Empêché pour un troisième mandat, le Président Macky Sall change son fusil d’épaule
Apparemment, le berceau de l’humanité ne manque pas de talents. Le Président Macky Sall vient, une fois encore, de le prouver à travers la prorogation, sans aucune raison valable, de son mandat à la tête du Sénégal (rire). Cependant, a-t-il les moyens nécessaires pour faire passer ce coup d’Etat constitutionnel ?
En effet, n’ayant pas du tout pu, par des arguties juridiques, faire passer la pilule du troisième mandat, le Président Macky Sall a changé son fusil d’épaule. Il veut, subtilement, faire autrement un troisième mandat à la tête de son pays, à travers la prorogation de son mandat. Malheureusement pour lui, les arguments brandis par son camp pour tenter de justifier cette confiscation du pouvoir par la ruse ne tiennent pas du tout la route. Ils sont aussitôt balayés du revers de la main notamment par les acteurs politiques et les organisations de la société civile. Le peuple mécontent de cette décision continue de se faire entendre dans les rues à travers le pays.
Complètement démasqué par le peuple sénégalais dans cette autre démarche de confiscation du pouvoir par la ruse, Macky Sall veut dorénavant recourir au forcing pour se maintenir à la tête du Sénégal. Advienne que pourra. Cependant, parviendra-t-il réellement à contenir la grogne grandissante de la population sénégalaise, déterminée vaille que vaille à le faire partir du pouvoir d’une manière ou d’une autre ?
L’avenir proche nous en dira plus. Cependant, rien n’est moins sûr. À l’allure des choses, l’un des trois scénarios risque d’arriver au Pays de la Terranga, à savoir :
1. Un chaos total
Au cas où le Président Macky Sall tenterait de faire passer mordicus sa pilule, malgré le rejet, par l’écrasante majorité de la population sénégalaise, de son intention affichée de confisquer le pouvoir par la ruse, le Pays s’enfoncerait inéluctablement dans une infernale crise que personne ne souhaite. Déjà, le décompte macabre et controversé des victimes continue. L’instabilité s’accentue au fil des jours depuis la décision du Président Macky Sall de reporter l’élection présidentielle. Le Sénégal est au bord de l’implosion. Rien qu’entre les folles journées du vendredi 9 et samedi 10 février 2023, on dénombre déjà 3 morts.
Nul besoin de rappeler ici que pendant les violentes manifestations de protestation pour contraindre le Président Macky Sall à renoncer à son projet de troisième mandat, le Sénégal a enregistré plus d’une vingtaine de morts.
2. Un coup d’Etat fomenté par Macky pour sauver ses arrières
Il n’est pas exclu que si la pilule de prorogation de son mandat à la présidence de la République ne passerait pas du tout, que le Président Macky Sall fomente, lui-même, un putsch pour punir ou du moins tenter de punir davantage la classe politique actuelle notamment Ousmane Sonko qui est dans sa ligne de mire depuis belles lurettes. Cela lui permettrait de mieux préparer un laquais qu’il imposerait à la tête du Sénégal à l’issue d’une prétendue élection présidentielle organisée par ce militaire qu’il préparerait pour faire un coup d’Etat contre lui-même. Une manière non seulement pour lui de continuer à garder la main mise sur les richesses du Sénégal, mais aussi protéger ses proches, tous plongés dans la gestion de la chose publique.
Lors d’une interview à l’Associated Press, le Président Macky Sall disait, le vendredi 9 février 2024, ceci : « Mon rôle en tant que président de la république pour le temps qu’il me reste à la tête de l’état est de toujours tendre la main et de dire aux acteurs politiques, faites attention, faites attention, parce que nous ne sommes pas seuls sur la scène et si les politiques ne sont pas capables de s’entendre sur l’essentiel, d’autres forces organisées le feront à leur place et là ils perdront tous ».
Ces propos du Président sénégalais sont une preuve éloquente et irréfutable que lui-même n’exclut pas l’intrusion de l’armée sur la scène politique sénégalaise au cas où il ne parviendrait pas du tout à dissiper rapidement les dissensions entre son camp et les acteurs socio-politiques.
3. Une intervention militaire pour contraindre Macky Sall à partir
Dire qu’il n’y a jamais eu de coup d’Etat au Sénégal depuis son indépendance ne signifie pas qu’il n’y en aura pas du tout. Tout commence toujours par un. Oui, de toute évidence, le Sénégal n’est vraiment pas à l’abri d’un coup d’Etat militaire. Même si l’armée sénégalaise est réputée pour être républicaine mais on ne peut plus exclure un coup d’Etat militaire aujourd’hui.
Par ailleurs, cette position conflictuelle du Président Macky Sall met la CEDE-YAOURT, la CEDEAO j’allais dire, dans une posture extrêmement difficile, elle qui est pourtant prompte, à la moindre occasion, à sanctionner les pays ou les dirigeants de l’Afrique de l’ouest qui ne soufflent pas dans la même trompette que les pays occidentaux qui orientent les décisions de cette institution régionale.
L’un dans l’autre, toujours est-il que le monde a les yeux rivés aujourd’hui sur les positions que prendrait cette institution régionale vis-à-vis des agissements antidémocratiques du Président Macky Sall. On ne peut pas reprocher des choses aux autres et faire le pire.
Sayon MARA, Juriste