Contre La sansure

Le général face à l’histoire !

0

Ce qui était un secret de polichinelle est devenu officiel ce lundi 3 novembre 2025. Le général Mamadi Doumbouya a déposé sa candidature pour l’élection présidentielle prévue le 28 décembre 2025.

Dans une allocution tenue lors de sa prise de pouvoir, quatre ans plus tôt (le 21 septembre 2021), il affirmait que ni lui, ni aucun membre du gouvernement de la transition ne serait candidat à un quelconque scrutin électoral.

Quatre années sont passées durant lesquelles toutes les voix d’opposition se sont éteintes. Plusieurs radios privées ont été fermées, les leaders du Front national pour la défense de la Constitution sont en prison, et les principaux leaders (poids lourds) de l’opposition sont en exil. Une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum, ce qui permet au général de légalement compétir au scrutin présidentiel.

La voie semble donc toute tracée pour lui permettre d’être candidat et, sans doute, d’être élu président de la République.

Ce désaveu du serment, ajouté à tout ce qui a été évoqué ci-haut, alourdit sérieusement le passif du général.

Mais, malgré tout, il fait face à l’histoire. Il a le choix entre :

– Marquer de manière indélébile son nom dans les livres d’histoire de la Guinée, en suivant le prisme de ses devanciers tels que John Jerry Rawlings au Ghana, Paul Kagamé au Rwanda, Thomas Sankara au Burkina Faso ou encore Nelson Mandela en Afrique du Sud.

– Ou faire partie de l’histoire sombre de la Guinée, comme l’ont été Hissène Habré au Tchad, Charles Taylor au Liberia, ou encore Joseph Kabila en République démocratique du Congo.

Le général Mamadi Doumbouya arrive au moment où la Guinée est plus que jamais malade. Les indicateurs socio-économiques demeurent faibles. Selon des données du FMI, avec une population de 15,4 millions d’habitants et un PIB de 25,6 milliards USD en 2024, la Guinée se situe au bas du classement de l’IDH, occupant le 179ᵉ rang sur 193 pays en 2023. Plus de 40 % des Guinéens vivent en dessous du seuil national de pauvreté, estimé à 1,4 €/personne en 2019.

Une économie informelle représente plus de la moitié (57,8 % du PIB en 2022) et 95,6 % des emplois en 2019. En 2023, l’espérance de vie à la naissance était de 60,7 ans. La proportion de ménages ayant accès à l’électricité et à l’eau se situe respectivement à 47,7 % et 71 %. Le taux d’alphabétisation (15 ans et plus) s’établit à 45 % en 2021.

Cependant, malgré la faiblesse de ses agrégats économiques, la Guinée présente de nombreux atouts : une façade maritime, un important potentiel hydrologique et agricole, des frontières partagées avec six pays et un sous-sol très riche en minerais (bauxite : 1ʳᵉ réserve mondiale avec 25 % du stock et 2ᵉ producteur mondial), 4 milliards de tonnes de réserves de fer, 700 tonnes d’or et 30 à 40 millions de carats de réserves prouvées de diamants.

Le général, futur président de la République, accompagné par son gouvernement, devrait également s’appuyer sur une conjoncture économique favorable. Toujours selon les données du FMI, après 6,2 % en 2023, la croissance économique a atteint 6,1 % en 2024, portée par le secteur minier, notamment la hausse de la production d’or et de bauxite, ainsi que par les investissements liés au lancement du projet de la mine de fer de Simandou. La croissance devrait accélérer dès 2025 pour se situer à 7,1 %, puis s’établir à plus de 10 % en moyenne sur 2026-2029.

Cette conjoncture favorable devrait suffire à réorienter les investisseurs nationaux et internationaux vers la Guinée. Charge au général de regagner leur confiance et leur croyance pour un retour des capitaux. Il devra asseoir une paix durable, car la paix est un gage de stabilité.

La stabilité permet l’investissement. Un investissement massif, couplé à une maîtrise des dépenses publiques, est un gage d’accroissement de la richesse. Il faudra encourager et favoriser la production locale, moteur de l’autosuffisance alimentaire.

Ainsi, la voie est toute tracée pour le général. Sur son chemin, tous les voyants sont au vert. Les clés du camion sont entre ses mains. À lui de décider désormais sur quel chemin il souhaite conduire la Guinée : l’élever au rang des grandes puissances d’Afrique ou continuer à creuser le fossé de la pauvreté pour l’enfoncer davantage dans le rang des pays les plus pauvres du monde.

En tout état de cause, le peuple de Guinée sera arbitre et l’histoire jugera…

Thierno Souleymane Diallo
Doctorant-chercheur, Université de Toulon, Laboratoire LEAD (École doctorale 509)

Source: https://www.visionguinee.info/le-general-face-a-lhistoire/

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

× Comment puis-je vous aider ?