La transition en transition
Les choses de la transition ont été difficiles à comptabiliser au cours des dernières semaines. Non pas qu’elles aient été moins riches en événements, loin s’en faut puisque le processus de transition a connu un développement majeur qui a consisté en un accord de principe entre la CEDEAO et le CNRD sur la durée de la transition.
Les experts de la CEDEAO et les autorités de la transition ont en effet convenu, fin octobre, d’une durée de 24 mois pour l’ensemble des activités du processus de transition. La chose a pourtant été diversement appréciée en raison notamment de la question cruciale du point de départ des 24 mois.
Par un communiqué de clarification, l’organisation sous-régionale a vite fait d’indiquer, que l’accord trouvé avec les autorités de la transition devra d’abord être validée par la conférence des chefs d’Etat de ladite organisation avec la précision du point de départ du chronogramme. Certes le pays est dirigé par un régime d’exception depuis le 5 septembre 2021 et beaucoup voudraient que le temps déjà couru depuis soit décompté des 24 mois, mais tout porte à croire que la junte militaire au pouvoir mise grandement sur un coup d’envoi à partir de janvier 2023.
La classe politique guinéenne, notamment le « Quatuor », une entente des quatre principales coalitions de partis politiques (dont l’ANAD, la CORED et le FNDC politique) n’a pas vraiment eu son mot à dire car, comme court-circuitée par la CEDEAO, elle a d’abord semblé se résoudre au fait accompli.
En attendant que la CEDEAO annonce la couleur des 24 mois de la transition guinéenne, le Quatuor a repris du souffle avec l’appel du pied que le Premier Ministre Bernard Goumou lui a fait pour participer à un dialogue franc et sincère. Si une rencontre a bien eu lieu, elle est bien loin d’avoir atteint les résultats escomptés de parts et d’autres, les conditions posées par le Quotor semblent nettement au-dessus des efforts de bonne volonté auxquelles le CNRD pourrait consentir.
En marge des efforts de règlement structurel des affaires de la transition, Alphonse Charles Wright, Ministre de la Justice, a requis le procureur général aux fins de poursuite judiciaire contre un nombre incalculable d’anciens cadres du pouvoir déchu d’Alpha Condé pour des faits de corruption et de blanchiments de biens publics. Cerise sur le gâteau, l’ancien président est également poursuivi pour des « faits présumés de corruption, enrichissement illicite, blanchiment d’argent, faux et usage de faux en écriture publique, détournement de deniers publics et complicité ».
L’ouverture le 28 septembre 2022 du procès dit du massacre du 28 septembre est l’arbre qui a caché la forêt de la transition au point de reléguer au second plan toute autre actualité dans le pays. Les personnalités haut en couleur des premiers accusés à la barre, en l’occurrence Marcel Guilavogui, Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba, et Cécé Raphael Haba, ont bruyamment retenti dans la cité.
Les trois précités ont complètement dominé les débats, soit par l’atypisme de leurs déclarations, soit par la révélation de leurs réelles personnalités.
Retransmis directement à la télé, le procès a permis à des millions de Guinéens de découvrir des échanges déroutants entre avocats et accusés au point que plus personne ne compte rater « un seul épisode du procès ». Les avocats, procureurs et accusés sont notés et classés par les spectateurs et les passages les plus croustillants font quotidiennement le bonheur des internautes sur les réseaux sociaux.
Pendant que le procès se poursuit, le colonel et son gouvernement vivent des jours plutôt tranquilles à l’abris d’une crise politique qui couve néanmoins.
Quoiqu’on dise, quoiqu’on pense, le CNRD a réussi, expressément ou incidemment, la prouesse de diriger l’attention du peuple ailleurs que dans les affaires de la transition. Pour le moment en tout cas, pourvu que ça dure !
Par Titi Sidibé et Mory Camara