Deux ans après le putsch, où en est la transition en Guinée ? Les réponses d’Alpha Abdoulaye Diallo (*)
À l’occasion du deuxième anniversaire du coup d’État du 5 septembre 2021, nous avons interrogé Alpha Abdoulaye Diallo, figure de la presse guinéenne et ancien président de l’AGEPI, pour dresser un bilan sans complaisance de ces deux premières années de transition pilotée par le colonel Mamadi Doumbouya et le CNRD.
Sans langue de bois, notre interlocuteur est revenu sur les principaux chantiers en suspens, du dialogue politique inclusif à l’organisation des élections. Il livre également quelques conseils à l’endroit des autorités de la transition pour une sortie réussie de cette transition à l’horizon 2024. Des propos sans concession d’une des grandes voix de la presse guinéenne. INTERVIEW
Quel bilan faites-vous du CNRD à deux ans du coup d’État ?
Nous célébrons l’an 2 de l’avènement du régime du CNRD avec à l’esprit les promesses tenues par le colonel, les promesses qui vont dans le sens de la réalisation de la transition apaisée pour une période de 24 mois. Aujourd’hui, quand on jette un regard dans le rétroviseur, nous avons trois aspects fondamentaux qui constituent trois réalités incontournables et sur lesquelles nous attendons toujours le colonel Mamadi Doumbouya et son équipe.
Le premier, c’est le dialogue sociopolitique inclusif, le deuxième c’est le toilettage de la Constitution de 2020 et son adoption par référendum. Et l’autre point essentiel, c’est l’organisation des élections, telles que consignées dans les lignes de la charte de la transition, de la base au sommet de l’Etat. C’est-à-dire l’organisation de l’élection locale, communale, législative et présidentielle.
Et tout cela va se faire au plus tard avant la fin du troisième trimestre de l’année 2024. Mais à vrai dire, en mettant les trois ingrédients dans une même corbeille, l’on a un constat, le constat est que rien n’est fait, pratiquement aucun pas réel n’a été réalisé et pourtant il faut le faire.
Quelles sont les conditions pour que le CNRD puisse tenir ses promesses d’ici la fin de la transition ?
Quand vous prenez le recensement de la population et de l’habitat, nous attendons toujours, quand vous prenez la réalisation du fichier électoral, nous attendons toujours. Quand vous prenez la refondation de la constitution 2020 ou l’adoption d’une nouvelle Constitution, nous sommes toujours au stade d’attente. Quand vous prenez le dialogue, il est partial aujourd’hui, et doit être inclusif. L’inclusivité nous l’attendons toujours.
Si vous prenez l’échéance essentielle qu’est la présidentielle, si les deux autres ingrédients ne sont pas propres et prêts à être décortiqués, la sauce ne sera pas au rendez-vous. Donc le plat que veut nous servir le CNRD est un plat dont les ingrédients de la sauce ne sont pas encore décortiqués ni épluchés. C’est cela. Maintenant, qu’on le veuille ou non, le tableau est là. On n’a pas besoin de commenter cela.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis du CNRD pour la fin de la transition ?
Pour notre part, en tant que journaliste et critique, le bilan du CNRD ne tient qu’aux promesses tenues. Il reste maintenant à les réaliser. Et c’est cela. Et ses promesses ne peuvent être réalisées que par le colonel et ses hommes. Ce sont eux qui ont pris le pouvoir, ce sont eux qui gèrent l’exécutif.
On ne peut pas tenir rigueur à Dansa Kourouma et aux autres membres du CNT. On ne peut pas également tenir rigueur au Premier ministre, Bernard Goumou. Ils sont les maillons de la transition mais le maillon principal c’est le président de la transition. Donc, c’est au colonel de réaliser les promesses qu’il a tenues. Et ses promesses n’engagent que lui. Lui seul, parce que c’est lui le leader. C’est lui le chef de l’Etat.
Et l’histoire retiendra que si Sékou Touré a donné l’indépendance à la Guinée à travers le non du 25 août, concrétisé par le référendum du 28 septembre et conclu par la déclaration de l’indépendance le 2 octobre 1958, après lui, le général Lansana Conté a libéralisé l’économie et la vie sociopolitique. Ce sont les deux points essentiels que l’on retient de la gouvernance Lansana Conté.
Après lui, est venu le capitaine Moussa Dadis Camara, qui a promis une transition pour quelques mois. Et qui a été terrassé par les évènements du 28 septembre et la tentative d’assassinat de sa personne le 3 décembre 2009. Le général Sékouba Konaté, quant à lui, la seule promesse qu’il a tenue, c’est qu’il était en mission. Et sa mission était d’organiser les élections et de partir. Il a réalisé sa mission. Il est parti.
Nous n’avons pas besoin de savoir comment tout cela s’est passé. Mais le plus important est que le général Sékouba Konaté, que l’on l’aime ou pas, a réalisé sa mission et il est parti. Le président Alpha Condé est venu et, il voulait être le Obama et le Mandela de la Guinée après un demi-siècle dans l’opposition. Il a réalisé deux mandats et il a voulu tenir la Guinée comme l’ont fait ses prédécesseurs, en s’attribuant un troisième mandat. C’est ce qu’on retient de son magistère. A son tour, le colonel nous a promis, après avoir mis fin au troisième mandat, donc au régime à vie de son prédécesseur, qu’il allait organiser la transition et partir.
Maintenant, nous sommes à quelques mois de la fin de la transition. Tout est encore possible. Cette promesse peut être réalisée par lui. Il lui suffit tout juste ce que les politologues appellent une bonne dose de volonté politique. Il lui suffit juste de demander au CNT et à la classe politique tout entière de mettre au point l’essentiel à faire pour que l’organisation de toutes les élections se fasse afin qu’il soit au rendez-vous de l’histoire. C’est à ce rendez-vous que nous souhaitons qu’il vienne prêt et sans tourner autour du pot.
Entretien réalisé par Oumar Touré
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(*) https://www.guineeperspectives.com/deux-ans-apres-le-putsch-ou-en-est-la-transition-en-guinee-les-reponses-dalpha-abdoulaye-diallo/