Contre La sansure

La Guinée ne meurt pas de corruption, elle meurt de notre silence (Par Elhadji Aziz Bah)

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« Le seul triomphe du mal, c’est l’inaction des hommes de bien. » Edmund Burke l’a dit, mais en Guinée, nous l’avons érigé en doctrine nationale.

Regardons-nous en face : nous ne sommes pas gouvernés par des corrompus. Nous sommes dirigés par des entrepreneurs du chaos que nous applaudissons à chaque discours creux. Le vrai scandale n’est pas qu’ils volent, c’est que nous leur tenons la lampe torche.

L’élite dirigeante ? Des prestidigitateurs qui transforment nos ressources en villas à Dubaï pendant que nous débattons de leur « vision ». Ils promettent la rupture et nous livrent la routine. Mais avouons-le : nous aimons le spectacle. Chaque remaniement ministériel est notre série Netflix préférée, même si l’épisode est toujours le même depuis 1958.

Les opposants ? Ah, ces tragédiens magnifiques ! Ils crient à l’injustice le lundi, dînent avec le pouvoir le mardi, et appellent à la mobilisation le mercredi, depuis leur canapé à Paris. Comme disait Camus, « L’homme absurde est celui qui ne change jamais. » Nos opposants ont fait de l’absurdité une carrière lucrative. Leur slogan ? « Alternance aujourd’hui, complaisance demain. »

L’élite intellectuelle ? ces doctorants de la théorie, analphabètes de l’action. Ils décortiquent Marx et Fanon dans les colloques climatisés, mais disparaissent quand vient l’heure de marcher sous le soleil de Conakry. Ils ont des diplômes plein les tiroirs et du silence plein la bouche. « L’intellectuel est celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas », disait Sartre. Les nôtres se mêlent surtout de ne rien dire qui pourrait compromettre leur prochain poste de figurant.

Les religieux ? Ils prêchent la justice divine mais bénissent les injustices terrestres pour un 4×4 flambant neuf. « Rendez à César ce qui est à César », ils ont compris : ils rendent tout à César, même notre dignité, pourvu que César rende un chèque.

Et nous, les jeunes ? La génération TikTok-et-tais-toi. Nous sommes 50 000 à aimer une publication contre la corruption, mais 12 à manifester. Nous maîtrisons l’indignation par procuration : un hashtag le matin, l’amnésie le soir. Nous voulons le changement, mais sans changer nos habitudes. Nous dénonçons la corruption tout en payant 20 000 francs pour éviter une contravention légitime.

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre », avertissait Benjamin Franklin. Nous, nous sacrifions notre liberté pour un peu de wifi.

La vérité nue : La Guinée ne souffre pas d’un déficit de richesses, mais d’un excès de complicité. Chaque fois que nous acceptons l’inacceptable, nous signons un contrat avec le diable. Chaque haussement d’épaules est un vote pour le statu quo.

Alors cessons de pleurer sur notre sort. Nous ne sommes pas victimes, nous sommes coauteurs de cette tragédie nationale. Le jour où notre indignation durera plus longtemps qu’un post Facebook, ce jour-là, ils trembleront enfin.

Mais pas avant.

A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.

Elhadj Aziz Bah
Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.

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