La Constitution-Caméléon au Café du Pouvoir
Le Café du Pouvoir – Spécial Constitution-Caméléon
“La Constitution-Caméléon ou l’Art du Mandat Élastique”
Un matin fumant d’encens…
Le Café du Pouvoir a rouvert après trois jours de fermeture “pour cause d’intoxication aux
contradictions”.
Mamady La Puissance Doumbia, tablier bien repassé, nettoie la poussière d’idées avec un chiffon aux couleurs délavées de la République.
À l’intérieur, deux figures acrobatiques se livrent à leur sport favori : la contorsion constitutionnelle.
L’Entrée des Acrobates
Makanéra Kaké arrive en marchant à reculons, chemise déboutonnée, micro à la main :
— « Mes chers compatriotes, une nouvelle ère s’ouvre devant nous ! Et je suis fier de dire que j’ai toujours soutenu cette Constitution, même quand elle n’existait pas encore. »
Mamady lève les yeux :
— « Tu parlais pas de la précédente hier ? Celle de 2010 ? »
— « Je parlais de la précédente version future de celle-ci. Faut suivre l’évolution politique, Mamady ! »
Joachim Baba Millimouno, lunettes posées à l’envers sur le front, entre en trombe avec un rouleau de papier :
— « Voici le texte sacré ! Une œuvre cousue main, taillée sur mesure. Une Constitution moderne, inclusive, et surtout… exclusive. »
L’Évangile du 7 + ∞
Mamady, curieux : — « 7 ans renouvelables, vous trouvez ça raisonnable ? »
Makanéra :
— « C’est symbolique. 7 jours pour créer le monde, 7 ans pour refonder un pays. Ensuite, on recommence. C’est la Genèse version Doumbouya. »
Joachim, en mode télé-évangéliste :
— « Cette Constitution supprime les obstacles ! Adieu Article 46, qui empêchait la candidature du CNRD ! Au revoir l’article 65, on a mieux : “Le Chef sait.” »
Mamady :
— « Et l’article sur l’alternance ? »
Makanéra (sérieux) :
— « Supprimé. Trop déstabilisant. L’alternance, c’est bon pour les pays sans stabilité. Nous, on a Mamadi. »
Le Vieux féticheur entre en scène
Il pousse la porte avec sa calebasse fumante :
— « On m’a dit qu’on joue à déchirer l’histoire ici ? »
Mamady :
— « Vieux père, t’as vu le nouveau texte ? »
— « Oui. Une Constitution qui ne veut pas vieillir et qui refuse de mourir. Comme les sorciers de mon village. »
Il jette une poignée de sel sur Joachim :
— « Pour te protéger de toi-même, mon fils. »
La Confession de Tantie Constitution
Une silhouette entre, habillée de feuilles froissées et d’articles raturés. C’est Tantie Constitution, personnage tragique.
— « On m’a promise à la dignité, ils m’ont livrée à la rature. J’étais censée incarner le peuple, je suis devenue l’ombre d’un décret. »
Makanéra, larmoyant :
— « Mais tu es belle quand même. Regarde comme tu brilles à la télé ! »
Joachim :
— « On va te faire adopter par le peuple. 98 % d’amour forcé. »
Mamady, solennel :
— « Une Constitution qui a besoin d’un griot, d’un contorsionniste et d’un micro, c’est pas un texte, c’est une campagne de pub. »
Le Climax du Mensonge
Joachim tente une justification théorique :
— « En philosophie politique, le pouvoir légitime peut s’auto-prolonger. Rousseau l’a dit, je crois. »
Mamady, frappant la table :
— « Rousseau est mort ! Et même lui aurait vomi ce projet-là. »
Le Vieux féticheur, calmement :
— « Quand le chef écrit lui-même les règles, c’est plus un jeu, c’est un piège. »
Le Café vote Mamady sort une urne en carton avec écrit dessus : “Référendum du Café”.
— « Qui vote pour cette Constitution-caméléon ? »
Silence. Puis Makanéra lève timidement la main.
Joachim applaudit… mais discrètement, pour pouvoir nier plus tard.
Tantie Constitution baisse la tête.
Le Vieux féticheur jette une pièce dans l’urne :
— « Voilà mon vote : Pile je pars, face je fuis. »
Et Mamady conclut…
Mamady, remettant son tablier :
— « Une Constitution, c’est pas un tapis qu’on retourne à chaque chef. C’est la boussole du
peuple. Quand elle devient camouflage, elle finit en corde pour nous pendre tous. »
Et il affiche sur le mur :
“Ici, on ne sert pas l’éternité en tasse.”
À suivre…
Alpha Issagha Diallo
Citoyen vacciné contre les Constitutions jetables.
Auditeur libre du grand théâtre des transitions perpétuelles.
