Femmes divorcées = « femmes faciles » : la dignité à l’épreuve des clichés
Mariama Baldé âgée de 30 ans est assistante dans une direction dans un cabinet aux Almadies. Taille fine, elle ne passe pas inaperçue. Sa beauté coupe le souffle. Malgré ses atouts, elle en est à son deuxième divorce. Cette originaire de Kolda de teint clair avec une petite corpulence a su surmonter ses périodes douloureuses. Elle s’était mariée dans un premier temps avec un célèbre député. Elle se remarie avec un transitaire.
Après un premier divorce, elle s’est retrouvée avec une fille de 6 ans à sa charge. Elle ne parvient plus à joindre les deux bouts. Elle était contrainte de prendre son destin en main.
« Je suis divorcée deux fois avec un enfant. J’ai vécu deux épreuves. Des moments hyper compliqués avec la souffrance, le traumatisme, le stress, la solitude. Je me croyais dans un rêve. J’ai galéré avec ma fille. Parce qu’à l’époque j’étais étudiante. Je n’étais pas prête financièrement et je n’avais personne pour nous soutenir. Ma mère n’était pas dans les dispositions de m’aider par faute de moyens et j’ai perdu mon père », relate Mariama Baldé. Ces moments étaient durs. Sa narration est empreinte d’émotion. Les larmes couvrent les yeux lorsqu’elle confie : « Je ne suis pas chanceuse en mariage ». Le roman de son mariage est un sanglot. Son ex-mari ne s’occupe pas de son enfant. Pourtant ce dernier est au Sénégal.
» J’ignore où se trouve mon ex-mari. Il est bel et bien vivant. D’ailleurs, c’est un député très connu. Mais il ne fait rien pour sa fille. Au début, je l’appelais pour lui demander de l’argent pour sa fille et il me rapprochait sans cesse. Parfois même c’est sa femme qui me décrochait pour me dire de laisser son mari. Après, j’ai arrêté les appels. Ce n’était pas facile car à l’époque, je n’avais pas de boulot. J’étais encore étudiante. Mais je me débrouillais avec le peu que je gagnais et c’était ma bourse pour nourrir ma fille dans la dignité. Ma fille n’a jamais connu l’amour paternel », narre la dame.
Elle ne peut pas comprendre pourquoi son ex-époux qui a les moyens ne puisse pas prendre en charge son enfant. Mariama Baldé a été conseillée de le traduire en justice.
« Il a les moyens. Mais je refuse. J’ai rompu tout contact avec lui parce qu’il a les moyens et refuse de le faire. Je ne l’appelle plus. Certains m’ont conseillé de le traduire en justice mais je ne vais pas le faire. Je l’attends. Je sais qu’il va revenir vers sa fille un jour et c’est là que je vais lui bloquer l’accès. Je l’ai effacé de ma vie. Ma fille n’a pas de père. Elle n’a qu’une mère et je ferai tout pour assurer toute seule son éducation même si ce ne sera pas facile », confie la jeune maman dans une grande tristesse.
Remariage, sa deuxième belle-famille déteste sa fille
Après le divorce d’avec le député, elle a convolé en secondes noces avec un transitaire. Elle espérait refaire une nouvelle vie. L’espoir s’est envolé. Sa deuxième belle-famille ne porte pas sa fille dans son cœur.
« Après mon premier divorce, je me suis remariée avec un transitaire qui travaille au port autonome de Dakar. Mais notre relation s’est très vite cassée parce que sa famille, à savoir sa mère et ses sœurs, n’appréciait pas ma fille. Elles la maltraitent à longueur de journée parce qu’elles disaient que ma fille est impolie. Elles frappaient la petite chaque jour. Quand j’ai décidé d’en parler à mon mari, il m’a fait savoir clairement qu’il ne peut rien faire. Il a suggéré d’amener ma fille vivre avec ma mère », dévoile la dame. Elle s’opposa à une telle option. Pour Mariama, qu’il vente ou qu’il pleuve, sa fille restera à ses côtés.
« J’ai pris mes gardes en demandant le divorce pour vivre en toute quiétude avec ma fille car on ne peut aimer une poule et rejeter ses poussins comme le dit un proverbe. Ma fille, c’est ma vie, c’est mon tout. Je ne compte pas me marier avec un homme pour tourner le dos à ma fille. Que le prochain prétendant le sache », lâche-t-elle en riant.
Le syndrome des divorces
Des prétendants, n’en manquent pas mais Mariama préfère encore prendre son temps. Elle souhaite profiter de l’occasion pour bien prendre soin d’elle-même et de sa fille. Les séquelles de ses deux divorces, et les difficultés qu’elle a traversées ont fait qu’elle a fini par avoir peur de s’engager à nouveau dans un mariage.
« Honnêtement, je ne suis pas encore prête à m’engager, à nouveau, dans un mariage. Parce que j’ai encaissé beaucoup de coups. Mes blessures ne sont pas cicatrisées. J’ai souffert. J’ai peur de revivre ces deux moments. J’avoue que j’ai pas mal de prétendants en ce moment, mais ils ne me rassurent pas parce que tantôt ce sont des propositions indécentes tantôt ce sont des hommes qui sont là uniquement pour te bouffer ton argent », raconte la dame. Son cœur est habité par la peur. C’est pourquoi, elle fera attendre les prétendants. Elle veut du sérieux. Elle croit qu’il a encore ses atouts pour faire craquer les hommes.
« J’ai mille chances de trouver l’homme qu’il me faut et de me remarier. Mais je préfère encore prendre mon temps afin d’écarter les vieux loups sur mon chemin. Je gagne bien ma vie Hamdoulilah. Je n’envie aucun homme. Je subviens aux besoins de ma famille et de ma fille », glisse notre interlocutrice.
La dignité à l’épreuve des tentations
Elle est restée forte durant ces moments d’épreuves. Sans quoi, elle aurait opté pour le plus facile en se réfugiant dans la prostitution. Elle a surmonté ses obstacles dans la dignité. « Je remercie mes parents de m’avoir donné cette éducation car si ce n’était pas le cas, je serai déjà dans le monde de la prostituion. Avec les bonnes valeurs qu’ils m’ont inculquées, je suis sortie avec la tête très haute. A Kolda où j’habite, certains de mes voisins et même des membres de ma famille me taxaient de prostituée. Ils disaient ne pas comprendre le fait que je suis une femme divorcée et que je refuse de revenir au village auprès de ma mère. Ils disent que je suis ici à Dakar pour être libre et faire ce que je veux », rapporte-t-elle.
C’est durant ces périodes difficiles, qu’elle se battait pour trouver du travail. Sa nouvelle vie d’une femme travailleuse n’efface pas les clichés que certains voulaient à tout prix lui coller.
« Ils disaient à ma mère sans cesse que je traîne partout à Dakar sans même savoir sur quoi je suis. Un jour ma mère m’a appelée au téléphone pour me rappeler à l’ordre et j’ai pleuré ce jour-là et ça m’a déstabilisée car je n’étais pas sur ces trucs. Tout ce que j’évitais, c’est d’être un fardeau pour ma mère et heureusement que je ne le suis pas car j’ai cru en moi et je suis devenue indépendante financièrement », soupire la jeune assistante. Elle refuse d’être une proie. Elle a reçu toutes les propositions, celles réalistes et celles les plus folles. La promotion canapé, la prise en charge intégrale, à durée indéterminée de sa petite et elle en oublie.
« J’avoue que certains hommes ne respectent pas les femmes divorcées. J’ai eu des prétendants qui m’ont proposé des heures dans des hôtels et auberges. Des directeurs d’entreprises qui m’ont proposé la promotion canapé. Certains hommes, tout ce qui les intéresse c’est le sexe. Ce qui me choque le plus, c’est quand un homme m’a dit un jour sans gêne que je n’ai rien à perdre car je ne suis plus vierge. Je peux devenir riche en exposant mon corps. Une manière de m’encourager à la prostitution. Excusez-moi du terme », s’offusque-t-elle. Un jour, un homme lui a demandé de lui satisfaire sexuellement en contrepartie de la prise en charge totale de ma fille durant le reste de sa vie. « Si j’ai un message à véhiculer c’est d’inviter les hommes à respecter les jeunes femmes divorcées. Elles ne sont pas des prostituées et ne sont pas divorcées pour s’exposer à ce phénomène. », prodigue la dame.
Amy, 24 ans, comptable divorcée avec une grossesse
Elle s’appelle Ndèye Amy Ndiaye. Elle s’est mariée à l’âge de 23 ans et a divorcé 4 mois après son mariage. Elle se souvient avec amertume de son divorce. Même si elle a tourné la page, les souvenirs ne s’envoleront pas. « Je ne n’avais aucun souci avec mon mari, mais c’est ma belle-famille qui m’a fait vivre l’enfer. Elle me menait la vie dure. Je travaillais dans une entreprise de la place en étant célibataire de 9 h à 17H 30 mn. Une fois au domicile conjugal, ma belle-mère m’imposait de cuisiner et de faire les tâches ménagères avant d’aller le matin au boulot », indique la fille. C’est difficile de concilier son travail et la cuisine. La solution, c’était une femme de ménage. Sa belle-mère comme un juge s’attaque à cette décision car elle estime ce sont des dépenses supplémentaires.
« Ce qui est plus grave, raconte Amy, « elles n’ont jamais eu de femme de ménage ce sont mes belles-sœurs qui faisaient le boulot et cuisiner. Lorsque je suis arrivée , elles ne voulaient plus rien faire .A un moment donné, c’était compliqué pour moi ,et je pouvais plus cumuler les deux et j’ai commencé à avoir des problème au sein de mon ménage et à mon lieu de travail parce que j’accusais beaucoup de retards », a signifié la jeune dame. Lorsqu’elle a informé sa mère de son sort. Cette dernière lui a demandé d’endurer et d’être patiente.
Dans la société traditionnelle, le « mougne » faire preuve de patienter d’une femme était une vertu cardinale, disait-on, cela est une condition pour que ses fils et filles réussissent dans la vie. Le mari a beau être frivole, tyrannique, on demandait à la femme de tout supporter.
« Je n’adhère pas à ce point de vue. Une femme ne doit pas hésiter à divorcer si son mari ou sa belle-famille lui rendent une vie difficile. Se marier avec une personne ne va pas dire qu’on devient esclave. Je n’ai jamais vécu ça auparavant chez-moi, je ne compte pas le vivre ailleurs. Après avoir bien réfléchi, j’ai pris ma propre décision de divorcer tout en portant une grossesse de trois mois », dit-elle.
Dans la société sénégalaise, le divorce a toujours été perçu comme un échec. Les concernés, surtout la femme, éprouvaient d’énormes difficultés à rebondir voire à retrouver leur place dans la société. Comment Amy a réussi à gérer son divorce ?
« Les jugements de personnes me faisaient mal au cœur. J’étais incapables de supporter cela. J’allais au boulot avec ma grossesse. Au début j’étais seule et traumatisée, mais au fur et à mesure j’ai commencé à m’habituer », rapporte-t-elle.
La dame n’a pas vécu le syndrome des femmes divorcées. Toutefois, Ndèye reconnaît que c’est une réalité. En conséquence, elle invite les hommes à plus de considération.
« Il faut que les gens arrêtent de stigmatiser les femmes. C’est mon destin. Je devais passer par là pour me refaire et puis c’est tout. On aime trop les jugements, c’est ça qui nous retarde au Sénégal. J’ai continué mon boulot et avec le peu que je gagne, je prends soins de moi et de mon bébé. Je n’ai pas de problèmes financiers », a laissé entendre Ndèye.
La peur d’un nouveau divorce
La comptable cherche un époux. Toutefois, elle est hantée par une éventuelle désunion. Elle est encore traumatisée le divorce après 4 mois de mariage.
« Je ne n’ai pas de temps à m’attarder sur des détails. J’ai vécu quelque chose et c’est le passé. Je compte me remarier et fonder une famille, gérer ma vie professionnelle et ma vie familiale. Je tiens beaucoup à mon travail. Mes parents se sont sacrifiés pour que je puisse réussir donc ce n’est pas quelque chose à négliger », argumente Ndèye.
Une vie après le divorce
Le divorce n’est pas la vie du monde. Il y a une vie après une désunion. Pour elle, on peut être divorcée et vivre dignement. Un divorce fait partie du destin dans la vie d’une personne. « Chacun a son destin, le fait d’être divorcé ne veut pas dire qu’on est mauvais. Dans un couple, personne ne souhaite la séparation. Mais parfois c’est ce qui est mieux pour le bien-être de tout un chacun », tranche Ndèye.
Par: Adama Sy et Ndeye Astou Konaté
In. https://www.seneweb.com/news/Societe/femmes-divorcees-quot-femmes-faciles-quo_n_423112.html