L’exclusion des grands partis en Guinée, un déni démocratique aux conséquences néfastes (Par Kèfina Diakité)
L’actualité politique en Guinée est marquée par un processus électoral de transition qui, loin de rassurer quant à un retour apaisé à l’ordre constitutionnel, soulève de vives inquiétudes.
La décision de la junte au pouvoir d’écarter de la course présidentielle les figures et les grandes formations politiques traditionnelles constitue non seulement un déni flagrant des principes démocratiques, mais aussi un pari dangereux pour la stabilité future du pays.
La situation des partis exclus : une stratégie d’affaiblissement
La transition guinéenne a été émaillée de mesures visant à museler ou à neutraliser l’opposition et la société civile. Les grands partis, souvent porteurs des aspirations de larges segments de la population, se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité et de blocage :
-. Suspensions et blocages administratifs :des formations majeures comme l’UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée) et le RPG Arc-en-ciel (Rassemblement du Peuple de Guinée, ancien parti au pouvoir) ont fait l’objet de suspensions temporaires ou de restrictions administratives, souvent sous des prétextes jugés discutables (comme le défaut d’autorisation ou la non-régularisation de la situation).
-. Contestation du processus :ces partis dénoncent en chœur le manque de transparence, le manque d’équité, et les obstacles juridiques ou financiers (caution très onéreuse) qui jalonnent le processus électoral, allant jusqu’à évoquer une manœuvre délibérée pour écarter les candidats crédibles et faciliter la voie à un maintien au pouvoir de la junte ou de ses alliés.
-. Détention et exil :certains dirigeants et militants de l’opposition font face à l’exil ou à des poursuites judiciaires, limitant sévèrement leur capacité à organiser et à mobiliser leurs bases. L’ONU et d’autres organisations internationales ont d’ailleurs réclamé la levée des interdictions visant ces partis.
En conséquence, la présidentielle se déroule avec des candidats majoritairement peu connus du grand public ou sans réelle base politique nationale structurée pour rivaliser avec la machine d’État.
Les conséquences néfastes de l’exclusion
L’exclusion des principaux acteurs politiques guinéens de l’élection présidentielle est lourde de menaces et hypothèque gravement la crédibilité du scrutin et la paix sociale :
1.- Une légitimité populaire diluée
L’élection, privée de la participation des figures qui polarisent traditionnellement la vie politique (et donc l’électorat), risque de se solder par un faible taux de participation ou, du moins, par un scrutin dont les résultats seront largement contestés. Un président élu dans de telles conditions verra sa légitimité nationale et internationale affaiblie, ce qui rendra la gouvernance future particulièrement difficile.
2.- Aggravation des tensions et de l’instabilité
Le vide politique créé par l’absence d’un espace d’expression démocratique et pacifique pour les forces d’opposition est un terreau fertile pour l’exacerbation des tensions. Les frustrations populaires, ne trouvant plus de relais politique institutionnel, risquent de se manifester par de nouvelles vagues de contestation sociale et de violence, augmentant le risque d’une nouvelle crise majeure.
3.- Un recul démocratique et institutionnel
En verrouillant le processus électoral, la junte envoie un signal très négatif : celui de la volonté de s’accrocher au pouvoir en reproduisant les dérives autoritaires qui avaient conduit au renversement du régime précédent. Cela rompt avec l’esprit de la transition censée restaurer un ordre constitutionnel juste et inclusif, et jette un doute sur la sincérité de l’engagement des autorités militaires envers la démocratie.
4.- Isolement international et sanctions
La communauté internationale (CEDEAO, Union Africaine, ONU, etc.) suit la situation avec une préoccupation croissante. Une élection non-inclusive et non-crédible pourrait entraîner un isolement diplomatique accru de la Guinée, le durcissement des sanctions et le gel de l’aide au développement, impactant directement une population déjà fragilisée.
Conclusion : un appel à la correction
Pour la Guinée, le chemin de la stabilité et du progrès passe nécessairement par l’inclusion et le dialogue sincère. L’exclusion des grands partis est une erreur stratégique qui compromet l’avenir du pays.
Il est impératif que les autorités de transition :
-. Révisent les conditions de participation pour garantir une élection véritablement ouverte et concurrentielle.
-. Lèvent les interdictions et les restrictions qui pèsent sur les acteurs politiques et la société civile.
-. Acceptent une médiation impartiale pour rétablir la confiance et créer un consensus minimum autour du processus électoral.
Toute tentative d’imposer un résultat par la force ou la manœuvre politique ne fera qu’engendrer une instabilité chronique. L’heure est à la sagesse et à la responsabilité pour éviter à la Guinée une nouvelle période de troubles.
