Joe Biden: un honnête homme s’en va
Après le départ du président américain Joe Biden, pour espérer quelque chance de succès comme grande puissance, les États-Unis devront davantage faire preuve d’une certaine décence, de sobriété, sinon d’humilité, que de la morgue et de l’arrogance qu’affichent certaines voix dans la campagne présidentielle.
Pour ses adieux à la communauté internationale, le président des États-Unis Joe Biden a tenu cette semaine un discours poignant devant l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York. Notamment sur sa renonciation à briguer un second mandat. Doit-on, pour autant, assimiler cette sortie à un grand moment d’Histoire ?
Lorsque l’homme le plus puissant de la planète prend congés de l’instance qui rassemble les peuples et les nations de ladite planète, l’Histoire est en marche, quoi que l’on dise. Il se trouve que la densité et la sincérité son discours étaient de celles que l’Histoire retient. Et ces adieux contenaient quelques leçons essentielles, valables pour l’univers entier, donc pour l’Afrique, quand il rappelle à leurs devoirs ceux qui ont en main le destin des peuples.
« Être président [des États-Unis] a été le plus grand honneur de ma vie. J’aime ce travail, mais j’aime encore plus mon pays », a-t-il dit, avant d’affirmer que le temps était venu, pour lui, de laisser le leadership à une nouvelle génération. Et d’inviter ses pairs à ne jamais oublier qu’il est des choses bien plus importantes que rester au pouvoir : « C’est votre peuple. Qui compte plus que tout le reste », a-t-il insisté les priant « tous de ne jamais oublier qu’ils sont là pour les représenter, aux Nations unies ».
Il n’empêche, l’état actuel du monde qu’il lègue n’est pas très rassurant
Joe Biden l’admet, au point d’emprunter, pour dresser l’état des lieux, un extrait du poème du prix Nobel de littérature irlandais William Butler Yeats, La Seconde venue : « Tout se disloque. Le centre ne peut tenir. L’anarchie se déchaîne sur le monde, comme une mer noircie de sang… Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises ». Bien que centenaire, cette œuvre de la poésie moderniste, datant de 1919, dépeint un monde inquiétant, qui pourrait bien être celui d’aujourd’hui.
En dépit de ce tableau désespérant, le président sortant des États-Unis reste persuadé que le centre, ici, tient, et que l’apparent chaos actuel peut encore être surmonté. Voilà pourquoi, à la suite de William Butler Yeats, il a cité Nelson Mandela, dans une de ses plus vibrantes invites à la persévérance : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse », disait le leader sud-africain prix Nobel de la Paix, pour qui bien des situations peuvent paraître insurmontables, jusqu’à ce qu’elles soient surmontées. Vaincre l’adversité, pour parachever ses rêves, tel est le message emprunté par Biden à Mandela, pour son testament diplomatique, en ces temps incertains. « Chaque génération a ses défis à relever, et nous serons toujours plus solides, ensemble, que seuls, dans ce monde », conclut le dirigeant américain.
N’est-ce pas un peu insolite d’entendre ainsi Joe Biden parler de démocratie au reste du monde ?
Celle-ci a certes été quelque peu malmenée, aux États-Unis, notamment en raison de la conception toute particulière qu’en avait son prédécesseur, qui se trouve être encore un des deux prétendants à sa succession. Peut-être est-ce pour cela que Joe Biden a eu l’humilité de préciser que la démocratie n’appartient en exclusivité à aucun pays, à aucun peuple.
Si ce discours d’adieux dans le cénacle du Palais de verre de Manhattan, a quelque chance de trouver sa petite place dans l’Histoire, c’est parce qu’il était celui d’un honnête homme, dont les dirigeants et peuples du monde, globalement, saluent la décence. Et, dans les relations internationales, jamais l’on n’a eu autant besoin de décence, sur cet échiquier guetté par l’anarchie, l’isolationnisme, l’outrance et même une certaine tentation du mépris.
Autant la sobriété et l’humilité de Biden, dans ce dernier discours à l’ONU, pèseront de leur poids dans la place que lui fera l’Histoire, autant, après lui, l’influence des États-Unis, comme grande puissance, dépendra de l’aptitude du leader de ce pays à une certaine décence, à des rapports de simplicité aux autres. Encore faudrait-il, à quelques voix véhémentes que l’on entend, ici et là dans la campagne présidentielle, comprendre que miser sur l’arrogance et une certaine morgue offre de moins en moins de chances de succès.