Grève générale et illimitée en Guinée: la peur a-t-elle changé de camp?
A peine le nouveau général de l’armée guinéenne et président de la transition, Mamadi Doumbouya, a dissous son gouvernement, avec gel des comptes bancaires et la confiscation des documents de voyage des désormais ex-ministres, qu’il doit faire face à une fronde sociale dont nul ne sait comment il va la calmer.
A écouter le Guinéen lambda, la grève déclenchée ce lundi par les centrales syndicales est un mal nécessaire. Certes les Guinéens sont loin d’être le seul peuple de l’Afrique de l’ouest, et même du continent entier, à subir les affres de la hausse du coût de la vie et du chômage. Mais ce pays aux richesses naturelles inestimables, du fait de l’incurie de ses dirigeants qui se sont succédé, qu’ils soient militaires ou «opposant historique», n’a jamais réussi à sortir de l’ornière. Pire, la vie, pardon, la survie dans le pays s’apparente à un véritable chemin de la croix.
Pas de route, que ce soit en pleine capitale, Conakry, ou à l’intérieur du pays, alors que selon l’adage, la route du développement passe par le développement de la route. Pas de carburant depuis l’explosion de l’un des plus importants dépôts d’hydrocarbures du pays. Les produits de première nécessité sont hors de prix, sans oublier que le chômage et le manque d’emplois confinent les étudiants et d’autres nombreux Guinéens à des métiers à la sauvette, que certains n’hésitent pas à qualifier de dégradants. Toute chose qui a instauré une précarité sans commune mesure qui se constate jusqu’au fond de la marmite que certaines familles n’arrivent à faire bouillir que lorsqu’elles le peuvent.
Avoir les trois repas quotidiens normaux relève simplement du miracle. «C’est dur», comme l’a résumé un petit fonctionnaire, en face de son plat fumant de «konkoué», le fameux riz au poisson fumé. Cette grève générale et illimitée aura, les Guinéens l’espèrent sans doute, le mérite de rappeler aux dirigeants de la transition que leur peuple qui a applaudi, à tout rompre, leur irruption sur la scène politique, canon en l’air, est mourant et que la démocratie qu’ils ont affirmée venir sauver est agonisante.
Si seulement cette grève arrivait à ouvrir les yeux des maîtres militaires de Conakry, afin qu’ils ramènent, sans les inquiéter, tous ces Guinéens, politiciens ou non, qui ont dû prendre la poudre d’escampette, dans un exil pesant, mais seul moyen pour eux de sauver leur vie. Si seulement cette grève pouvait également pousser les actuels hommes forts de Conakry à balayer la maison et rendre les clés à un régime civil au terme d’une transition bien déterminée dans un bref délai, après près de trois années de louvoiement et d’atteintes à la liberté d’expression, et des libertés tout court. A peine le mouvement commencé que deux personnes au moins sont passées ad patres, grâce à l’agilité de doigt reconnue des hommes de tenue sur la gâchette. Surtout quand il s’agit de mater des manifestants aux mains nues.
La machine de grève qui a paralysé le pays, dès ses débuts ce lundi, a été lancée par les centrales syndicales des secteurs public, privé et informel du pays. Les objectifs visés sont, entre autres, la lutte contre la cherté de la vie, par la réduction des coûts des denrées de première nécessité, la fin de la censure médiatique et la libération du secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée, Sékou Jamal Pendessa qui, pour avoir osé demander que soit rétabli l’accès à internet, vient d’écoper de 6 mois de prison, dont trois ferme.
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