Contre La sansure

« Le seul bonheur que la vie m’a donné, elle me l’a repris de manière brutale »

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La femme de Pato et sa fille de cinq ans sont mortes dans le désert tunisien l’année dernière, lors de leur sixième tentative d’émigration vers l’Europe.

Il y a plus de sept ans, Mbengue Nyimbilo Crepin, également connu sous le nom de Pato, a fui le Cameroun après que sa sœur a été tuée et sa maison incendiée pour avoir refusé de rejoindre l’armée.

Il a d’abord gagné le Nigeria, puis la Libye, où il a vécu pendant sept ans. C’est là qu’il a rencontré sa femme, Fati, et qu’ils ont eu une fille, Marie.

Entre 2016 et 2022, la famille a tenté à cinq reprises, sans succès, de traverser la Méditerranée pour se rendre en Italie, à la recherche de meilleures possibilités d’éducation pour Marie.

Le 13 juillet 2023, ils ont tenté de quitter la Libye une sixième fois, en franchissant la frontière tunisienne. Mais Pato affirme que les autorités tunisiennes les ont repoussés dans le désert.

Le 15 juillet, ils ont de nouveau franchi la frontière pour obtenir une aide médicale, mais ils ont été repoussés dans le désert par la police.

« La mort vient lentement vers vous », dit-il en décrivant les conditions de vie dans le désert.

Ils n’avaient ni nourriture, ni eau, ni boussole, par une chaleur de 40°C.

Luttant pour sa survie et pensant qu’il allait mourir, Pato est resté sur place, pensant que sa femme et sa fille auraient plus de chances d’arriver à bon port sans lui.

« La chaleur vous étouffe. Vous êtes terrassés par la soif. On vous prive de votre force physique. »

« La seule chose que vous souhaitez, c’est que la mort arrive rapidement. Mais elle est si lente qu’on a l’impression d’être mangé par les charognards. C’est la pire douleur que j’ai connue dans ma vie », dit-il.

« La mort s’approche lentement »

Après avoir passé une journée dans le désert, Pato a été secouru par d’autres migrants. Il est retourné à Tripoli à la recherche de sa famille. Quelques jours plus tard, un ami lui a montré sur les médias sociaux des photos de deux corps sans vie gisant dans le désert. Il a immédiatement reconnu les vêtements de sa fille et de sa femme.

Pato a continué à essayer de gagner l’Europe, et a finalement atteint l’Italie par la Méditerranée.

Il est désormais titulaire d’un permis de séjour temporaire et attend l’asile. Il a appris à souder et attend le début de l’année scolaire pour prendre des cours de langue. Il dit qu’il veut avoir une vie normale.

« C’est un sentiment de douleur, je ressens de la douleur à l’intérieur de moi. Et je me reproche parfois de ne pas avoir été là pendant qu’elles souffraient. Je suis en colère contre la vie « , dit-il.

Crise migratoire

Des migrants
Crédit photo, Getty Images. Un grand groupe de migrants, dont des enfants et des femmes enceintes, disent avoir été abandonnés dans le désert.

 

Le nombre d’Africains se rendant en Afrique du Nord dans l’espoir d’émigrer en Europe est en augmentation.

En 2023, le HCR a enregistré 209 % de réfugiés supplémentaires en Tunisie par rapport à 2020.

Nombre d’entre eux fuient la dégradation des conditions de sécurité dans leur pays d’origine.

Selon un rapport conjoint publié en 2024 par l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Centre mixte pour les migrations (CMM), près de cinq millions de personnes ont été déplacées par de nouveaux conflits au Sahel.

À ce chiffre s’ajoute le conflit au Soudan qui a éclaté en avril 2023. Selon les partenaires humanitaires du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, plus de 10 millions de Soudanais ont fui leur foyer, dont plus de 5 millions d’enfants, et plus de 2 millions de personnes sont passées dans les pays voisins.

« Sur terre, nous constatons des déplacements à grande échelle résultant de deux crises, au Sahel, la guerre au Mali et au Burkina Faso, et de l’autre côté de l’Afrique, la guerre au Soudan », déclare Vincent Cochetel, envoyé spécial du HCR pour la situation en Méditerranée occidentale et centrale.

Le HCR indique que des personnes fuient également les sécheresses et les inondations provoquées par le changement climatique à l’est et dans la Corne de l’Afrique.

Mais malgré les risques élevés de la traversée du désert, l’attrait du marché du travail informel de la Libye et sa situation géographique proche de l’Europe continuent d’attirer des milliers de personnes espérant la sécurité, le travail, l’éducation ou le regroupement familial.

Des centaines de migrants attendent dans un centre de rapatriement avant d'être envoyés à Tripoli.
Crédit photo, Getty Images. Des centaines de migrants attendent dans un centre de rapatriement avant d’être envoyés à Tripoli.

La route vers la Libye

L’itinéraire emprunté par la plupart des migrants vers la Libye commence au Burkina Faso ou au Mali. De là, ils passent au Niger, avant d’entrer en Libye soit directement par la frontière sud, soit par l’Algérie.

Les passeurs qui traversent le Niger n’emmènent les migrants que jusqu’à la frontière libyenne. Une fois les migrants passés, un autre groupe de trafiquants les prend en charge et les maintient souvent dans le sud du pays pendant de longues périodes.

Nombre d’entre eux sont exploités dans le sud de la Libye par le biais du travail forcé et de l’exploitation sexuelle pour de nombreuses femmes », explique Vincent Cochetel du HCR.

Vincent Cochetel affirme que les opportunités économiques sont plus nombreuses pour ceux qui traversent la Libye que dans la Tunisie voisine, où il y a eu un retour de bâton contre les migrants. Mais il y a aussi des dangers.

« Parfois, ils sont rançonnés par des trafiquants qui publient des vidéos sur les réseaux sociaux pour contraindre les familles à envoyer de l’argent », explique-t-il.

L’organisation de défense des droits Amnesty International a recueilli des informations sur les abus commis par des groupes armés et les forces de sécurité libyennes à l’encontre des migrants.

« Il s’agit notamment de détentions arbitraires, de disparitions forcées et de tortures », explique Olivia Sundberg Diez, porte-parole d’Amnesty International pour l’UE en matière de migration et d’asile.

Le pape François rencontre Mbengue Nyimbilo Crepin
Crédit photo, Getty Images. Le pape François rencontre Mbengue Nyimbilo Crepin (connu sous le nom de Pato), qui a perdu sa femme Matyla et son enfant Marie dans le désert entre la Libye et la Tunisie en juillet dernier.

La mort dans le désert

Selon l’organisme indépendant de données et de recherche, Mixed Migration Platform (MMP), plus de migrants meurent en traversant la Méditerranée qu’en traversant le Sahara.

Lire la suite… https://www.bbc.com/afrique/articles/cx2xl2epdg2o

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