Contre La sansure

La démocratie bat de l’aile en Afrique francophone

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Trente-cinq ans après le discours de la Baule, qui sonna le glas au monopartisme en Afrique francophone, le bilan de la démocratie multipartite, que le président François Mitterrand avait appelé de tous ses vœux, reste mitigé. Voire négatif. Ce discours, qui avait secoué plus d’un palais présidentiel d’Afrique francophone, est intervenu au même moment que l’effondrement du mur de Barlin consécutif au Glasnost et à la Perestroïka instaurés par un certain Michael Gorbatchev.

Mitterrand aura été pour les partis uniques d’Afrique francophone ce que Gorbatchev a été pour les partis communistes d’Europe de l’Est. A travers les fameuses conférences nationales souveraines, ce discours avait mis fin au monopartisme sur l’ensemble de l’espace francophone. Ce fut une nouvelle ère : celle de l’espoir de voir enfin une Afrique où c’est le dirigé qui choisit le dirigeant. Mais c’était trop beau pour être vrai. Dès après le départ de François Mitterrand de l’Elysée en 1995, son successeur, Jacques Chirac, remit les pendules à l’heure. Rassurant ses amis africains par un nouveau slogan à la fois ambiguë et subtile selon lequel la France appliquera une politique dite de « Ni ingérence ni indifférence ».

Dans la foulée, le professeur Pascal Lissouba, élu président de la République du Congo Brazzaville après la conférence nationale, clame et proclame « le pétrole congolais aux Congolais ». Une petite phrase qui a failli lui faire subir le même sort que Patrice Lumumba. Sassou, l’ami de la France, revient aux affaires. Depuis, la démocratie bat de l’aile dans l’espace francophone. Comme l’atteste l’actualité dans quatre pays ces derniers temps.

Tout d’abord le Cameroun. Avec le plus vieux chef d’Etat au monde, tant en termes d’âge qu’en termes de nombre d’année de règne, le Cameroun vient de manquer une opportunité historique : celle d’une alternance en douceur. Le nouveau mandat du sortant, qui ne sortira que pour le cimetière, prendra fin quand ce dernier aura 99 ans. Ce sera inédit. Les Camerounais en souffrent dans leur chair. Mais le vieux est soutenu par un système de l’intérieur et une puissance de l’extérieur. Le deuxième pays est la Côte D’Ivoire. Au moment où dans d’autres pays le troisième mandat est devenu un délit, Alassane Ouattara vient d’entamer le quatrième. Pour justifier son troisième mandat, lui et ses beaux-parents de l’Hexagone avaient soutenu que c’était à cause des décès successifs de ses dauphins.

Cette fois les potentiels dauphins semblent avoir compris que vouloir occuper le fauteuil présidentiel est plus que risqué. Au sein du RHDP, aucun candidat n’a levé un petit doigt. Mais M. Ouattara ne s’est pas contenté d’écarter les candidats de son parti. Il est allé plus loin en faisant subir à Tijane Thiam c’est que lui-même avait subi autrefois. Même si cette fois on a pas parlé de l’Ivoirité, il n’existe aucune différence entre les méthodes du duo Bédié-Gueye et celle de Ouattara. Le bilan que ses partisans vantent n’était pas suffisant pour garantir sa réélection. Il fallait éliminer Gbagbo et Thiam et faire face à des candidats taillés sur mesure pour pouvoir rester au palais.

Le quatrième mandat et le refus d’aller en compétition avec deux concurrents constituent une fuite en avant. Près de la moitié des citoyens ivoiriens ne se reconnaissent pas dans la résidentielle du 26 octobre. Devant ce tableau plutôt sombre affiché par le Cameroun et la Côte d’Ivoire, deux autres pays francophones devaient rééquilibrer la balance : le Sénégal et le Bénin. Malheureusement, ces deux pays, qui constituent l’exception qui confirme la règle, sont guettés par les vieux démons.

Dans le premier, le président Macky Sall avait ignoré les appels des démagogues l’invitant à tordre le cou à la Constitution pour se présenter à un troisième mandat. Cet honneur et cette exception sénégalaise devaient mettre l’homme à l’abri de la chasse aux sorcières à laquelle il fait face actuellement. Certains caciques du nouveau pouvoir réclament sa tête à cause de la polémique dite « de dette cachée » qui défraie la chronique dans le pays de la Téranga. C’est à se demander si l’ancien président ne regrette pas d’avoir cédé le pouvoir.

Macky Sall avait ignoré les appels des démagogues l’invitant à tordre le cou à la Constitution pour se présenter à un troisième mandat

 

Dans le deuxième pays, qui est le Bénin, le président Patrice Talon a agréablement surpris le monde en déclarant qu’il n’est pas le seul Béninois et qu’il faut passer la main à un autre. Malheureusement, ici aussi, comme en Côte d’Ivoire, le principal opposant au régime a été empêché de se présenter à la prochaine présidentielle. Le régime jure par tous les saints qu’il n’est pour rien dans cette affaire. Mais le plus crédule des Africains doute de sa sincérité. En Afrique francophone le Sénégal et le Bénin sont les borgnes au royaume des aveugles. Vontils soigner leurs yeux pour recouvrer la vue entière ou vont-ils sombrer dans la cécité ? A eux de choisir.

Habib Yembering Diallo

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