Contre La sansure

Entretien : mutisme de responsables de l’APR, extradition de Macky Sall, situation économique : Papa Malick Ndour à cœur ouvert…

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L’ancien Ministre de la Jeunesse, de l’Entreprenariat et de l’Emploi, Papa Malick Ndour, dans un entretien accordé à Dakaractu ce jeudi, revient sur les questions brûlantes de l’actualité politique au Sénégal.

Dakaractu – Comment trouvez-vous le bilan de l’actuel régime après presque un an au pouvoir ?

Par rapport aux réalisations concrètes, il n’y a absolument rien de positif à noter. Pour résumer, je dirais beaucoup de feu et peu de rôti, c’est à dire qu’il y a beaucoup de déclarations fracassantes, mais peu d’actions concrètes. Les quelques initiatives du régime se limitent à poursuivre la vision du président Macky Sall en continuant certains projets du Plan Sénégal Émergent, mais sans respect pour le principe de continuité de l’État. Au lieu de reconnaître que ce sont les projets du président Macky Sall qu’ils continuent d’inaugurer ou de lancer, ou d’admettre que la dette, qui a permis la réalisation de ces projets, a une certaine légitimité, ils préfèrent semer le doute dans l’esprit des Sénégalais en prétendant que ces projets font partie du référentiel 2050, ce qui est totalement faux.

En somme, au lieu de réalisations concrètes, nous n’avons observé que des incohérences et un déni dans la gestion du pouvoir. Prenons l’exemple de la réforme de la justice : qu’ont-ils respecté de leurs promesses ? À ma connaissance, le président continue de siéger au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). De plus, l’affectation des « magistrats dits politiques » dans des régions reculées du pays est une insulte à l’indépendance de la magistrature. Cela constitue une véritable entrave à la justice. En ce qui concerne la reddition des comptes, la situation est encore plus inquiétante, car de nombreuses incohérences ont été relevées. Les affaires de Lat Diop, Farba Ngom et d’autres hommes d’affaires illustrent un règlement de comptes qui dissimule mal les intentions presque avouées de ce nouveau régime.

Dakaractu – Pensez-vous qu’il n’est pas trop tôt pour manifester sa déception ?

Les premiers actes d’un régime devraient déjà nous donner une idée claire de ses intentions et de la direction qu’il souhaite prendre pour le pays dans les années à venir. Malheureusement, rien de ce que nous observons ne rassure. Personnellement, je ne suis pas déçu, car je fais partie des 46 % qui ont rapidement compris que ce « projet » était une arnaque de grande envergure. Toutefois, il est évident que le peuple, dans sa grande majorité, est aujourd’hui profondément déçu. Les populations se sentent complètement abandonnées : le monde rural s’appauvrit, les salariés sont désemparés, et les signes de déception sont bien visibles depuis l’arrivée de ce régime. Il est même frappant de constater que de plus en plus de Sénégalais commencent à regretter le régime de Macky Sall, ce qui est totalement invraisemblable, d’autant plus que ce nouveau régime n’a même pas encore terminé sa première année.

Dakaractu – Après l’état des lieux et le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques, qu’avez-vous retenu ?

Tout le monde sait aujourd’hui que le rapport de la Cour des comptes n’est rien d’autre qu’un « pétard mouillé ». L’objectif derrière ce rapport était de créer un consensus national pour rejeter définitivement la gouvernance de l’ancien président Macky Sall, et cela a été annoncé bien avant même sa publication, avec des discours visant à déstabiliser et décrédibiliser l’ancien président et son régime. Pourtant, cette fois, comme jamais auparavant, le peuple a fait preuve de résilience face aux mensonges qu’il a automatiquement rejetés. Nous leur avons lancé le défi de venir débattre avec nous du contenu du rapport. Mais à la place, ils ont préféré raser les murs. Les senegalais ont été déçus de voir Pastef préférer se cacher derrière des insultes, des diversions et des promesses velléitaires de poursuivre certains membres de l’APR en justice. D’ailleurs, après la publication du rapport, ils avaient appelé les Sénégalais à se joindre à eux pour une grande marche d’indignation. Où en sont-ils avec ce projet ? Les dirigeants de Pastef se sont simplement retractés puisqu’ils ont eux-mêmes compris que ce rapport n’a aucune crédibilité aux yeux des Sénégalais. Maintenant, ils disent qu’ils vont faire des poursuites, les sénégalais sont à l’écoute et nous sommes impatients de savoir qui et qui seront poursuivis et pour quels délits. La balle est maintenant dans leur camp.

Dakaractu – Comment analysez-vous la situation économique du pays et la tension sociale ?

La situation économique et la tension sociale actuelles révèlent une gestion incohérente et chaotique du pays depuis près d’une année. Les statistiques des finances publiques, qui devraient être gérées avec sérieux et responsabilité, sont malmenées. En 2024, on a observé une perte de recettes de plus de 600 milliards, imputable principalement à la morosité économique et à une mauvaise stratégie de recouvrement qui repose sur l’humiliation systématique des hommes d’affaires, régulièrement placés sous mandat de dépôt et leurs comptes bloqués. Ces mesures ont un impact direct sur l’économie et les investisseurs, créant une atmosphère de méfiance et d’incertitude.

Par ailleurs, les choix budgétaires opérés, notamment les mesures de centralisation des marchés publics, risquent de nuire gravement aux Petites et Moyennes Entreprises (PME). Ces entreprises prenaient une part importante des marchés publics et, si cette centralisation est mise en œuvre, elle pourrait constituer un des plus grands attentats économiques contre les PME, qui se retrouveraient en grande difficulté. Cela risquerait d’aggraver la crise économique déjà bien présente, compte tenu du nombre important de PME qui dépendent de ces marchés et qui seront éjéctés au profit des grandes entreprises.

Concernant la situation sociale, la souffrance des Sénégalais risque d’empirer, notamment avec la réduction des subventions, imposée sous prétexte d’un ciblage dicté par le FMI et dont la pertinence doit encore être démontrée. Bien que les discussions avec les centrales syndicales pour un pacte social soient une initiative louable, les mesures telles qu’un réajustement salarial, la révision du code général des impôts et la réduction des subventions soulèvent de nombreuses interrogations. Ces décisions, dans un contexte de recherche de marges budgétaires, pourraient devenir un frein à la stabilité sociale et accentuer les tensions. Il est donc crucial d’être vigilant et de bien comprendre l’impact réel de ces choix.

Dakaractu – Votre point de vue sur le débat relatif à une éventuelle extradition du président Macky Sall ?

Il est important de rappeler qu’un porte-parole d’un gouvernement sans consistance s’est permis d’accuser et de condamner l’ancien président Macky Sall, sans présenter de preuves ou de griefs sérieux, avant de se rétracter le lendemain, prétendant qu’il ne faisait que nourrir un débat de rue, comme un citoyen lambda. Une telle attitude est irresponsable et dénote un manque de professionnalisme et de maturité au niveau gouvernemental.

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