Guinéens du Maghreb : l’exil forcé d’une jeunesse sacrifiée par l’État démissionnaire
Depuis des siècles, les populations noires vivant en pays arabes, en particulier dans le Maghreb, sont reléguées au bas de l’échelle sociale. Considérés comme les descendants d’esclaves, les Noirs sont victimes d’un racisme profondément enraciné, indépendamment de leur foi ou de leur niveau d’instruction. Marginalisés, méprisés, et fréquemment exposés à la violence, leur statut n’a fait qu’empirer ces dernières années, notamment après la chute de la Libye aux mains des extrémistes et les récents bouleversements politiques dans la région.
Pour les Guinéens, le quotidien est marqué par la persécution et l’hostilité. Leur situation a pris un tournant encore plus tragique après le discours incendiaire de Kaïs Saïed, président tunisien en 2023, qui, s’appuyant sur la théorie du « grand remplacement », a stigmatisé les migrants noirs, les accusant de menacer l’identité arabo-musulmane de la Tunisie. Ce discours a déchaîné une vague de violences non seulement en Tunisie, mais également dans d’autres pays du Maghreb, exacerbant les préjugés racistes déjà existants.
Dans ce contexte hostile, les Guinéens sont devenus des proies faciles, privés de tout soutien. Ils vivent dans des conditions inhumaines, confinés à des bidonvilles insalubres, sans accès à la santé ni à l’éducation. Ils subissent des arrestations arbitraires, des expulsions brutales, et sont souvent abandonnés dans des déserts hostiles où la mort les attend. Pourtant, ces réalités ne sont que les conséquences directes de l’échec de l’État guinéen, qui a démissionné de sa mission première : offrir un avenir à sa jeunesse et protéger la dignité de ses citoyens, quel que soit l’endroit où ils se trouvent.
Les dirigeants guinéens, englués dans des luttes de pouvoir, ont trahi les aspirations de leur peuple, sacrifiant l’avenir de leurs citoyens sur l’autel de leur incompétence et de leur cupidité. Les ressources naturelles de la Guinée, largement pillées par des élites corrompues, auraient dû être le moteur d’un développement inclusif et durable. Mais au lieu de créer des opportunités d’emploi et de bâtir des infrastructures capables de soutenir l’économie, les autorités guinéennes ont laissé prospérer la pauvreté, poussant des milliers de jeunes à tenter leur chance ailleurs, au péril de leur vie.
Au-delà des frontières, les migrants guinéens ne sont plus que des âmes en errance, des êtres humains réduits à l’état de marchandises, exploités, humiliés, et parfois vendus comme des esclaves, particulièrement en Libye où les trafics d’êtres humains se déroulent en toute impunité. Les élites guinéennes restent cependant silencieuses face à cette tragédie, plus préoccupées par la préservation de leurs privilèges que par le sort de leurs compatriotes.
L’Union européenne, en externalisant la gestion de ses frontières, a transformé le Maghreb en une forteresse où les migrants subsahariens sont traqués et refoulés, dans une indifférence glaçante. Mais la Guinée, de par sa démission, est le premier responsable de cet exode massif. En refusant d’investir dans l’éducation, la santé, et la création d’emplois, l’État guinéen a renoncé à protéger l’avenir de ses enfants, les condamnant à l’exil et à une vie de misère.
La tragédie des Guinéens du Maghreb est un miroir qui reflète la faillite de l’État guinéen. Au lieu de garantir la sécurité et la prospérité de leurs citoyens, les dirigeants ont érigé l’abandon en système de gouvernance. L’absence totale de protection de la citoyenneté guinéenne à l’étranger révèle l’ampleur de la démission de ceux qui prétendent incarner l’autorité. En définitive, ce n’est pas seulement le racisme des sociétés maghrébines qui brise les vies de ces migrants, mais l’échec cuisant de l’État guinéen à assumer ses responsabilités les plus fondamentales.
Cette réalité impitoyable met en lumière l’urgence de repenser la gouvernance en Guinée. Car tant que les élites continueront à se détourner de leur mission de bâtir une nation juste et prospère, les Guinéens resteront des étrangers en quête d’une terre d’accueil, condamnés à l’errance et à la précarité, loin d’un pays qui a échoué à les protéger.
Aboubacar FOFANA
Image de la Une : Manifestation d’étudiants guinéens au Maroc pour le non paiement de leurs bourses d’études.