La Dame de Maleyah: Une autre merveille Guinéenne
Perchée majestueusement au nord-est de la montagne qui entoure le village, la Dame de Maleyah (Préfecture de Siguiri), scrute imperturbablement l’horizon lointain. Cette curiosité qui a traversé des siècles avec ses mystères mérite d’être connue et magnifiée comme une merveille Guinéenne.
Ce buste, une curiosité géologique sculptée dans ce relief doléritique montagneux, est un don de la nature. Il ressemble à s’y méprendre à une dame figée dans la montagne, avec laquelle il fait corps dans un panorama très éclatant. À une époque très lointaine et durant de longues années sinon siècles, il a été apostrophé du nom de « Temedy kounady » dans le vieux dialonké parlé jadis par les populations de la contrée. Bien plus tard correspondant à une autre période de l’histoire, on l’appela « Temene kudedy » une déformation du nom dialonke dans la langue Malinké parlée depuis par les populations du Megnee.
La dame de Maleyah nichée en haut de cette montagne où elle semble être depuis l’aube des temps et probablement pour toujours, veille imperturbablement sur la sous-préfecture, ses villages environnants et sur ses habitants. De ce promontoire, en effet, elle laisse le sentiment de jalousement prendre soin comme une sentinelle sur la terre bénie de Megnée. Concernant ce buste, plusieurs légendes sont avancées, dont la plus communément admise est celle selon laquelle elle serait la métamorphose d’une méchante femme de la contrée victime de sa haineuse jalousie.
En effet une étrangère, de passage jadis à Maleyah, trouva au marigot derrière le village, une femme entrain de laver les graines de néré (utilisé pour agrémenter les sauces) à qui elle demanda quelques poignets pour son usage personnel. La femme malgré toutes les supplications de l’étrangère refusa d’accéder à la sollicitude. Humiliée par ce refus elle s’en alla mais non sans avoir auparavant menacé la femme sous forme de boutade « tu repousseras point dorénavant les demandes d’étrangers de passage dans le Megnée. »
La légende raconte que dès après son départ des lieux, un vent violent, une bourrasque, un tourbillon déferla de la montagne pour s’abattre sur le marigot. La femme fut emportée sur les crêtes ou elle fut immédiatement métamorphosée en buste et figée dans le relief montagneux. Les habitants du village alertés par la survenue de cet événement extraordinaire, se mirent aussitôt à la recherche de l’étrangère déjà très loin du marigot. De celle-ci on ne trouva ni traces ni ombres. Ils n’avaient finalement que les yeux pour constater le fait accompli.
Depuis, à Maleyah et dans tout le Megnée, l’étranger fut accueilli avec respect et chaleur par les habitants. Ils sillonnaient désormais le territoire du Megnée rassurés de bénéficier partout dans cette contrée d’une chaude et fraternelle hospitalité à nulle autre pareille dans le Manden. Hantés par la crainte de voir s’abattre le mauvais sort de Temene kudedy sur quiconque enfreindrait aux traditions d’hospitalité, les habitants réservaient dorénavant un accueil chaleureux à tous les étrangers et visiteurs dans le Megnée. C’est donc pour échapper à cette malédiction, les habitants de Megnée, depuis et pendant longtemps, ont fait de l’étranger un sacré personnage accueilli avec chaleur, logé et soigné au mieux de leurs moyens. Cette attitude hospitalière resta profondément ancrée dans leurs mœurs et devint presque leur ADN.
Pour ma part, j’ai souvenance de cette attitude qui a longtemps prévalu dans le Megnée d’antan jusqu’à ma majorité et ce jusqu’à mon départ de Maleyah au milieu des années 1960 pour Conakry. Cette grande hospitalité dont celle de mes parents, je l’ai subie comme de nombreux garçons de mon âge dans la chaire. En effet pendant toute mon enfance à Maleyah et bien plus tard, j’ai vu mes parents et ceux des amis de ma génération accueillir, héberger et nourrir avec beaucoup de ferveur et de générosité, souvent au détriment des membres de leurs propres familles, des étrangers en toutes saisons.
Ces visiteurs qui arrivaient à l’improviste généralement à la nuit tombante, bénéficient de plats copieux, de riz garnis de gros morceaux de poulet spécialement concoctés à leur intention dont ils se régalaient toujours avec beaucoup de délectation. Si pour les adultes, ce traitement de faveur accordé aux étrangers était l’expression de crainte de subir la malédiction de la méchante femme, pour les enfants, que nous étions, il était simplement frustrant car leur présence nous privait des copieux repas qui leur étaient spécialement réservés. Ces sacrifices, ces privations furent ainsi acceptés pendant longtemps comme l’unique moyen d’échapper à la malédiction de Temene Kudedy le buste devenu au fil des années la mystérieuse merveille de Maleyah.
Avec le recul, je pus affirmer que la croyance en cette malédiction est totalement oubliée aujourd’hui. Cependant l’étranger dans le Megnée comme partout dans la Préfecture de Siguiri reste toujours bien accueilli, choyé par les populations.
Ces populations désormais débarrassées de ces croyances d’un autre âge, qui a longtemps marqué leurs comportements, sont désormais admiratives de ce don de la nature.
Temene Kudedy, une véritable curiosité géologique, un cadeau atemporel mérite d’être connue et magnifiée tant par les habitants de Maleyah et de ses environs que par toute la Guinée comme une autre merveille du Megnée.
L’ambassadeur Djigui Camara
Ancien Ministre de la Coopération internationale