Si les guinéens, dans leur majorité, ont applaudi le CNRD, ce n’est pas un blanc-seing qu’ils lui donnent.
Le régime de Alpha Condé, en se durcissant au fil du temps, a ôté la vie à plusieurs jeunes guinéens, contraint à l’exil des acteurs de la société civile, emprisonné de nombreux citoyens et leaders politiques, fermé les locaux d’un parti politique et empêché ses dirigeants de sortir du territoire national en dehors de toute décision de justice.
La junte militaire au pouvoir a mis fin à toutes ces situations à la grande satisfaction des guinéens. Les victimes de cette chape de plomb qui s’est abattue sur la Guinée pendant les deux dernières années du régime Alpha Condé, resteront reconnaissants vis-à-vis de ces militaires. Certains diront que pour avoir l’adhésion populaire et « blanchir » leur putsch, ils étaient obligés de prendre de telles mesures, comme le CMRN l’avait fait en son temps en 1984, en libérant les détenus du camp Boiro. Mais c’est un débat secondaire. Ce qui est essentiel, c’est l’acte accompli.
La libération des détenus politiques et d’opinions, le retour des exilés politiques, la levée des interdictions de voyage accompagnée de la restitution de documents de voyage illégalement bloqués et l’ouverture des locaux d’un parti politique signifient-ils que les militants pro-démocratie doivent croiser les bras et fermer les yeux sur une éventuelle dérive de la junte militaire ?
Au regard de la situation actuelle, il y a toutes les raisons de craindre que les pratiques du régime Alpha Condé se perpétuent. Le Président de la Transition avait justifié le coup d’État du 5 septembre 2021 par, entre autres raisons, le changement de constitution dans des conditions dramatiques et le troisième mandat de Alpha Condé qui a pollué le climat politique. Les citoyens comprennent difficilement aujourd’hui que les prometteurs de ce mandat de trop reviennent en force au sommet de l’État et dans tous les rouages de l’Administration publique. Ils voient dans cette situation une sorte d’incohérence qui crée naturellement des questions sur les véritables motivations du coup d’État qui a renversé Alpha Condé.
En tant qu’acteurs de la société civile, notre devoir est d’alerter les citoyens et de veiller à ce que rien ne soit plus comme avant. Si les acteurs de la société civile ne sont pas légitimes pour parler au nom des citoyens parce qu’ils ne sont pas des élus, qu’en est-il de militaires qui ont pris le pouvoir par les armes et qui ne sont pas des élus non plus ?
Ce débat est tout simplement inopportun et inapproprié. Chacun se bat de son côté pour ce qu’il considère comme l’intérêt du pays. Les procès en illégitimité constituent dans certaines situations une manière de faire taire des citoyens surtout quand ils sont le fait de personnes qui, de leur côté, manquent de la légitimité issue du suffrage universel. Ce n’est ni compréhensible ni acceptable. Si les guinéens, dans leur majorité, ont applaudi le CNRD, ce n’est pas un blanc-seing qu’ils lui donnent. Ils seront vigilants et exigeants.
Sékou KOUNDOUNO
Responsable des stratégies et planification du FNDC