LA HAC FRANCHIT LA LIGNE ROUGE : UN RÉGULATEUR QUI S’ÉRIGE EN POLICE DE LA PENSÉE
La dernière décision de la Haute Autorité de la Communication suspendant le journaliste Boubacar Koyla Diallo n’est pas seulement une dérive administrative. C’est une faute grave contre l’esprit du journalisme, contre le droit à l’information et contre la vocation même d’un régulateur censé protéger la pluralité et non de l’étouffer.
À la lecture de cette suspension aux allures d’ordonnance disciplinaire, une évidence saute aux yeux : la HAC ne reproche pas au journaliste ses manquements, mais les opinions de ses invités. Cette confusion révèle une volonté assumée de contrôler le débat public en période électorale, d’exclure toute voix non alignée et d’imposer un silence politique.
Nous ne sommes plus dans la régulation, nous sommes dans la punition collective, dans l’intimidation et dans la terreur administrative. C’est lâche et institutionnellement honteux.
Soyons clairs : la HAC ne cherche pas la neutralité, elle cherche le silence. La décision est explicite : « les intervenants ont manqué de neutralité ». Autrement dit, la faute serait dans les propos de tiers, non dans le travail du journaliste.
Depuis quand un présentateur est-il responsable des convictions de ses invités ? Depuis quand la diversité d’opinions constitue-t-elle un délit médiatique ?
La HAC n’est plus un régulateur. Elle ne protège ni la presse, ni le public, ni la démocratie. Elle protège un agenda politique : celui d’un pouvoir autoritaire qui redoute toute parole susceptible d’exposer ses dérives.
Pourtant, dans tout État prétendument démocratique, le débat politique repose sur la liberté des citoyens à exprimer leurs analyses et leurs préférences. Une émission politique est précisément l’espace où les opinions doivent se confronter, pas un lieu de sermons aseptisés où le régulateur dicte les angles, les tons et désormais les pensées.
En sanctionnant un journaliste pour des propos qu’il n’a pas tenus, la HAC renonce à sa mission, piétine sa raison d’être, trahit la presse guinéenne et criminalise l’opinion par soumission au pouvoir de la junte.
Boubacar Yacine Diallo et ses collègues doivent se rappeler que la neutralité journalistique n’est pas le silence imposé aux invités. La déontologie exige du journaliste qu’il équilibre, contextualise, modère. Elle ne lui demande pas de museler les participants ni de transformer un débat politique en exercice d’homogénéisation forcée.

Ce que la HAC qualifie de “manque de neutralité” n’est que l’expression normale du pluralisme. On ne peut pas exiger des médias qu’ils couvrent une campagne électorale tout en leur reprochant que les acteurs débattent contradictoirement.
Dans toute cette décision, aucun élément ne prouve que le journaliste a favorisé un camp, orienté le débat ou adopté un parti pris. La sanction repose sur du vide, de l’arbitraire et une inquiétante incompétence professionnelle.
En période électorale, la mission de la HAC est d’assurer l’équilibre du traitement médiatique, non d’imposer un consensus fabriqué. À force de transformer la neutralité en police des opinions, l’institution se met à juger non les pratiques professionnelles, mais la teneur idéologique des discours.
C’est l’inverse de son mandat pourtant expiré depuis août 2025. C’est l’inverse de la liberté de la presse. C’est l’inverse de la démocratie.
Dans un pays où les médias ont déjà subi pressions, intimidations et fermetures arbitraires, il est alarmant que l’organe censé défendre la liberté devienne l’outil de sa destruction.
La HAC cite une longue liste de textes pour déguiser la décision en acte légal. Mais aucune de ces références n’autorise la suspension d’un journaliste pour l’opinion d’un invité. Le droit est invoqué comme décor, non comme fondement.
La loi L/2020/0010/AN est pourtant claire : les sanctions sont l’avertissement, le blâme, la suspension pour une durée déterminée, l’amende ou le retrait temporaire d’autorisation. La loi ne prévoit aucune sanction indéfinie.
Toute suspension doit mentionner une durée précise, un motif clair, un fondement légal. La formule « jusqu’à nouvel ordre » viole le principe de légalité, de proportionnalité, de sécurité juridique et ouvre la voie à l’arbitraire.
En droit, une sanction illimitée = une sanction illégale.
La HAC agit donc comme un bras administratif du CNRD, chargé de contrôler le récit public au moment où Mamadi Doumbouya est confronté à ses contradictions, à ses manquements, à ses violations de la loi et aux graves atteintes aux droits humains.
Il faut rappeler à la HAC que l’information n’appartient ni aux régulateurs ni aux autorités. Elle appartient au public. En sanctionnant un journaliste pour des opinions exprimées dans un débat politique, elle envoie un avertissement à toute la corporation déjà à l’agonie : « parlez, mais seulement dans le cadre que nous vous traçons ».
Et c’est bien fait pour une presse devenue complice par lâcheté et par calcul d’intérêts égoïstes. Quand la HAC a frappé Babila Keita, Abdoul Latif et Habib Marouane à la demande du CNRD, personne n’a bronché. Pire, beaucoup ont préféré s’aligner pour préserver leurs petits privilèges.
À ce rythme, la HAC finira par rédiger l’oraison funèbre de la liberté de la presse, et la faire lire par les journalistes eux-mêmes.
Par Anonymous 1er, citoyen indigné qui se réveille dans la presqu’île de Kaloum.
