble. Je ne puis oublier ce qui m’est arrivé, mais je suis prêt à pardonner. Je réclame que je sois recasé dans une maison où je peux rassembler le reste de ma famille pour mes derniers jours ».

M S lui, témoigne de ce qui est arrivé à son oncle il y a des décennies. Le pauvre était le chauffeur d’un Haut Placé à Conakry. Rentré d’une mission effectuée pour son Patron dans le pays profond, il fut accueilli par des hommes en uniforme au domicile de celui-ci. Demandant à voir son Patron, il fut conduit dans une maison d’arrêt où il passera sept ans de sa vie. Cette longue période de galère lui fera perdre la vue. Libéré sans jugement, l’infortuné chauffeur est déposé une nuit aux encablures de sa maison avec la consigne de la fermer sous peine de se faire reconduire d’où il vient. L’oncle de M S est décédé sans avoir pipé mot de ce qui lui est arrivé.

Pour le troisième témoignage le nom ne saurait être dissimulé. Il vient de la fille de feu Mamadou Boiro, Officier de police qui a trouvé la mort dans des circonstances émouvantes dont se rappellent encore les gens de ma génération. Le témoignage de sa fille est emblématique en raison de ces circonstances là et aussi du symbolisme de la réparation qu’elle demande.

Elle raconte: « Mon père est mort en mission de l’Etat, défenestré de l’avion qui le conduisait à Conakry. De son corps, seul un pied a été retrouvé. En croyante, j’ai accepté cette fin tragique comme un destin prescrit par le Seigneur. Aussi, je considérais le baptême d’un symbole de l’Etat à son nom comme une marque d’honneur à l’endroit de la famille. A l’inverse je ressens le changement de nom intervenu comme un désaveu qui le présente comme bourreau plutôt que victime tombée au service de son pays. Je demande la réhabilitation pour mon père. Je demande que l’institution qui portait son nom soit renommée Camp Boiro. Je souhaite que ses petits fils soient les fiers descendants d’un martyre de la République. Non un vulgaire bourreau comme cela a tendance à l’être« .

Voilà quelques morceaux émouvants des Assises Nationales; une opération prometteuse d’une dynamique de réconciliation certaine, parce que le Président de la Transition qui en est le commanditaire, lui donnera sûrement l’onction qui consacrera son plein succès. Incha Allah. Puisse Dieu faire qu’il en soit ainsi. Aameen !!!

Par Elhadj Sény Facinet Sylla

Membre du CNA
2ème Vice Président du CNT

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