« Il est désormais clair pour nous tous maintenant, que nous sommes installés au beau milieu d’une crise… » »
Guinéennes, Guinéens,
Chers compatriotes,
Nous terminons une année difficile qui aura nourri de part et d’autre, des sentiments de doutes et d’interrogations, d’inquiétudes et de craintes, face au présent et au futur, l’avenir et le devenir de notre grande nation.
En ces instants solennels, je rends hommage à nouveau aux 24 victimes dénombrées à ce jour de la tragédie du dépôt de carburant de Kaloum. J’exprime également ma compassion aux nombreux blessés, sinistrés ainsi qu’aux populations qui, depuis la survenance de la crise, affrontent avec courage, dignité et résilience, des quotidiens difficiles.
Dans l’attente des conclusions des enquêtes annoncées pour élucider les causes et les circonstances de la tragédie et situer d’éventuelles responsabilités, je salue les efforts des sapeurs-pompiers, le personnel soignant et autres acteurs mobilisés sur le terrain dont les actions héroïques ont permis de circonscrire l’ampleur du drame ainsi que l’élan de solidarité nationale et ainsi que l’assistance des pays amis de la Guinée qui s’expriment depuis et qui contribuent à atténuer les effets de la crise.
Aussi, mes hommages appuyés s’adressent également aux victimes des nombreux cas d’accidents routiers, de l’insécurité devenue ambiante, des incendies interminables, des viols insupportables de mineures et autres délinquances et calamités qui frappent de plein fouet aujourd’hui notre société.
A tous nos compatriotes, d’ici et d’ailleurs, affaiblis par la maladie, la détention, le poids de l’âge ou autre souffrance morale, aux victimes de l’injustice et de l’arbitraire, exilés, chômeurs, j’exprime mon sincère soutien et les rassure qu’ils ne sont pas seules et que l’avenir leur sourira.
A cette heureuse occasion, j’ai une pensée pour le Président Alpha CONDE, sa famille et ses proches et leur exprime mes vœux de longévité, santé et prospérité.
A l’orée du nouvel an, je caresse l’espoir pour notre pays que les nuages qui s’amoncèlent se dissiperont rapidement, que les vents violents qui se déchainent s’apaiseront, pour démentir les mauvais pronostics et que l’horizon s’éclaircissant à nouveau puisse rendre possible et inéluctable la marche de notre nation au rendez-vous de la paix, l’Etat de droit, la démocratie et la prospérité.
Ainsi, je formule les vœux ardents qu’à travers nos campagnes et nos villes, nos champs fleurissent, nos bétails s’engraissent et nos eaux s’enrichissent pour nourrir et soigner les corps, éduquer et instruire les esprits, apaiser et extasier les âmes.
Guinéennes, Guinéens,
L’année qui s’achève aura enregistré de nombreuses crises qui ont affecté durablement des segments importants de la vie nationale empêchant malheureusement, la réalisation de progrès significatifs quant au renforcement de l’Etat de droit, la démocratie et le développement national.
Grâce au recul et une meilleure connaissance et expérience de l’Etat, nous sommes convaincus aujourd’hui, tous tant que nous sommes, que nous aurions dû et pu faire l’économie de ces crises pour favoriser l’harmonisation de nos efforts, dans l’unité et l’entente, le dialogue et le compromis, afin de relever efficacement les défis auxquels nous sommes confrontés.
C’est la raison pour laquelle, au sortir de l’année, les indicateurs politiques clignotent et passent au rouge à l’heure du bilan, laissant le constat d’un déficit réel de dialogue dans la conduite du processus pour le retour à l’ordre constitutionnel normal. Aussi, le manque de transparence sur les perspectives vers lesquelles le processus est dirigé constitue une autre anomalie et une source de tension politique. Dans les conditions où les réclamations d’une frange importante d’acteurs de la vie nationale sont laissées pour compte, le processus visant le retour à l’ordre constitutionnel ne saurait garantir ni la quiétude sociale ni la consolidation de la démocratie, pourtant nécessaires au bien-être des citoyens et au développement.
Mieux, les restrictions faites à l’exercice de droits fondamentaux et libertés publiques, notamment la liberté de manifestation sur les voies et places publiques ainsi que la répression violente qui les accompagnent sont intolérables pour le modèle de société politique que nous sommes engagés à promouvoir depuis des lustres : un Etat de droit démocratique. Ici, j’ai une pensée émue pour les nombreuses victimes de la répression de l’Etat, tombées la plupart du temps à la fleur de l’âge. Il est de notre responsabilité à tous, d’œuvrer aujourd’hui à ce que justice leur soit rendue.
En parlant toujours d’atteinte aux droits humains, je pense aussi aux restrictions qui sont faites depuis plusieurs semaines au libre accès des citoyens aux réseaux sociaux et aux perturbations inacceptables faites à l’exercice de médias notamment, de radios et télévisions du pays. Ces mesures liberticides constituent un recul grave.
Pour ma part, mû par une longue pratique des médias et de l’Etat, malgré des ratés inhérents à toute entreprise humaine, les médias sont toujours aussi bien le baromètre de la démocratie qu’un levier vital de la paix et du développement. Et quelle que soit l’orientation politique ou philosophique de l’Etat, une presse libre est toujours nécessaire à son existence et à son action.
Ainsi, en ces moments difficiles que traverse la presse guinéenne, j’ai une pensée pour l’ensemble de ses acteurs qui ne demandent qu’à exercer librement dans le cadre de l’éthique et la déontologie, leur profession dans l’intérêt supérieur des populations qui, à l’instar des autres peuples du monde, ont aussi le droit inaliénable au libre accès aux différentes sources d’information.
Sur le plan économique et social, les choix opérés par les autorités sont loin de satisfaire aux conditions et modalités du développement, de la redistribution des richesses nationales ou même de juguler la crise sociale qui s’accentue chaque jour, davantage. Plutôt que de régler la crise, les politiques publiques mises en œuvre aujourd’hui ne font que dans son report sinon son aggravation.
Aussi, devenus presque la règle, les marchés de gré à gré dans le cadre de la passation de la commande publique, en plus de favoriser une saignée financière pour l’Etat, sont devenus le lit de la corruption et du détournement de deniers publics et autres crimes économiques.
Mais plus insupportable encore est l’impunité garantie aux gestionnaires de la chose publique qui, depuis plus de deux ans, gèrent dans un laisser-faire total sans aucune forme de reddition de comptes, conformément aux prescriptions de l’orthodoxie de l’administration des ressources publiques.
Au même moment, le tissu économique se rétrécit un peu plus chaque jour, provoquant la baisse d’opportunités d’affaires, d’emplois ou encore accentuant l’érosion du pouvoir d’achat. Ainsi, les populations, en dépit de la résilience dont elles font stoïquement preuve, supportent de plus en plus mal, les conséquences du renchérissement du coût de la vie dans nos villes et nos villages.
A ce propos, je pense aux milliers de fonctionnaires et leurs familles, injustement privés de salaires en cette fin d’année et victimes de dysfonctionnements incompréhensibles de l’Etat, aux nombreux civils et non civils radiés des effectifs des personnels publics, dans des conditions iniques et brusquement jetés dans les bras de la pauvreté, la misère ainsi que leurs corollaires. Je compatis à la douleur de ces centaines de famille qui, en 2023, ont fait l’objet de déguerpissement précipité sans un préavis raisonnable et surtout sans la moindre mesure d’accompagnement, au nom d’une volonté dogmatique de récupération des domaines de l’Etat.
Je pense aussi aux milliers de jeunes gens à travers le pays qui, désabusés par la misère, la quasi absence d’opportunités et n’ayant plus d’espoir au bonheur ou la réalisation de leur rêve sur place, se jettent sur les routes dangereuses de l’immigration clandestine sous le slogan évocateur : « Quittons le paradis ». Au regard du désastre humain du Sahara, de la Méditerranée et autres, il est impératif aujourd’hui de renverser cette malheureuse tendance pour sauver notre jeunesse.
Guinéennes, Guinéens,
Le nouvel an offre l’heureuse occasion à notre pays de faire une pause, de procéder à une évaluation des politiques et des stratégies mises en œuvre, des actions réalisées et en cours de réalisation afin d’en jauger de leur efficacité pour mieux définir, les perspectives vers lesquelles dirigées l’action publique prochaine.
Pour ma part, face à l’ampleur de la crise et au regard des enjeux, il n’y a malheureusement pas d’alternative au changement de cap et de paradigmes dans la conduite des affaires de l’Etat. Il n’y aucune issue au recentrement réel de la transition vers son principal objectif et son agenda naturel, le retour à l’ordre constitutionnel normal et ce, dans l’unité, le dialogue et le compromis avec l’ensemble des acteurs de la vie nationale.
Aujourd’hui, continuer à avancer la tête baissée au nom de projets non réalistes et impossibles ou feindre de l’ignorer alors que le pays est dans l’impasse totale, c’est courir le risque réel et grave d’un enlisement de la crise et condamner l’action publique à faire du sur-place et à se diriger éventuellement vers un blocage aux conséquences imprévisibles et incalculables sur notre société.
Il est désormais clair pour nous tous maintenant, gouvernants ou non, que nous sommes installés au beau milieu d’une crise et qu’il faille travailler tous ensemble résolument à son règlement dans l’intérêt de la Guinée et des Guinéens. Et à ce propos, le peuple nous observe depuis toujours et un jour, l’histoire témoignera inexorablement sur les faits et gestes des uns et autres.
Face aux défis d’aujourd’hui, je continue de nourrir l’espoir que notre peuple laborieux et résilient qui a su dépasser depuis son existence des crises bien plus graves, trouvera cette fois encore, les ressorts nécessaires pour rebondir et repartir du bon pied, afin de donner un souffle nouveau au pays pour assurer le développement et le bien-être pour tous.
Guinéennes, Guinéens,
Chers compatriotes,
Quand la nuit tombera sur nos villes et nos villages et que nous aurons regagnés nos demeures, une fois les célébrations terminées, découvrons nos cœurs et nos pensées, nos actions et nos projets, à l’aune du patriotisme et de la vertu et engageons-nous tous, au service de la patrie pour faire d’elle un havre de paix et de prospérité pour tous.
Bonne et heureuse année 2024 à tous !
Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens !
Je vous remercie !
Aboubacar SYLLA
Président de l’UFC