Mamadi Doumbouya aux Nations-Unies: entre les lignes du discours se glissent des contradictions
Dans l’après-midi de ce jeudi 21 septembre 2023, à 15h temps universel précisément, le colonel Mamadi Doumbouya a fait son entrée dans l’arène de la 78ème Assemblée générale des Nations unies. Son discours tant attendu à cette prestigieuse tribune est annoncé par le speaker.
Pour sa première à ce rendez-vous des dirigeants du monde, le chef de l’Etat guinéen a troqué le treillis contre le boubou blanc froufroutant d’homme politique et ne s’est guère soucié des commentaires vicieux qui lui prêtent à cet effet des intentions. Celles d’avoir désormais plus d’appétit pour la chose. Ce qui est certain, cette inquiétude pourrait dorénavant s’amplifier par le fait que le locataire du palais Mohamed 5 n’a pas bronché un seul mot concernant le retour à l’ordre constitutionnel. Ce n’est pas son problème. On a l’impression. C’est le cadet de ses soucis, pourrait-on se dire.
Ce qui a primé, en cette occasion unique, pour le colosse, devant un public hostile à l’irruption des militaires sur la scène politique, a été de légitimer son action en démontrant qu’elle était, à l’époque, l’unique alternative. A cet exercice, le colonel ne s’est pas mal débrouillé. Mais pour le reste, c’était moins digeste.
A vrai dire, loin de choquer des soutiens qui n’en finissent pas d’exulter, la sortie de l’homme du 05 septembre qui avait pris l’allure, tout au début du discours, d’une consécration, a basculé. La prestance de l’homme, sa gesticulation irréprochable, son charme, l’élégance remarquable du haut de la tribune, ainsi que sa lecture sans grand fioritures ont été, hélas trahie par un discours difficile à comprendre à cause des contradictions saisissantes et de l’anaphore qui ne riment pas à grand-chose.
La contradiction, c’est quand le colonel justifie de façon péremptoire les coups d’Etat, plutôt son coup d’Etat, par la violation des principes démocratiques, dont entre autre le tripatouillage des constituions dans le but de se maintenir au pouvoir. La contradiction, c’est aussi quand, plus loin dans sa sortie, il a fustigé le modèle de politique démocratique qu’il dit avoir été « insidieusement et savamment » imposé aux Africains après la conférence de Baule.
Les rédacteurs du discours devraient savoir qu’on ne peut pas risquer sa vie pour défendre les principes d’un modèle de gouvernance et pourfendre ce dernier. En effet, le coup d’Etat du 5 septembre a souvent été présenté comme le sacrifice consenti pour redresser la démocratie en Guinée.
Par ailleurs, quand on brode à cette sortie, qui devait être une de ces journées qui font l’histoire et construit une légende, à l’agenda, combien exaltant du séjour du Président du CNRD à New York , on pourrait bien se consoler et se résoudre à admettre que tout n’est pas non plus mauvais. Cet agenda diplomatique était d’une autre qualité plus appréciable. Le colonel a multiplié les rencontres, comme pour démentir ses opposants qui sans cesse débitent sur son isolement sur la scène internationale. Des rendez-vous calés et bouclés avec des personnalités non des moindres, ont le mérite de conforter cette position fièrement défendue par les soutiens du régime.
D’abord avec le secrétaire général de l’ONU, Guterres, puis le vice-Président Chinois et le Président Kagamé. Enfin avec la secrétaire générale de l’OIF. Celle-ci a été particulièrement élogieuse vis-à-vis de son interlocuteur. « C’est un homme sincère, qui dit ce qu’il pense et fait ce qu’il dit » s’est délectée la patronne de la francophonie. Cette réaction a l’air d’un pied de nez à tous les opposants au régime militaire. C’est peu dire que les voix dissonantes en Guinée ne portent pas assez auprès des organismes internationaux.
Pour tout dire en peu de mots, la qualité peu enviable du discours du colonel Mamadi Doumbouya ne peut éclipser son agenda qui l’a propulsé si haut et qui peut lui donner des idées à rester aussi longtemps.
In Djoma