Contre La sansure

Guinée : comprendre 67 ans d’illusions, de ruptures et d’occasions manquées (Par Par Elhadj Aziz Bah)

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La Guinée n’est pas un pays maudit : elle est simplement enfermée dans un cycle politique qu’elle refuse de briser. Tant que les dirigeants se succéderont sans jamais transformer l’État, le peuple restera prisonnier des illusions, des coups d’État et des promesses trahies. L’heure n’est plus à l’indignation : elle est à la lucidité.

Winston Churchill disait : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. »
La Guinée illustre tragiquement cette vérité. Depuis 1958, notre pays avance tel un marcheur épuisé, condamné à refaire les mêmes erreurs, à répéter les mêmes dérives, à espérer pour mieux désespérer. Alors que d’autres nations africaines, parfois moins dotées, attirent capital, innovation et investisseurs crédibles, la Guinée, riche en ressources, pauvre en gouvernance, continue d’inspirer la méfiance plutôt que la confiance.

Depuis l’indépendance, notre trajectoire nationale est marquée par une constante : l’instabilité chronique élevée au rang de modèle politique.

1958–1984 : la dictature de la suspicion et des faux complots

À peine cinq ans après l’indépendance, le régime du camarade Sékou Touré invente en 1964 le tristement célèbre « complot des lignes rouges ». Ce fut le premier d’une longue série de manipulations, d’accusations imaginaires et de procès grotesques utilisés pour étouffer toute voix discordante.
En vingt-six ans, l’espoir né en 1958 s’est éteint dans la peur, la surveillance, les prisons et les complots fabriqués.

Les six chefs d’Etat que la Guinée a eus depuis son independance. Image lelynx.net

1984–2008 : l’ère des illusions brisées

L’arrivée du CMRN dirigé par Lansana Conté en 1984 redonne un souffle d’espoir au pays. Une année plus tard, tout s’effondre à nouveau avec le soi-disant « coup Diarra Traoré ».
Les vingt-quatre années qui suivront seront une succession de mutineries militaires, de révoltes syndicales, de crises économiques et sociales, dans une sous-région déjà en proie aux guerres et aux rebellions. La Guinée n’a jamais connu la stabilité, même au temps où elle aurait dû construire.

2008–2010 : de l’espoir au drame

Le CNDD arrive en 2008, rallumant une nouvelle flamme. Elle s’éteint brutalement le 28 septembre 2009, lorsque le monde découvre horrifié les massacres, les viols et les assassinats commis en plein jour par l’armée contre des civils désarmés.

Quelques semaines plus tard, le chef du CNDD survit à une balle tirée… par son propre aide de camp.

2010–2021 : la démocratie confisquée

Les élections de 2010, censées marquer une renaissance démocratique, se transforment en mascarade. Le véritable vainqueur est écarté. Alpha Condé accède au pouvoir sur fond de manipulations institutionnelles.

Celui qui n’a jamais remporté d’élections transparentes impose en 2020 un troisième mandat illégal après avoir mutilé la Constitution.

Un an plus tard, il tombe à son tour sous un coup d’État militaire. Comme si l’histoire se répétait à l’infini.

2021–2025 : la promesse trahie du CNRD

En 2021, le CNRD jure de restaurer la justice, de refonder l’État et de rendre le pouvoir à travers des élections libres, inclusives et transparentes.

Quatre ans plus tard, cette parole sacrée est violée. Mamadi Doumbouya se porte candidat à l’élection du 28 décembre 2025, transformant une transition qui devait être exemplaire en instrument de conquête personnelle du pouvoir.

Albert Einstein avertissait : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »

Sommes-nous prêts à regarder la réalité en face ?

Si les deux prochains mandats ressemblent aux quatre années de transition que nous venons de vivre, alors la Guinée n’est pas simplement en danger : elle est condamnée à sombrer encore plus profondément, malgré la propagande autour du projet Simandou. Car aucune mine, aucune ressource, aucun gisement ne peut sauver un État gangrené par la corruption, le mensonge et la confiscation du pouvoir.

La Guinée peut rompre le cycle. Mais pour cela, elle doit choisir la vérité plutôt que l’illusion, la justice plutôt que la peur, et le courage plutôt que la résignation.

Nelson Mandela disait : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. »

L’histoire nous tend la main. La question est simple : allons-nous enfin la saisir ? Une question qui vaut l’attention de toute une nation.

A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.

Elhadj Aziz Bah

Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.

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