Fermeture des médias : Et pourtant Bah Oury doit sa survie politique aux médias privés
Cinq jours après le retrait des agréments des quatre principaux médias privés, suivi du démantèlement de leurs installations, le Premier ministre s’est exprimé ce lundi sur ce sujet qui défraie la chronique en Guinée.
Bah Oury, qui était face aux membres du Conseil National de la Transition (CNT) pour la présentation de la politique générale de son gouvernement, n’a pas fait de cadeau aux professionnels des médias.
Interrogé sur les raisons de la fermeture de ces médias privés de grande écoute, le Chef du gouvernement guinéen, a tenté de justifier cette décision.
« Du 02 au 21 mai, c’est comme si une mouche les (journalistes des médias fermés) avait piqués davantage. La sanction est tombée le 21 mai, le 22 je reçois la charte d’autorégulation. Donc, c’est médecin après la mort. Il faut que ça soit clair. Nous leur avons tendu la main, j’ai pris la responsabilité d’engager ma crédibilité en pensant qu’à travers ça, ils auraient compris qu’il y a nécessité d’améliorer le processus de l’exercice du métier de journaliste dans le pays pour plusieurs raisons. Nous sommes dans un environnement fragile où nous avons vu ce que des médias ont pu commettre en Côte d’Ivoire lors des événements de 2009-2010 avec des presses ultra-partisanes qui ont alimenté les graines de la haine et de la guerre civile. Nous avons vu ce que la radio mille colline a fait au Rwanda », a-t-il tenté de se justifier.
Et Bah Oury d’enfoncer le clou : « Nous ne pouvons pas nous permettre dans ce pays, dans un contexte de déstabilisation généralisée de l’Afrique de l’Ouest, on laisse libre-cours à des mécanismes susceptibles de remettre en cause les fondamentaux de la stabilité et de la sécurité nationale. Quiconque le fait, il sera totalement irresponsable. C’est une question de responsabilité. Si les responsables des organes de presse avaient le souci de leur responsabilité sociale en tant qu’investisseurs, responsables d’entreprises qui emploient des gens, ils devaient prendre en compte ces facteurs pour sauvegarder leur patrimoine. Mais si on n’en a cure, chacun ne s’intéresse qu’à son égo, il ne se pose pas la question de savoir : mon action a-t-elle un impact sur la vie des milliers et des milliers de gens, il va de soi que dans ce contexte, c’est la jungle », a ajouté le Chef du gouvernement guinéen.
Et comme si cela ne suffisait pas, Bah Oury affiche une fermeté et prévient les professionnels des médias : « Nous sommes en train de gérer une transition avec des enjeux extrêmement importants. Si on peut laisser n’importe comment et n’importe qui remettre en cause les fondements sur lesquels la paix et la stabilité peuvent régner, je ne serai pas cette personne. La liberté de la presse ne veut pas dire une licence absolue pour insulter, diffamer…sous prétexte d’une certaine liberté de la presse, on s’attaque aux autorités morales les plus respectés dans ce pays ».
Comme disait un penseur, ‘’le temps est le meilleur juge et il finit toujours pas révéler des vérités’’.
Homme politique ayant passé plus d’une trentaine d’années dans l’opposition des différents régimes qui se sont succédés, Bah Oury, qui doit sa survie politique aux hommes des médias, accepte finalement de cautionner ‘’le sale boulot’’ que le Général Mamadi Doumbouya avait annoncé aux guinéens, en violation des principes démocratiques, favorisant ainsi un prolongement de la transition contre la volonté populaire.
On se souvient de ses années d’exil après le coup d’état manqué contre le Président Alpha Condé et le bras de fer qui l’avait opposé à l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo. Voulant reprendre de force la direction de ce parti qu’il avait fondé, contre la volonté des militants, ce bras de fer avait même occasionné la mort du journaliste Mohamed Koula Diallo, suivi de la mort d’un des gardes du corps de Cellou Dalein Diallo, décédé en prison.
Au cours de ces nombreuses années de traversée du désert, jamais Bah Oury n’a quitté l’espace médiatique pour sa survie politique.
Bien que la justice, instrumentalisée par le régime d’Alpha Condé pour détruire l’UFDG, l’avait donné raison sur ce feuilleton judiciaire, Bah Oury n’avait pas d’autres choix que de créer un autre parti politique, l’UDRG.
Affaibli politiquement et disposant peu de militants, il a opté pour le soutien toutes les actions du CNRD, la junte militaire qui avait renversé le régime d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021.
C’est d’ailleurs ce qui lui a valu d’être nommé Premier ministre Chef du gouvernement, le 27 février 2024.
Aujourd’hui, l’homme change de veste et s’en prend aux hommes des médias dont le seul tort est de dénoncer l’intention du Général Mamadi Doumbouya de se maintenir au pouvoir au delà de l’accord dynamique conclu avec la CEDEAO et d’instaurer une dictature en Guinée.
Abdoul Wahab BARRY